Le succès des politiques et outils de conservation et développement est le plus souvent évalué en terme environnemental et socio-économique, mais très rarement en termes d’internalisation psychologique (au niveau individuel) et sociale (au niveau du groupe, de la communauté). Or cette internalisation est la clef du succès à long terme des stratégies de conservation. Les sciences comportementales ont démontré qu’il existe un fossé entre les valeurs/attitudes et les comportements pro-environnementaux (« attitude-behaviour gap »), ce qui explique pourquoi des projets de conservation peuvent réussir à modifier le système de valeurs locales, mais pas les comportements. De nombreux autres facteurs peuvent intervenir dans l’internalisation des incitations à la conservation et la façon dont les motivations se traduisent effectivement par des comportements. La psychologie sociale, entre autres, offre des perspectives pour comprendre ces mécanismes. Il a également été démontré que des outils incitatifs peuvent aussi bien amener au renforcement (« crowding-in ») des motivations intrinsèques à la conservation, soit à leur éviction (« crowding-out ») et à leur remplacement par des motivations extrinsèques, moins durables sur le long terme.
Des facteurs sociaux, tels que les normes sociales de comportements, la confiance, la réciprocité ainsi que les réseaux de liens entre acteurs, notamment, sont également déterminants pour les comportements pro-environnementaux, puisque ces comportements sont aussi également souvent des comportements pro-sociaux ou altruistes, c’est-à-dire des actions prises par des individus afin d’améliorer le bien-être collectif ou, tout au moins, éviter des conséquences néfastes pour le collectif. En effet, comme les ressources naturelles sont souvent des biens communs, chaque individu doit renoncer à ses avantages individuels à court terme pour protéger les ressources communes et générer un bénéfice sociétal à long terme. L’action collective serait donc ici nécessaire, puisque les individus isolés n’ont suffisamment d’incitations individuelles pour faire face seul à un défi trop écrasant en ce qui concerne l’équilibre coûts-bénéfices de l’action individuelle qui est négatif.
En bref, les outils incitatifs peuvent avoir des effets complètement différents, selon la manière dont leur signification sociale est construite, leur ampleur, leur distribution individuelle ou collective, les perceptions locales de l’équité, l’enracinement psychologique, culturel et social du comportement en question ou son caractère collectif, l’existence de motivations pro-sociales ancrées dans des normes, traditions, ou des considérations altruistes ou morales guidant l’action collective et la gestion des biens communs.
L’objet de ma recherche se concentre donc sur ces aspects comportementaux des politiques et projets de conservation et de développement et leur internalisation aux échelles individuelle (motivations), communautaire (normes, action collective et institutions) et régionale (diffusion) afin de comprendre les conditions susceptibles de favoriser leur succès à long terme.

Contact : Manon Authelet – PhD student, Aspirante FNRS