Prédiction avant la récolte

de la teneur en protéines des orges de brasseries

G. Sinnaeve*, B.Monfort**, P. Dardenne*, A. Falisse**

 

(*) Centre de Recherches Agronomiques de Gembloux (CRAW) - Dépt Qualité des productions agricoles

Chaussée de Namur, 24 - B-5030 Gembloux (Belgique)

(**) Faculté Universitaire des Sciences Agronomiques de Gembloux (FUSAGx) - Unité de Phytotechnie.

Passage des Déportés, 2 - B-5030 Gembloux (Belgique)

 

Avec le soutien de la RW, Ministère de l'Agriculture (2430/3), de l'Emploi et du Travail (Prime 30790).

 

Article paru dans la Revue Bios  - 1er semestre 2000

 

Résumé : L'estimation de la teneur en protéines des orges de brasserie, quelques jours avant la récolte, est un critère important pour l'organisation de leur stockage différencié.

La méthode testée sur deux années de récolte prévoit la collecte d'épis à une dizaine de jours de leur maturité, leur battage en laboratoire et la mesure des grains immatures et humides par une technique analytique rapide et non destructive : la spectrométrie dans le proche infrarouge.

Nos essais ont démontré que la détermination de la teneur en protéines à partir des spectres NIR de grains immatures et humides permettait d'avoir une estimation aussi précise que le permettrait la méthode de référence. Lors de la récolte 1997, et quelle que soit la méthode utilisée, les teneurs en protéines déterminées 10 jours avant la récolte étaient sous-estimées de 0.3 % par rapport aux teneurs observées lors de la récolte. En 1998, aucun biais n'a été observé. La relation entre les teneurs en protéines avant et à la récolte doit être vérifiée chaque année. Le recours à des techniques rapides telles que la SPIR autorise l'analyse d'un grand nombre d'échantillons et est de nature à permettre une meilleure valorisation des orges brassicoles dans l'intérêt des partenaires de la filière.

La méthode proposée est actuellement appliquée par les négociants-stockeurs belges.

 

Mots Clés : Orges brassicoles, teneur en protéines, analyses en pré-récolte, spectrométrie dans le proche-infrarouge, SPIR, NIR.

 

En récolte 97 et 98, l'Unité de Phytotechnie de la FUSAGx a réalisé en collaboration avec les agriculteurs, les négociants de l'ASBL «Promotion de l'orge de brasserie» et le laboratoire du «Département Qualité des Productions Agricoles» du CRAW les analyses de teneur en protéines en pré-récolte par spectrométrie dans le proche infrarouge (SPIR ou NIR). Auparavant ces analyses étaient effectuées par la méthode de référence (Kjeldahl N*6.25) qui présente deux inconvénients importants: le prix de revient élevé et le temps nécessaire à l'analyse.

Les premiers résultats obtenus en 1997 ont démontré que les analyses effectuées directement sur grains entiers humides permettaient d'avoir une bonne estimation de la teneur en protéines avant récolte. Les mesures par SPIR des mêmes échantillons après séchage (grains sèches) voire après séchage et broyage (mesures sur poudres) ont conduit à des performances analytiques similaires. En 1998, pour des raisons évidentes de facilité et de rapidité, les analyses ont été effectuées sur grains immatures humides tels que prélevés dans la parcelle quelques jours avant la récolte.

 

Procédure

Échantillons

Une dizaine de jours avant maturité, quand il reste 10 à 30% de tiges plus ou moins vertes, on constitue un échantillon représentatif de la parcelle en prélevant successivement quelques épis tout au long de la traversée de la parcelle.

L'ensemble des prélèvements ponctuels qui s'accumulent dans la main, constitue finalement une gerbe équivalente à une poignée très bien remplie. Les épis de cette gerbe sont égrenés dans une mini - batteuse et les grains humides partent au laboratoire à des fins d'analyse.

Protocole

En 1997, afin d'évaluer les potentialités de la SPIR pour la prédiction de la teneur en protéines des orges immatures, le protocole décrit ci-contre a été mis en place :

Sur base des résultats obtenus en 1997 et des vérifications opérées en 1998, cette procédure peut être largement simplifiée. La plupart des échantillons sont analysés directement sur base des mesures NIR des grains verts. Seuls quelques échantillons choisis pour compléter la base de données existante sont sèches et analysés par méthode de référence. Cette procédure vise à conforter la base 97 par l'apport de la variabilité de l'année 98 et par l'ajout d'échantillons à teneur en protéines plus extrêmes. En pratique, les mesures NIR sur grains sèches et sur poudres ne sont plus indispensables.


Protocole expérimental

 

 

Modèles visant à prédire la teneur en protéines AVANT la récolte

 

Les déterminations effectuées par la méthode de référence sur les échantillons avant récolte (AVR) (combustion totale selon la méthode Dumas, N x 6.25) ont permis d'établir des étalonnages pour prédire la teneur en protéines des orges immatures. En 1997, les mesures NIR ont été effectuées sur grains humides, sur grains secs et sur poudres.

Tableau 1 : Précision des modèles NIR visant à estimer la teneur en protéines d'orges avant récolte.

1997

 

SEC

 

R2

 

SD/SEC

 

Grains humides

0.29

0.88

2.9

Grains secs

0.22

0.93

3.9

Poudres

0.19

0.95

4.5

SEC= Erreur Standard de calibration (en % de protéines)

R2 = Coefficient de détermination

SD = Ecart-type de la population

 

Tableau 2 : Précision des modèles NIR visant à estimer la teneur en protéines d'orges avant récolte

(mesures sur grains frais, années 1997 et 1998).

Grains humides

n

 

SEC

 

R2

 

SD/SEC

 

97

 

170

 

0.24

 

0.92

 

3.5

 

98

 

70

 

0.30

 

0.98

 

6.3

 

97 + 98

 

240

 

0.26

 

0.96

 

5.0

 

SEC= Erreur Standard de calibration (en % de protéines)

R2 = Coefficient de détermination

SD = Ecart-type de la population.

 

Les résultats du tableau 1 montrent que les dispositifs de mesures testés peuvent être appliqués à la prédiction de la teneur en protéines des orges immatures. Plus le R2 est élevé et meilleure est la relation entre les teneurs en protéines estimées par NIR et les teneurs obtenues par méthodes de référence. La précision est meilleure si la valeur SEC est faible. Le ratio SD/SEC permet de comparer l'erreur (SEC ou écart-type résiduel) à la variation de la population quant à sa teneur en protéines (SD ou écart-type de la population). Un ratio de 3.0 permet un classement des lots en fonction de leur taux de protéine (par exemple : bas, moyen, élevé). Plus grand sera ce rapport et plus précise sera la détermination.

Les essais menés en 1997 ont montré que les meilleures prédictions sont obtenues sur poudres et sur grains secs. Toutefois, la précision obtenue sur grains humides est du même niveau et permet la prédiction de la teneur en protéines des orges avant récolte (tableau 1). Les performances analytiques obtenues sur les échantillons des deux années prises individuellement ou ensemble sont du même niveau. En apparence, les précisions obtenues pour l'année 1998 sont sensiblement inférieures. Ceci résulte de ce que les échantillons ont été choisis pour compléter au mieux la base de données existante en élargissant la plage des teneurs en protéines vers le haut (figure 1). Le modèle établi sur base des deux années gagne en robustesse et permet de mieux doser les échantillons présentant de fortes teneurs en protéines. La relation entre les teneurs en protéines avant récolte déterminées par la méthode de référence et par la méthode NIR est reprise à la figure 1. A chaque nouvelle récolte, une vingtaine d'échantillons choisis sur toute la gamme des teneurs et analysés par méthode de référence est suffisante pour vérifier les modèles NIR, intégrer la variabilité de l'année et réduire au maximum les analyses de référence.

Des essais complémentaires menés sur grains secs ont conduit aux mêmes constatations (figure 2). On peut dès lors, sans risque, fonder le classement des lots sur base de l'analyse directe des grains immatures humides.

Fig. 1 : Relation entre les teneurs en protéines avant récolte             Fig. 2 : Relation entre les teneurs en protéines avant récoltes
       déterminées par SPIR sur grains humides et celles obtenues                déterminées par SPIR sur grains sèches et celles obtenues
       par méthode de référence (récolte 1997 -1998)                                         par méthode de référence.

Fig. 3 : Relation entre les teneurs en protéines AVR et REC           Fig. 4 : Relation entre les teneurs en protéines AVR (déterminées
 
           dosées par la méthode de référence (année 1997).                          par NIR sur grains humides) et les teneurs en protéines REC
                                                                                                                  dosées par la méthode de référence (année 1998).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Modèles visant à prédire la teneur en protéines APRES la récolte.

 

Le lien entre les teneurs en protéines réelles déterminées une dizaine de jours avant récolte (AVR) et les teneurs en protéines réellement observées à la récolte (REC) doit être établi sur base des dosages effectués par la méthode de référence sur des échantillons correspondants.

Pour la récolte 1997, la relation entre ces teneurs avait montré un biais systématique entre les deux mesures (figure 3). En moyenne, la teneur en protéines AVR était inférieure de 0.32% par rapport à la teneur en protéines à la récolte (REC). Compte tenu de la bonne relation (R2 élevé) entre AVR et REC, il y avait lieu de prédire la teneur en protéines AVR et de la corriger du biais pour avoir une appréciation correcte de la teneur en protéines lors de la livraison chez le négociant. Les valeurs AVR estimées par la SPIR à partir des grains humides et comparées avec la teneur en protéines réellement mesurée à la récolte par la méthode de référence aboutissait à la même conclusion.

Pour la récolte 1998, ce biais entre AVR et REC n'a pas été constaté et les valeurs obtenues sur grains humides correspondent à celles mesurées à la récolte (figure 4). Cette différence pourrait résider dans le déroulement de la maturation des grains qui a été plus lent en 1998. Il semblerait qu'il y ait un facteur annuel à prendre en compte pour déduire le plus finement possible la teneur en protéines à la récolte de celle mesurée en prérécolte. La poursuite des essais entamés devrait permettre de vérifier cette hypothèse.

 

 

Conclusions

 

Sur base de nos essais effectués sur deux années de récolte (1997 et 1998), on peut avancer les conclusions suivantes:

- Les résultats obtenus sur les échantillons de la récolte 1998 confirment la plupart des observations effectuées sur ceux de la récolte 1997. Les échantillons de 1998 ont permis de conforter les calibrages développés en 1997.

- La mesure de grains frais par spectrométrie dans le proche infrarouge permet d'avoir une aussi bonne estimation de la teneur en protéines à la récolte que ne le ferait la méthode de référence. L'utilisation de cette technique de détermination quasi instantanée de la teneur en protéines avant récolte sera étendue. L'analyse de référence pourra être limitée à 5% des échantillons en vue de vérifier et de conforter les modèles établis. La robustesse du modèle sera améliorée par l'ajout de quelques échantillons représentatifs de chaque nouvelle campagne.

- En 1997, et quelle que soit la méthode de dosage envisagée, la détermination des teneurs en protéines 10 jours avant la récolte avait conduit à une sous-estimation de 0.3% de la teneur en protéines de l'orge lors de sa livraison. Cette constatation n'a pas vérifiée en 1998. En effet, la teneur en protéines estimées avant récolte correspond à celle observée à la récolte. Le déroulement de la maturation des grains pourrait constituer une explication. Une cinétique de la teneur en protéines des orges en cours de maturation devrait être menée afin d'étayer cette hypothèse. Il sera peut-être nécessaire de vérifier cette relation chaque année. - La représentativité de l'échantillon reste un facteur déterminant pour un bon classement de la parcelle. Dans les situations hétérogènes quant aux facteurs phytotechniques, on prélèvera un nombre plus important d'échantillons. Le recours à des techniques telles que la SPIR autorise, en effet, la mesure d'un grand nombre d'échantillons.

L'estimation de la teneur en protéines avant récolte par une technique telle que la spectrométrie dans le proche infrarouge est de nature à prévoir l'aptitude des orges à une utilisation brassicole et permettre l'organisation des récoltes au niveau des organismes stockeurs. Chaque partenaire de la filière qu'il soit agriculteur, négociant-stockeur ou malteur devrait y trouver son intérêt.