Lutte contre les pucerons vecteurs de la jaunisse nanisante

 

 

La protection des semences contre les pucerons (Gaucho ou Argento) n'est pas autorisée en Belgique sur les orges de printemps; mais bien sur orge d'hiver. 

  Quand les semences ne sont pas protégées, la décision d'appliquer ou non une protection insecticide ne peut se prendre que à la parcelle en tenant compte du caractère virulifère des pucerons (lire les avis).  Voici comment prendre la décision.  Il faut savoir que un traitement anti-pucerons tuera également les auxiliaires parasites des pucerons, et que, dès lors il faudra retraiter si les conditions climatiques sont favorables à de nouveaux vols de pucerons temps que dure la période sensible (jusqu'en début montaison).  La principale situation à risque est la proximité d'un champs de maïs ensilé pendant la levée de l'orge d'hiver.

 

 

1.    Stratégie de la lutte

 

Les pucerons virulifères font leurs plus grands dégâts pendant la levée, parce que le virus transmis par l’adulte ailé se transmet à ce stade à tous les talles issus de la plantule.  Si la plante est virosée par l’adulte ailé pendant le tallage, les talles étant indépendants, le virus ne peut être transmis aux autres talles et plantes que par les jeunes sans ailes (aptères).  Ceux-ci naissent sains et ne deviennent virulifères que dix jours après avoir ingéré de la sève d’une plante virosée.  La lutte préventive contre les pucerons n’est possible qu’avec le traitement gaucho interdit en orge de printemps en Belgique.  Reste la lutte insecticide.  Celle-ci vise les jeunes aptères.

Le seuil de traitement est de 10 % des plantes porteuses de pucerons aptères (5 % quand les pucerons sont analysés virulifères).  Si on a semé à 200 gr/m2, le seuil de traitement est donc de 10 à 20 plantes porteuses de pucerons au m2.  Quand on voit les premiers pucerons, on a donc 10 jours de bon (le temps qu’ils deviennent virulifères) pour observer s’il y a envahissement ou si les pucerons sont contrôlés par nos auxiliaires dont la plus connue est la coccinelle.  Une larve de coccinelle mange 100 pucerons par jour.

S’il y a envahissement pendant le tallage, il faut traiter ; puis continuer à surveiller (et éventuellement retraiter) jusqu’au stade 1er nœud.

Quand vous traitez contre les pucerons, vous détruisez en même temps tous les auxiliaires.  Si vous trouvez plus facilement des coccinelles que des pucerons, il ne faut normalement pas traiter.  La plupart du temps, j’observe d’ailleurs que les coccinelles sont présentes généralement avant les pucerons, comme si elles avaient un sixième sens.

La décision de ne pas traiter doit se prendre parcelle par parcelle !!!!   Le plus grand facteur de risque de jaunisse nanisante est la présence à proximité de l'orge d'hiver, d'un champ de maïs ensilé pendant la levée !!!!  Dans ce cas, il ne faut pas hésiter beaucoup à pulvériser.

 

2.    Mieux connaître la transmission du virus de la jaunisse nanisante de l’orge par les pucerons.

 

La jaunisse nanisante de l’orge (JNO) est due à un virus transmis à l’ensemble des céréales à paille (orges, escourgeons, froment, avoine) par les pucerons des céréales.  Plusieurs espèces de pucerons sont susceptibles de transmettre le virus, mais à l’automne, c’est l’espèce Rhopalosiphum padi qui est le vecteur le plus important. Ce puceron de forme globuleuse est de couleur vert foncé.

Les exigences thermiques de ce puceron pour se reproduire sont relativement basses (environ 10°C) ce qui explique que certaines années, les pucerons sont encore capables de se multiplier pendant l’hiver. La température et surtout les températures négatives ont un rôle sur la survie des pucerons. On remarque que ce n’est qu’à partir de -6°C pendant un bonne quinzaine de jours que leur survie devient problématique.  L’effet des températures négatives sera d’autant plus important que la chute de température est importante et brutale.

Les pucerons sont des insectes piqueurs - suceurs.  C’est au cours du prélèvement de sève sur une plante contaminée par le virus de la JNO que les jeunes pucerons acquièrent ce virus. Le temps d’acquisition est relativement long, puisque les pièces buccales doivent s’enfoncer jusqu’au phloème de la plante, (c’est à dire les faisceaux conducteurs non lignifiés qui véhiculent les sucres produits par les feuilles vers les organes de croissance ou de stockage), pour trouver la sève et se charger en virus.  Mais après cette prise alimentaire contaminante, le puceron n’est pas immédiatement virulent.  Le virus, après ingestion, effectue un cycle à l’intérieur de l’insecte qui le fait passer du tube digestif à la cavité générale avant d’envahir les glandes salivaires (figure) d’où il sera ré - injecté avec la salive à l’occasion d’un autre prélèvement de sève.  Si le puceron a ingéré suffisamment de virus, il reste infectieux jusqu’à sa mort c’est à dire plusieurs semaines.  Par contre, il ne transmet pas le virus de JNO à sa descendance.  Précisons que la multiplication du virus dans la plante avant que celle-ci ne puisse contaminer à son tour des pucerons sains demande 4 jours.

Le cycle.

Rhopalosiphum padi se maintient pendant l’été sur les céréales et leurs repousses, les maïs et diverses graminées.  Ces plantes sont appelées plantes hôtes ou réservoir à pucerons et virus.  A l’automne, lorsque les températures sont supérieures à 10°C et en absence de pluie et de vent violent, les individus ailés quittent les réservoirs pour coloniser les jeunes céréales, déposent des larves aptères (sans ailes) et transmettent le virus aux jeunes plantules de froment ou d’orge.  Ce n’est qu’au bout de 7 à 10 jours que les aptères transmettent le virus (quatre jours pour que le virus se multiplie dans la plante, une journée pour que le jeune puceron acquière le virus et deux jours pour que le virus passe du tube digestif aux glandes salivaires et soit réinjecté par le puceron dans une plante).

Si les pucerons ailés sont les responsables de l’introduction du virus dans la parcelle (excepté en traitant les semences au Gaucho, il n’est pas possible d’empêcher cette introduction), ce sont les pucerons aptères qui en assurent la propagation. 

C’est donc contre ces aptères qui va s’orienter la lutte anti-puceron.  L’activité des aptères est liée aux conditions climatique et l’intensité des dégâts dépendra de la quantité de virus inoculés, donc de la durée de leur séjour sur la plante et dans la parcelle.  La virose sera d’autant plus répandue que le nombre de pucerons virulifères sera plus élevé.  Les jeunes céréales sont très sensibles au virus, par contre, dans le cas de contamination tardive, les talles de la plante sont alors indépendantes et les pucerons doivent transmettre le virus à chacune d’entre elles pour que l’infection soit complète.

Les symptômes

L’expression et l’intensité des symptômes est différente selon les espèces (orge, froment, avoine) mais aussi selon les variétés.  On assiste généralement à des jaunissement (orge) ou des rougissements (avoine, froment) accompagnés ou non de nanisme.  Ces symptômes apparaissent généralement au printemps, fin tallage - début montaison pour l’orge et l’avoine, exceptionnellement si tôt pour le froment chez qui les symptômes apparaissent le plus souvent à l’épiaison.  Les conditions optimales d’expression de la maladie exigent beaucoup de lumière et une température de 18°C; lors d’un printemps très chaud, les symptômes de JNO sur froment peuvent apparaître précocement, début montaison.

Malheureusement lorsque les symptômes de jaunissement ou de rougissement apparaissent, il est trop tard pour agir.  Le virus de la JNO se multiplie dans le phloème. La présence du virus dans la plante empêche la migration correcte des substances élaborées, ce qui explique un système racinaire moins développé, des grains petits, ridés et de mauvaise qualité.  Remarquons que les grains d’un champ virosé ne transmettent pas la jaunisse, car il n’y a pas passage du virus dans les grains.

(cette partie de l’article est largement inspirée d’un article de Cath. Vacher Perspectives Agricoles n° 147 - Mai 1990