Orginfo n°133,  3ème trimestre 2014de l' asbl Promotion de l’ Orge de Brasserie, membre du CePiCOP, subsidié par la Région Wallonne

éditeur responsable : J de Montpellier

réalisé par Bruno Monfort (GxABT) (ex FUSAGx)

 

 

1. Une récolte de qualité pour une orge de brasserie de qualité

2. Projet Terrabrew : Pour des « bières belges » du terroir

 

 

1.      Une récolte de qualité pour une orge de brasserie de qualité

Comparée à une récolte d’escourgeons fourragers, la récolte de l’orge de brasserie nécessite des soins particuliers pour ne pas gâcher la qualité au dernier moment :

Un moisson de qualité chez l’agriculteur

- l’orge de brasserie étant destinée à l’alimentation humaine il faut encore plus veiller à la propreté du matériel de livraison : le tracteur et la benne doivent être soigneusement passés au karcher pour éliminer toute trace de fumier, boue … sans oublier de vérifier toute trace de fuite d’huile éventuelle (moteur, circuits hydrauliques …)

- l’orge de brasserie doit être livrée pure.  Veiller à ce que la moissonneuse soit parfaitement vidangée et propre avant de commencer (évitez d’introduire des restes d’escourgeons, de froment ou autres graines indésirables ….

- évitez de casser le grain ! L’orge de brasserie est un grain nettement plus gros que la plupart des escourgeons ; veillez à bien régler la moissonneuse ! Il vaut mieux que le grain soit mal ébarbé que de sortir du grain cassé : en effet la norme de poids à l’hectolitre n’est pas d’application pour l’orge de brasserie !!  Quand le grain est très sec, ce n’est pas toujours si facile de moissonner sans casser de grains… Les grains cassés ne sont pas éliminés pendant l’opération de calibrage or les normes de réception en malterie précisent un maximum de 3 % d’orgettes (grains <2,2 mm en partie éliminés pendant le calibrage) + grains cassés.

- l’orge de brasserie doit être récoltée mature et sèche !! Au premier jour de moisson, quand on mesure un échantillon pris en plein soleil l’analyse peut faire croire à tort que la céréale est mature.  L’appareil mesure l’humidité de l’enveloppe du grain et peut donc renseigner une humidité inférieure à 14 % alors que l’intérieur du grain est encore au dessus du 18 %.  Une fois mis en silo, ce grain va se stabiliser à plus de 15,5 %, seuil à partir duquel le séchage (en plus de la ventilation) est nécessaire pour un bonne conservation !!  Il est donc conseillé d’être patient et ne moissonner que le 2ème jour sans pluie où le grain est re-mesuré inférieur à 14,5 % d’humidité.

(Remarquons que l’inverse peut être aussi vrai : une petite pluie sur un grain étant entièrement sec, entraînera une mesure immédiate d’humidité exagérée.  Il est donc conseillé de conserver l’échantillon de récolte dans un sac plastique étanche , et de refaire la mesure d’humidité le lendemain pour avoir une connaissance correcte de l’humidité du grain mis en silo !)

Maintenant si le climat est humide alors que la récolte est mature on se trouve face à un dilemme.  Pour éviter de la germination sur pied, on sera peut être obligé de récolter, comme d’habitude au Danemark, à une humidité trop élevée.  Dans ces conditions il faudra tout passer au séchoir sans dépasser 38 °C dans le grain pour pouvoir conserver un pouvoir germinatif correct !!!  C’est une opération délicate, lente, exigeante en transvasements et main d’œuvre, raisons qui justifie (sauf exception et accord particulier) le déclassement en Belgique quand l’humidité à la livraison dépasse 17 %.

 

Une mise en silo de qualité chez le stockeur

Le négociant-stockeur est le plus souvent un maillon obligé entre le champs et l’industrie.  Il joue à ce titre un rôle essentiel dans la qualité de la marchandise livrée !

- en premier lieu il faut un endroit de réception et de stockage parfaitement propre pour éviter les charançons, autres insectes et acariens, et aussi les contaminations par les déjections d’oiseaux et rongeurs !!.  Avant de rentrer le grain, les trémies de réception, les silos de même que les gaines de ventilation et chaînes de réception, transport et vidange doivent être soigneusement aspirés, nettoyés, si nécessaire désinfectés (voir produits agréés).  Il faut éliminer tout agglomérat de poussières, nids à insectes pouvant se trouver en contact avec le grains.  Il convient également de contrôler le bon état des toitures et des filets de protection contre les pigeons ..

- le stockeur doit éviter tout mélange de variétés et d’espèces que ce soit à la réception des récoltes que lors des manipulations et des transferts ;

- il faut prélever (et conserver) un échantillon représentatif de chaque benne réceptionnée, et en mesurer l’humidité et les teneurs en protéines (celles-ci peuvent être réalisées en pré-récolte quelques jours avant la moisson).  Il est recommandé de confirmer en refaisant l’analyse de l’humidité le lendemain du versage pour avoir une connaissance fiable de l’humidité réelle de chaque benne constituante du silo (voir ci-dessus, le § humidité à la moisson)

- il doit ventiler les récoltes dès leur réception et les ramener de suite sous 20°C. Dès que possible il faut descendre la température sous 12 °C, puis dans un 3ème temps en hiver sous 5°C si les livraisons sont programmées tard au printemps suivant;

- il faut sécher très rapidement, sans dépasser 38°C dans le grain, les silos à plus de 16 % d’humidité pour les ramener sous 15 %.  Si des bennes trop humides ont été mélangées dans le silo, c’est tout le silo qui devrait passer au séchoir !!  Au dessus de 16 % on ne peut pas conserver un pouvoir germinatif correct sans passer au séchoir ; en dessous de 15 % la ventilation suffira. Avant de passer la récolte au séchoir, il est conseillé de nettoier et si nécessaire calibrer utilement les récoltes ;

- à la livraison de la marchandise, il ne peut pas traiter le contenu des silos (contre les acariens et les insectes) sans l’accord des malteur et brasseur co-contractants.  Dans ce cas il n’utilisera que des produits agréés en Belgique en respectant les délais de latence.

- idéalement il ne faut pas mélanger de lots de qualités extrêmes (exemple : 2 lots à 9 et 12 % de protéines), mais prendre contact avec le malteur pour des livraisons séparées.

- communiquer dès la fin de la moisson aux malteur et brasseurs co-contractants le tonnage effectivement réceptionné pour eux

2.     Projet Terrabrew : Pour des « bières belges » du terroir

Ce rappel des codes de bonnes pratiques , ci-dessus au point 1, veut aussi montrer aux brasseurs qui connaissent souvent peu la filière à leur amont, que produire et fournir une orge de brasserie de qualité demande des efforts certains de la part des agriculteurs et des stockeurs, efforts qu’ils n’ont pas à faire avec des cultures d’orge tout venant et fourragères.  Les précédents Orginfo avaient déjà montré les contraintes de cette culture en terme de choix de variétés moins performantes, de fertilisation réduite obligatoire, de risques climatiques de déclassement …

Tous ces efforts doivent être reconnus et récompensés à leur juste valeur.  De par son climat et la richesse de ses terres, la Belgique est au centre de la région idéale de production des orges de brasserie de qualité.  Dans les années soixante plus de 100 000 ha étaient consacrés en Wallonie à cette production.  La globalisation et la volonté de l’industrie de se fournir au prix le plus bas du marché mondial a détourné les agriculteurs vers des créneaux plus rentables et plus faciles …

Nous sommes pourtant convaincus que les artisans brasseurs qui connaissent la valeur du travail bien fait sont prêts à donner un prix équitable pour leurs intrants qui finalement représentent très peu dans le prix payé par le consommateur à la recherche de produits originaux.  Toutes autres choses restant égales, si on compare les répercussions d’un prix d’achat à l’agriculteur pour les 30 kilos d’orge nécessaires pour brasser 1 hl de bière, passant de 170 €/t (sur base de la cotation actuelle) à 250 €/t (seuil d’attractivité), cela représente un surcoût de 2,4 € sur les 350 € que coûtent en moyenne aux consommateurs 100 litres de « bière spéciale » au supermarché (3,5 €/l), soit à peine 0,23 centime le verre de 33 cl !! Pour le consommateur moyen (80 l/an), déguster toute l’année de vraies « bières belges », faites avec des orges locales belges ne le priverait même pas d’un verre de bière au bistrot du coin !!

Re- brasser de la bière du terroir est donc tout-à-fait envisageable.  Cela demande juste un minimum d’engagement et d’organisation.  Notre asbl POB lance le label « Terrabrew » pour les bières belges dont 50 % au moins de l’orge serait d’origine locale produite en filière de l’agriculteur au brasseur à la satisfaction de tous les partenaires, à commencer par le producteur assuré d’un prix équitable ne variant plus au gré des spéculations et des aléas climatiques.

Plusieurs malteries belges (dont du Château à Beloeil et Dingemans bien implantées auprès des brasseries artisanales) sont déjà parties prenantes pour Terrabrew. 

Les brasseurs intéressés par du malt Terrabrew (même pour de petites quantités) peuvent se faire connaître dès à présent par mail pour de plus amples renseignements. Tous vont être re-contactés dans les prochains jours.