Orge de brasserie  (article du Livre Blanc de septembre 2012)

B. Monfort[1]

 

1. Un marché 2012-2013 qui n’a pas encore démarré.

 Le marché de l’orge de brasserie est évidemment difficile quand 5 multinationales détiennent 50 % de la production mondiale.  L’arrivée sur le marché mondial de l’Argentine qui comme  culture complémentaire succédant  au soja, remplace le froment par de l’orge de printemps, n’arrange pas la situation.  Le tassement des prix du marché européen de l’orge de printemps au début 2012 est d’ailleurs dû à l’autorisation donnée par l’Europe d’importer 500 000 t de cette origine, ce qui a permis de combler une bonne partie des déficits consécutifs aux mauvaises récoltes 2011 et de diminuer les prix à l’avantage de l’industrie.

 

Le marché physique en orge de brasserie démarre généralement en octobre, la moyenne des prix du mois de novembre correspondent souvent à la moyenne de la campagne.  Il est donc encore trop tôt  pour avoir un bon aperçu ; actuellement, la spéculation porte sur la qualité des récoltes réalisées et les rendements des récoltes futures y compris de celles qui viennent d’être semées.  L’optimisme est de mise dans l’industrie qui pense pouvoir s’approvisionner sans trop de problème.  Ce n’est pas l’abondance, ce n’est pas non plus la grosse pénurie.

 

Du point de vue des agriculteurs, fondamentalement le marché n’est pas mauvais, quoique insuffisant, surtout comparativement aux orges fourragères et aux froments.  Depuis quelques années, les cultures d’orge brassicole ne sont pas encouragées par l’industrie de la brasserie – malterie avec pour conséquence, des emblavements  fortement réduits.  L’augmentation des superficies en Europe en 2012 a été accidentelle ;  elle est consécutive au besoin de remplacer au printemps les céréales d’hiver gelées en France, en Allemagne et en Europe du Nord.

Malgré cette année meilleure que 2011, les stocks  d’orge de brasserie vont encore diminuer , tout comme les intentions de semis.  On devrait donc rester dans une situation tendue, avec des prix dont on ne prévoit pas de réelle diminution avant longtemps.  Il ne faut donc pas totalement négliger ce débouché.

 

Toutefois, l’avenir de la culture dans nos régions doit plutôt passer par la mise en relation des agriculteurs et leur négociant stockeur avec des petites et moyennes brasseries qui visent le marché local et régional.  L’orge de brasserie représente un coût très marginal dans le produit fini et stabiliser les approvisionnements en payant correctement les producteurs, y compris les risques qu’ils prennent, n’est pas insurmontable.  Plusieurs petites filières fonctionnent déjà ainsi en Wallonie.  Cela pourrait concerner quelques milliers d’hectares.

 

2. Résultats des variétés dans les essais EBC

Les essais EBC (réseau européen organisé par les malteurs et les brasseurs) recherchent parmi les nouvelles variétés d’orge de potentiel brassicole, celles qui, tout en maintenant une qualité au moins équivalente aux variétés témoins, pourraient satisfaire les agriculteurs par de meilleures performances agronomiques (résistances aux maladies, hauts rendements).

2.1. Les orges d’hiver brassicoles : en attente de l’avis des malteurs, Cervoise reste la référence.

Les orges d’hiver brassicoles sont utilisées pour faire du malt bon marché, surtout pour la grande exportation où la concurrence est rude.  Actuellement la prime est inférieure à 10 €/t, couvrant à peine les surcoûts (séchage, traçabilité, …), elle n’encourage pas les emblavements.  L’idéal serait de trouver un partenaire industriel (brasseur, malteur)  qui  pourrait offrir des prix meilleurs et stables. 

 

Cette année à Lonzée, les rendements des orges d’hiver brassicoles sont en net retrait  par rapport à ceux obtenus en 2011 avec en surcroît des calibrages nettement moins bons.  En outre, les protéines dépassent les normes de réception, signe que l’évolution du climat  durant ce printemps et  les répercussions sur les minéralisations du sol ont été mal anticipées et que le fractionnement de la fumure choisi n’était pas judicieux.  L’incertitude du climat fait partie des risques de la culture ; heureusement les prix en fourrager sont excellents et les pertes de revenu seront limitées.

 

Cervoise est la variété d’ hiver de très loin la plus achetée par les malteurs, mais elle doit être stockée longtemps pour lever la dormance des graines qui est très longue ; c’ est le défaut majeur de la variété.  Bien connue, elle est précoce, d’un potentiel correct pour les rendements mais très sensible à toutes les maladies.

Gigga présente le même potentiel que Cervoise mais est une des variétés les plus résistantes aux maladies, ce qui en fait son principal intérêt.

Etincel qui avait fait d’excellents rendements l’an passé n’a pas confirmé son potentiel en région limoneuse cette année.  Son calibrage est inférieur de ceux de Cervoise et Gigga.

Tableau 1 : Principaux résultats en orge d’hiver en 2011 et 2010.

Orges hiver

Récolte EBC 2012

Récolte EBC 2011

variétés

Rdt

Prot

Calib %

Rdt

Prot

Calib %

 

Kg/ha

%

>2.5 mm

Kg/ha

%

>2.5 mm

Variété reconnues brassicoles ou en observation

Cervoise (6R)

8912

12.3

92

9450

10.1

99.2

Gigga (6R)

8877

11.8

93

9316

10.6

99.6

Etincel (6R)

8802

11.8

88

10202

10.2

98.8

Emotion

8847

11.2

90

 

 

 

Isocel

8885

11.8

87

 

 

 

 

8865

11.8

90

9656

10.3

99.2

Source : essais ES12-02 & ES11-02 (essais EBC) à Lonzée - Gembloux Agro Bio Tech

Données techniques :        en 2012 : fumure = 0-100-70 = 170 N, 2 fongicides, 1 régulateur

                                               en 2011 : fumure = 0-100-40 = 140 N, 1.5 fongicides, 1 régulateur

2.2 Les orges de printemps brassicoles

Les essais de Lonzée ont été semés le 28 mars.  La levée a été parfaite et rapide.  Le climat sans grosse sécheresse par la suite a été favorable au développement des orges de printemps.  Les fortes minéralisations du sol pendant le tallage et la montaison ont entraîné une densité de population très forte traduite par un peu de verse sans conséquences suite aux quelques gros orages.  Les fortes disponibilités de l’azote en début de végétation ont entraîné une pression excessive et dommageable de rhynchosporiose sur les variétés les plus sensibles, telle que Henley.

 

Le manque d’ensoleillement en juin et juillet pendant le remplissage des grains s’est traduit par un calibrage et un poids de 1000 grains moins parfaits que d’habitude, surtout pour les variétés Concerto et Overture, et une récolte plus tardive que la normale (le 11 août).  La moisson a été réalisée en très bonnes conditions ; les rendements sont moyens mais la qualité est parfaite en 2012, avec une très belle couleur des grains.  Scrabble avec 82 qx et Explorer avec 80 qx ont montré les meilleurs rendements.  Concerto a déçu, de même que Bellini et Shandy qui n’ont pas reproduit leurs performances de 2011.  Henley a sans doute été pénalisée par sa sensibilité excessive à la rhynchosporiose qui n’a pas pu  être maîtrisée.  Les autres variétés Sébastian, Quench, Sunshine, et Overture ont  des rendements proches de la moyenne.

 

 

Tableau 2 : Principaux résultats en orge de printemps.  Essais EBC à Lonzée – Gx-ABT.

 

La liste des variétés recommandées en accord avec les brasseurs, les malteurs et les négociants- stockeurs sera diffusée en février 2013 avant le semis des orges de printemps à l’occasion du prochain Livre Blanc.  Dès à présent, les agriculteurs prévoyant de cultiver l’orge de printemps en 2013 doivent tenir compte des conseils suivants.

 

3. Conseils de culture en orge de printemps

Choix des parcelles pour de l’orge de printemps : d’une manière générale, il faut éviter les parcelles riches en humus actif (jachères ou prairies avec légumineuses retournées récemment, fortes restitutions organiques).  Les bonnes terres « à betteraves » faciles d’accès en sortie d’hiver doivent être choisies en priorité.  D’autre part les parcelles trop filtrantes (séchantes et donc avec des risques plus élevés d’échaudage) ou présentant des défauts de structure ne conviennent pas (les orges y sont plus sensibles que les froments).  La place idéale de l’orge de printemps est en 2ème paille après un froment, où la maîtrise de la fumure azotée est plus facile.  Si possible, réalisez un profil azoté de la parcelle tôt en sortie d’hiver.

 

Mesure agri-environnementale « culture extensive en céréales » : depuis 2007, la prime agri-environnementale « réduction des intrants » n’est plus accessible qu’aux cultures d’orges de printemps brassicole ou de seigle (sauf exceptions très locales pour l’épeautre).  Cette prime de 100 €/ha n’exige plus de contraintes techniques (densité de semis, régulateur), la protection fongicide utile souvent réduite et la fumure raisonnée, nécessairement peu intensive, constituent des avantages environnementaux naturels suffisants.

 

Mesure agri-environnementale « couverture hivernale du sol » : la culture d’orge de printemps laisse la place à une couverture hivernale du sol donnant droit également à une prime agri-environnementale de 100 €/ha.

 

Date de semis en orge de printemps : il est conseillé de semer entre le 10 février et le 15 mars dans un sol suffisamment ressuyé, « quand il fait bon labourer ».  Ne semer que si on est assuré d’avoir suffisamment de soleil que pour blanchir le lit de semences.  Les semis précoces sont souvent plus favorables à l’enracinement et la résistance à la sécheresse lorsque le semis est réussi.  Le principal avantage des semis de février est d’atteindre le stade 1er nœud avant les premiers vols de pucerons vecteurs de jaunisse nanisante au printemps.  Un semis hâtif lève lentement et risque plus d'être ravagé par les pigeons et corvidés.  En outre dans ces semis, les vulpins peuvent être plus envahissants.

Il n’y a donc aucune raison de se presser avant le 15 mars si les conditions de semis ne sont pas très bonnes.

Par contre, plus le semis est tardif et plus la préparation du sol devra être affinée pour une levée rapide  (plus le semis est tardif et plus les variétés précoces sont recommandées). 

Dans toutes les situations, mais surtout si la préparation du sol ou la levée ne semblent pas satisfaisantes, ne pas hésiter à rouler le semis (le plus tôt est le mieux, mais le roulage peut être fait sans aucun problème jusqu’au stade 1er nœud).

En mai, on ne mettra de l’orge de printemps que s’il n’y a pas d’autre choix.

 

Densités de semis : semer sans jamais dépasser 250 grains au m2.  Des dégâts de pigeons ou de corvidés ne sont pas moindres avec de fortes densités de semis ; par contre les oiseaux font plus difficilement des dégâts quand la parcelle est roulée.

 

Renseignements complémentaires :

Bruno Monfort, responsable technique de l’asbl Promotion de l’Orge de Brasserie

Tel : 081/62 21 39          Fax : 081/62 24 07          monfort.b@guest.ulg.ac.be


 

[1] Projet APE 2242 (FOREM) et projet CePiCOP (DGARNE, du Service Public de Wallonie)