Influence de la phytotechnie sur la qualité

 des orges de brasserie et du malt

L’orge brassicole est destinée à la fabrication du malt utilisé pour la fabrication de la bière, du whisky, ou encore de nombreux autres produits alimentaires (céréales du petit déjeuner, confiserie, biscuiterie, pain, boissons diverses...).

Le process de maltage consiste en une mise en germination pendant 4 ou 5 jours de l’orge, germination qui va déclencher une production enzymatique. Ces enzymes (diastases) vont scinder l’amidon en sucres dans le moût lors du brassage, les sucres étant utilisés par les levures de bière pour produire de l’alcool.

 1. La variété est le premier facteur de qualité

De ce procédé technique découlent naturellement les principaux critères de qualité de l’orge de brasserie : l’orge doit donner un maximum de rendement en extraits solubles (sucres), pouvoir produire un maximum d’enzymes (pouvoir diastasique), avoir un type d’amidon se désagrégeant bien, ne pas contenir de composés indésirables (béta-glucanes, tannins et polyphénols, anthocyanogènes, certaines protéines..), fournir un produit final de qualité et de conservation parfaite. Interviennent ainsi de très nombreux critères technologiques  (tableau 1) qu’il n’est pas utile de développer ici parce que critères dépendants essentiellement de la variété et aussi des process techniques de l’industrie.

L’énoncé, même incomplet, des critères définissant la qualité brassicole permet de comprendre que toutes les orges ne sont pas utilisables pour faire une bière de qualité; très peu de variétés intéressent les brasseurs.

Encore faut-il que ces variétés intéressent les producteurs.  Intervient ici la recherche agronomique appliquée par la mise en place de réseaux d’essais où sont comparées pour la qualité et la productivité les variétés actuellement appréciées par l’industrie et les nouvelles variétés apparaissant sur le marché. En Europe Occidentale ces essais sont centralisés par l’EBC (European Brewery Convention) qui définit annuellement les variétés à tester, et qui a standardisé également les méthodes d’analyses. Dans ces essais tous les critères de qualité ne sont pas analysés, mais surtout les cinq plus importants du point de vue technologique, critères qui sont affectés d’un coéfficient de pondération permettant de donner une appréciation globale de qualité (tableau 2).

 L’étape suivante sera de faire accepter éventuellement les nouvelles variétés qui apparaissent intéressantes pour le producteur, par l’industrie de la malterie-brasserie. Des échantillons sont fournis à leur laboratoire pour étude approfondie, et si la qualité finalement trouvée correspond à leur process et leurs débouchés les variétés sont déclarées recommandées par les malteurs. En Belgique ont été recommandées pour la récolte 2007 les variétés du tableau 3. D’autres variétés peuvent être mises en culture pour la malterie, si contrat spécifique avec l’une d’entre elles.

Par ordre de préférence dans les variétés recommandées, les brasseurs et donc les malteurs souhaitent être approvisionnés avant tout en orges brassicoles de printemps, puis en orges brassicoles d’hiver 2 rangs et enfin 6 rangs.

 tableau 1 : Critères technologiques de l’orge de brasserie

Fonction d’usage

test

nature de l’échantillon

Germination

énergie germinative

Orge

Rendement

extrait fine mouture

calibrage

protéines

Orge - Malt

Orge

Orge

Désagrégation et

homogénéité

béta-glucanes

Friabilité

Test calcofluor

Protéines solubles

Kolbach

Hartong

Moût (malt)

Malt

Malt

Malt

Malt

Malt

Saccharification

Pouvoir diastasique

alpha-amylase

Orge - Malt

Malt

Filtrabilité moût et bière

Viscosité - béta-glucanes

Brassin Tépral

temps filtration

augmentation pression

Moût (malt)

Malt

Moût (pilote brasserie)

Bière (pilote brasserie)

Fermentescibilité

(vitesse et limite)

Atténuation limite

Azote aminé libre

Profil des sucres

Vitesse de filtration

Moût (malt)

Moût (malt)

Moût (malt)

Moût (pilote brasserie)

Mousse

Tenue de mousse

Bière

Stabilité colloïdale

Anthocyanogènes

polyphénols

protéines sensibles

tannoïdes

Trouble au froid

Fragilité de la bière

Moût (malt)

Moût (malt)

Moût (malt)

Moût (malt)

Bière non traitée

Bière non traitée

Flaveur

Dégustation

Bière

tableau 2 : Indices de qualité brassicole retenus pour les essais EBC

Attente

Paramètre

Pondération

Rendement

Désagrégation

Saccharification

Filtrabilité

Fermentescibilité

Extrait

Indice Kolbach

Pouvoir diastasique

Viscosité

Atténuation limite

0.45

0.1

0.05

0.25

0.15

 tableau 3 : variétés recommandées en Belgique pour la récolte 2007

Variétés d’orges brassicoles hiver

-

Variétés d’orges brassicoles de printemps

Béatrix

Prestige

Sébastian

Tipple

 2.  pureté, homogénéité, pouvoir germinatif, calibrage, quantité

 Une variété n’intéresse la malterie, que si les lots fournis sont d’importance suffisante. Les contrats de livraison sont régulièrement de l’ordre du millier de tonne, d’où la nécessité souvent de passer par un collecteur.

Les lots fournis devront être absolument homogènes pour la variété (collecte séparée), mais aussi pour le calibre des grains : pour une parfaite uniformité de la germination, mais aussi pour un rendement en extraits maximum, seuls les grains de gros calibre (supérieurs au calibre 2.5 mm) sont maltés : sauf très bonne récolte, les orges réceptionnées sont donc calibrées par le collecteur avant livraison.

Le process de maltage consistant essentiellement en une mise en germination, le pouvoir germinatif et l’énergie germinative (rapidité de germination) doivent être parfaits, au moins supérieurs à 95 %. Cela exige que l’humidité interne des orges soit ramenée sous les 15 % dans les semaines qui suivent la récolte. Pour ne pas endommager le germe et si le séchage doit être utilisé, la température dans le grain ne pourra dépasser 38°C.

La qualité sanitaire du grain doit être assurée, on ne peut détecter dans les livraisons, de moisissures ni de traces de pesticides, dont ceux utilisés pour la désinfection des silos. Enfin, certaines impuretés sont exclues. En particulier la présence de tournesol par exemple, peut faire déclasser une livraison.

 La part de chacun des intervenants en amont de la malterie est résumée dans le tableau 4.

 tableau 4 : influence des intervenants sur les critères de qualité brassicole

critère

collecteur

agriculteur

climat

Pureté variétale

Protéines

Calibrage

Pouvoir germinatif

**

**

***

***

***

***

*

*

-

**

**

***

 Le collecteur a une importance primordiale, car de lui dépend la propreté des silos, l’organisation de la réception séparée des variétés et des classements selon les teneurs en protéines. De lui dépend la qualité du travail de calibrage et du séchage.

Le climat influence aussi la qualité : une sécheresse risque d’échauder le grain et de nuire au calibrage, un climat chaud et humide, surtout en fin de végétation, risque de trop favoriser la minéralisation et les fournitures d’azote du sol et induire ainsi des teneurs élevées en protéines.

L’agriculteur doit être soigneux à la récolte et ne pas mélanger les variétés.  En utilisant les fongicides si nécessaires il prolonge le temps de remplissage du grain et donc le calibrage.  

3. les teneurs en protéines ne peuvent être excessives

 Les protéines jouent un rôle très important dans la fabrication de la bière. Elles servent de nourriture à la levure pendant la fermentation et sont les principaux facteurs du mousseux et du moelleux.

Cependant l’excès de protéines diminue le rendement en brasserie, et provoque un trouble lors de la conservation de la bière par précipitation des complexes protéines-tannins. De plus, une orge trop riche en matières azotées se désagrège plus difficilement : l’excès de protéines freine la pénétration de l’eau, les grains restent durs et la qualité du malt est abaissée.

L’orge ne peut donc être ni trop riche (maximum 11.7 %), ni trop pauvre en protéines (teneurs inférieures à 9%). Les teneurs en protéines de 10% en orge de printemps et 11 % en orge d’hiver sont optimales.

Indéniablement, l’agriculteur joue le rôle le plus important sur l’obtention de teneurs en protéines correctes. Son rôle se situe à deux niveaux : le choix de la parcelle où sera cultivée l’orge, et son niveau d’intensification de la fumure azotée.

Choix de la parcelle : déjà en 1987, nos essais montraient que les anciennes prairies retournées, même depuis longtemps (17 ans dans notre expérimentation) n’étaient pas propices à produire de l’orge de brasserie de qualité. On y avait observé de la verse et les teneurs en protéines y étaient plus élevées de 1.5 % comparées au même essai voisin qui, de mémoire d’homme,  n’avait pas porté de prairie.

Doivent aussi être évités les précédents légumineuses et les parcelles recevant régulièrement et en quantité abondante des restitutions organiques (fumiers, lisiers..)

Limitation de la fumure azotée : pour rester dans les normes de qualité pour la protéine, il faudra obligatoirement limiter la fumure azotée et en conséquence très souvent se priver d’une partie du potentiel de rendement de sa culture : c’est le prix de la qualité.