Orges brassicoles  (extrait du Libre Blanc de février 2016)

 

B. Monfort[1]

  1       Introduction : la production belge d’orges de brasserie en circuits courts. 2

2       Résultats d’expérimentations. 3

2.1        Les variétés brassicoles.

2.1.1        Les variétés brassicoles d’hiver : Etincel et Casinol ! 3

2.1.2        Les variétés brassicoles de printemps. 4

2.2      Les densités de semis en orge de printemps

 2.3        Résultats d’expérimentation sur la fumure en orge de brasserie de printemps.

2.3.1        Comparaison des réponses moyennes des rendements et des protéines à la fumure azotée en orge de printemps à Lonzée, de 2003 à 2015

2.3.2        Réponses variétales à la fumure azotée des orges de printemps. Erreur ! Signet non défini.

2.3.3        Formes de l’engrais azoté et efficacité pour les rendements. 7

2.4     Résultats expérimentaux sur la protection fongicide en orge de brasserie de printemps

3       Recommandations pratiques. 9

3.1        Choix des parcelles. 10

3.2        Date de semis en orge de printemps. 10

3.3        Densité de semis. 10

3.4        Protection des semences et des jeunes semis. 11

3.5        Insecticide contre les pucerons jusqu’au stade 1er nœud. 11

3.6        Fumure azotée. 11

3.7        Désherbage : normalement pas de lutte contre le vulpin. 11

3.8        Stratégie de lutte contre les maladies en orge de printemps. 12

3.9        Les régulateurs de croissance. 13

3.10     Récolte des orges de brasserie. 13

3.11     Stockage des orges de brasserie. 14

 


 

Cet article est essentiellement centré sur les orges de brasserie de printemps.  Toutefois l’orge de brasserie d’hiver y est présent pour les informations sur les variétés.  Vous trouverez les informations non-spécifiques des orges brassicoles hiver (caractéristiques de l’année, fongicides, régulateurs, et principes généraux de la fumure) dans les chapitres consacrés à l’escourgeon.

 

1        Introduction : la production belge d’orges de brasserie en circuits courts

Dans la figure 8.1, depuis plus de 3 ans, l’évolution des cotations en orge de brasserie ne s’améliore pas même si les prix se sont mieux maintenus que ceux des céréales fourragères (escourgeons et froments).  En orge d’hiver il n’y a actuellement que 5 €/t de différence entre le brassicole Etincel et l’escourgeon fourrager alors que les surcoûts pour la traçabilité et un stockage de qualité sont déjà de l’ordre de 10 €/t.  Pour l’orge de printemps brassicole, le prix (mondial) agriculteur est de 160 €/t sur base du FOB Creil rendu Belgique. 

 

Figure 8. 1 – Evolutions des cotations des céréales depuis 2006.

Si on accepte sur base de comptabilité en ferme qu’il faut un prix culture de 160 €/t pour 9 tonnes/ha d’une céréale fourragère (escourgeon ou froment) pour permettre à l’agriculteur d’obtenir un revenu décent de sa culture, il devrait recevoir un prix de 250 €/t quand le rendement est de 6 tonnes/ha en orge de printemps.  En moyenne de 2006 à 2015, si on atteint cet objectif en froment (162 €/t), l’escourgeon avec 148 €/t en moyenne ne permet pas de l’atteindre et on est loin du compte en orge de printemps d’autant que les prix parfois favorables correspondent à des années caractérisées par de faibles rendements ou de très nombreux déclassements.

 

 

Face à ces perspectives peu encourageantes, la volonté de l’asbl Promotion de l’orge de brasserie est de développer une production rentable pour l’agriculteur, à l’abri du marché mondial spéculatif en mettant en valeur les circuits courts auprès des brasseurs soucieux du caractère « terroir » de leurs bières et donc de leur approvisionnement.  A 165 €/t (prix culture de la récolte 2015 et sans compter les récentes augmentations de marges et d’accises), le coût de l’orge de brasserie représente 2,17 % du prix payé par le consommateur pour de la « pils », ou 1,6 % du prix d’une bière spéciale.  Fixer un prix culture de l’ordre de 250 €/tonne d’orge de brasserie (avec une fourchette de +/- 10 %) satisferait tous les partenaires de la filière, du producteur aux transformateurs, sans que l’impact sur le prix de la bière ne soit sensible pour le consommateur : augmentation d’à peine 0,9 % du prix, soit de l’ordre du centime d’Euro le litre.  Quelques brasseurs-distillateurs belges ont déjà fait le pas et conclu des marchés.

2        Résultats d’expérimentations

2.1      Les variétés brassicoles

2.1.1    Les variétés brassicoles d’hiver : Etincel et Casino

Etincel et Casino sont les seules variétés à destination de la brasserie disponibles actuellement sur le marché en Belgique.

Tableau 8.1 – Principaux résultats en orge d’hiver brassicole en 2015 et depuis 2012.  Rendements en pourcent du rendement moyen annuel des variétés (en kg/ha), paramètres de la qualité (teneur en protéines en %, calibrage en %, et poids de 1000 grains en gr). 

Source : essais ES15-01, ES14-02, ES13-02, ES12-02, Lonzée - Gembloux Agro-Bio Tech – CePiCOP

Données culturales :       en 2015 : fumure = 0-100-70 = 170 N, 2 fongicides (1/2 doses), 1 régulateur

 

Etincel, variété performante la plus cultivée en France, est moyennement sensible à la verse et à toutes les maladies.  Sa faible propension à accumuler les protéines permet d’appliquer les mêmes calculs de fumure azotée qu’en escourgeon fourrager, sans plus devoir restreindre celle-ci par crainte de dépassement des normes de protéines

 

Casino apparaît un peu moins performante en rendement et plus sensible aux maladies que Etincel ; de plus sa forte sensibilité à la verse constitue un défaut majeur pour une culture à destination de la brasserie.

 

 

2.1.2    Les variétés brassicoles de printemps

Dans le tableau suivant déjà commenté dans le Livre Blanc de septembre 2015, les variétés Irina (91.5 qx/ha) et Odyssey (93 qx/ha) se révèlent les plus performantes des variétés présentes dans les essais depuis au moins 3 ans. Irina, sensible à la rhynchosporiose, est en rapide développement en France tandis que Odyssey, sensible à la verse se développe en Grande Bretagne à destination de la distillerie.

 

Tableau 8.2 – Principaux résultats en orge de printemps.  Essais EBC à Lonzée – Gx ABT CéPiCOP. 

(1)     : rendements moyens des témoins en kg/ha = 100 % de l’année de l’essai ; protéines et calibre en % (moyenne des témoins)

 

Remarquable parmi les nouveautés, Planet avec 97 qx/ha confirme son potentiel exceptionnel observé dans les pays voisins et semble promise à un bel avenir.  Cette nouvelle variété est déjà en développement en France.  Autres nouvelles variétés, Crescendo, Ovation, Dorinka, Sangria (93-94 qx/ha) confirment que la sélection variétale permet toujours une progression du potentiel de rendement de l’orge de printemps. Les anciennes variétés Barke et Scarlet (77 qx/ha), abandonnées chez nous depuis quelques années pour leur manque de productivité encore cultivées fortement en Argentine et dans les pays de l’Est confirment ce progrès.  Quench (81 qx/ha), surtout cultivée au Danemark, en Suède et en Allemagne, est pénalisée en 2015 par une excessive sensibilité à la rouille naine et quitte le groupe des variétés performantes. Overture, Prunella, Concerto, Sunshine, Ventina, Avalon, Propino, Sanette et Explorer (86,5-89 qx/ha) déçoivent dans nos essais en 2015. Présente depuis 2 ans Gésine (91 qx/ha)  confirme un potentiel correct mais sans doute insuffisant par rapport aux variétés les plus performantes que pour espérer un développement commercial.

 

Pour effectuer son choix variétal, l’agriculteur doit prendre contact avec son négociant – stockeur intermédiaire.  En absence de marché à terme fonctionnel, les contacts doivent être pris avec un malteur ou idéalement un brasseur avant la mise en culture : il ne sert à rien de semer une orge de printemps et se retrouver sans débouché lors de la récolte.

 

2.2      Les densités de semis en orge de printemps

Le tableau suivant résume les essais sur les densités de semis réalisés en 2014 et 2015.  Les résultats sont donnés en % de la densité 175 grains/m2, seule densité commune aux 2 essais.

Tableau 8.3 – Rendements en % et densités de semis en 2014 et 2015 (Lonzée – Gx-ABT).

 

Les semis ont été réalisés à la mi-mars en excellentes conditions et roulés au semis.  On n’observe pas de différence significative entre densités dès 150 gr/m2 et plus, mais par contre les densités ne peuvent être aussi réduites qu’en orge d’hiver : les orges de printemps ont en effet peu de temps pour taller.  Descendre sous 175 gr/m2 n’est pas conseillé actuellement tant que les résultats des essais n’auront pas permis de confirmer que la densité de 150 grains/m2 ne présente pas de risque..

 

2.3      Résultats d’expérimentation sur la fumure en orge de brasserie de printemps

2.3.1    Comparaison des réponses moyennes des rendements et des protéines à la fumure azotée en orge de printemps à Lonzée, de 2003 à 2015 , de 2003 à 2009 et de 2010 à 2015

Les progrès des techniques et des potentiels génétiques des variétés ont été remarquables ces dernières années en orge de printemps.  En outre, la période climatique récente est aussi manifestement plus favorable à l’obtention de rendements élevés dans nos régions.  Les essais à Lonzée montre que ces progrès amènent à devoir adapter la fumure azotée.

 

La figure 8.2 suivante donne pour la période 2003 à 2015 non seulement la réponse moyenne des rendements et des protéines de l’orge de printemps à la fumure azotée dans les essais à Lonzée mais aussi compare les sous-périodes 2003 à 2009 et 2010 à 2015. 

 

Entre ces deux sous-périodes 2010 à 2015 (trait plein) et 2003 à 2009 (trait discontinu) on constate que les rendements moyens potentiels sont passés de 76 qx à 88 qx dans les essais sur la fumure azotée.  Ces augmentations de rendements ont été accompagnées d’une diminution moyenne de 1 % des teneurs en protéines principalement par l’effet de dilution dû au rendement élevé mais aussi suite à la recommandation d’utilisation de variétés faisant naturellement moins de protéines.

Figure 8.2 – Réponses moyennes des rendements et des teneurs en protéines à la fumure azotée croissante de 2003 à 2015 (Lonzée – Gx-ABT).

 

Le tableau suivant tenant compte d’un prix de vente (circuit court) de la céréale à 220 €/t et un coût de l’engrais à 300 €/t donne les fumures économiquement optimales moyennes pour ces périodes avec les rendements et teneurs en protéines correspondants.

 

Tableau 8.4 – Fumures azotées optimales moyennes pour les périodes 2003 à 2009, 2003 à 2015 et 2010 à 2015 dans les essais sur la fumure azotée à Lonzée – Gx-ABT.

 

On constate que l’augmentation de potentiel de rendement entre les périodes 2003 à 2009 et 2010 à 2015 est couplée à une augmentation de la fumure azotée économiquement optimale de 30 uN/ha.

Malgré cette intensification de la fumure les teneurs moyennes en protéines observées avec une fumure azotée optimale ont diminué de 0.5 %. 

 

Le taux de progression des teneurs en protéines reste en moyenne de 0.5 % par augmentation  de 25 uN de la fumure azotée.  Cette donnée doit permettre au producteur d’orge de printemps d’adapter la fumure azotée de ses parcelles en tenant compte des teneurs en protéines observées les récoltes précédentes : adaptation à la hausse quand les teneurs ont été trop basses, à la baisse si elles étaient trop élevées, l’idéal des teneurs en protéines étant de 10,5 % à 11 %.

 

2.3.2    Réponses variétales à la fumure azotée des orges de printemps en 2015

On concluait l’an passé que suite à la variabilité des résultats comparatifs des réponses variétales à la fumure azotée des orges de printemps d’une année à l’autre, mais parfois aussi de la situation dans la parcelle (voir Quench dans le tableau suivant), il n’est pas évident de classer les variétés par groupe d’exigence vis-à-vis de la fumure azotée.  Il en est de même en 2015 dans l’essai OP15-21 où les réponses à la fumure azotée ont été étudiées pour 8 variétés et dont le tableau 8.5 donne les fumures optimales de ces variétés avec les rendements et teneurs en protéines correspondantes. 

Tableau 8.5 – Fumures azotées optimales de 8 variétés en 2015 dans les essais sur la fumure azotée à Lonzée – Gx-ABT.

 

On n’y retrouve pas de logique pouvant découler des observations pluriannuelles.  L’intérêt de ce type d’essai est toutefois de permettre de gommer les différences variétales et d’obtenir une valeur annuelle plus représentative.  Ainsi, en 2015 la fumure optimale moyenne observée à Lonzée est de 142 uN et est 10 uN plus élevée que la moyenne 2010-2015 qui est de 132 N à Lonzée (voir tableau 8.4).

 

2.3.3    Formes de l’engrais azoté et efficacité pour les rendements

Alors qu’en 2011, 2012 et 2013 on avait constaté par rapport à l’ammonitrate 27% une nette moindre efficacité de l’engrais azoté apporté sous forme de solution N39 %, aucune différence d’efficacité n’a par contre été constatée entre les 2 formes d’engrais azoté dans les essais de 2014 et 2015. .

 

L’apport de soufre (sous forme de kiésérite au 1er talle (80 kg = 40 SO3 + 20 MgO)) a montré une tendance positive (mais non significative) à améliorer les rendements aux fumures les plus élevées de l’essai OP15-25 à Lonzée.  Cet apport sera re-testé en 2016.

2.4      La protection fongicide en orge de brasserie

En orge de printemps, vu la rapidité avec laquelle se déroule la montaison, la protection fongicide doit se raisonner différemment par rapport aux escourgeons bien qu’on soit confronté aux mêmes maladies.

 

En moyenne, sur les 11 dernières années, la période de montaison (entre le stade épi 1 cm et le stade dernière feuille étalée) a duré 14 jours en orge de printemps (23 jours en 2015) contre 32 jours en escourgeon (50 jours en 2015).  Il en résulte que la montaison se déroule le plus souvent en absence de symptômes de maladies sur les nouvelles feuilles de la tige et que le traitement en montaison n’est généralement pas justifié. 

 

Pourtant un climat défavorable durant cette période peut permettre aux champignons de s’installer sans que les symptômes soient déjà observables : ces infections expliquent les efficacités parfois inattendues du traitement fongicide effectué durant la montaison.  En 2015 à Lonzée ce fut le cas avec une installation précoce,  au départ peu préoccupante, de rouille naine mais qui a eu le temps de contaminer l’ensemble du feuillage avant le traitement de Dernière feuille.  Cette situation s’était déjà présentée en 2012 et en 2009, la maladie pénalisante était alors la rhynchosporiose.

 

Le tableau 8.6 suivant résume les niveaux de rendements atteints les 7 dernières années en orge de printemps en situations avec et sans traitements fongicides aux stades de montaison et de dernière feuille. 

 

Tableau 8.6 – Rendements (en Qx/ha) avec et sans fongicides dans les « essais programmes de traitements » en orge de printemps et apports en Qx/ha du traitement fongicide appliqué seul sur la dernière feuille et du fongicide appliqué en plus en montaison dans les essais de 2009 à 2015.  Lonzée – Gx-ABT.

 

La moyenne des rendements depuis 2009 en situations traitées est de 80 qx/ha avec une variation de 55 à 94 quintaux.  L’amélioration moyenne des rendements liée aux fongicides est de 8 qx/ha. Les extrêmes annuels des apports fongicides vont de 3-4 quintaux en 2010, 2011 et 2014 à 22 quintaux en 2015.

 

Le tableau 8.7 donne pour deux situations de prix « agriculteur » de vente de la récolte, soit 165 €/t (prix 2015 en automne), soit 220 €/t (prix attendu en « circuit court ») les gains moyens en Euros/ha apportés par les traitements fongicides dans ces essais « programmes de traitements fongicides » menés à Lonzée de 2009 à 2015.  Les traitements sont effectués aux 2 stades « montaison » et « dernière feuille » à dose agréée ou à demi de cette dose maximale.

 

Au prix de vente du marché globalisé (165 €/t) les calculs économiques montrent que le programme de traitement le plus économique est en moyenne celui où un seul fongicide est appliqué à demi dose agréée à la  dernière feuille.  Les années où les maladies sont facilement observées en montaison (telles que la rouille naine en 2015 ou la rhynchosporiose en 2012 et 2009), un double traitement en montaison puis en dernière feuille, toujours à demi doses est tout à fait justifié.  A ce niveau de prix bas et en présence très faible de maladies aux stades de traitement en montaison et en dernière feuille (2014, 2011 et 2010) aucun traitement n’était justifié.

 

Tableau 8.7 – Gains (€/ha) apportés à la culture d’orge de printemps par les différents programmes de traitements fongicides - (Lonzée : 2009 à 2014).  En caractère gras le programme le plus économique de l’année (ou en moyenne des années) quand une dose pleine de fongicide montaison coûte 68 €/ha, celle du fongicide dernière feuille 76 €/ha, un passage coûtant 15 €/ha et que le prix de vente est soit de 165 €/t, soit de 220 €/t.

 

 

Au prix de vente plus éthique du circuit court à 220 €/t, les traitements à pleine dose agréée ne sont toujours pas économiquement justifiés. Selon la présence ou non des maladies en cours de montaison, il est opportun de réaliser respectivement un double traitement fongicide ou seulement un traitement de dernière feuille, mais toujours à demi doses agréées.

 

Les conclusions sont qu’en moyenne en orge de printemps un traitement fongicide à ½ dose sur la dernière feuille étalée est généralement suffisant.  Quand les maladies sont plus présentes comme en 2015, 2012 et 2009 (maladies présentes sur les nouvelles feuilles pendant la montaison), le double traitement à ½ dose d’abord en montaison puis au stade dernière feuille est recommandé.

Pour rappel, ces essais avaient été réalisés avec les variétés les plus sensibles aux maladies.

 

 

 

3        Recommandations pratiques

L’orge de printemps cultivée pour la malterie se caractérise par une utilisation optimale des intrants à un niveau faible.  La valorisation de l’orge de printemps en malterie exige des soins à la récolte et une qualité de stockage particuliers (points 3.10 et 3.11).

 

3.1      Choix des parcelles

Les parcelles riches en humus actif (anciennes prairies, restitutions organiques abondantes ...) sont déconseillées pour une production brassicole

 

D’autre part les parcelles trop filtrantes (séchantes et donc comportant des risques plus élevés d’échaudage) ou présentant des défauts de structure ne conviennent pas (les orges y sont plus sensibles que les froments). 

 

La place normale de l’orge de printemps est en 2ème paille après un froment mais l’orge de printemps peut aussi suivre une tête de rotation.  Dans cette situation, les précédents à forts reliquats azotés (pomme de terre, pois, légumes...) ne sont pas indiqués pour un débouché brassicole.  Il convient alors aussi de tenir compte d’éventuelle présence de mouches nuisibles au semis : suivre alors les avis de surveillance donnés pour les froments et utiliser des semences traitées ad hoc si nécessaire.

 

L’orge de printemps peut aussi revenir sur elle-même.  Bien que théoriquement l’orge de printemps s’accommode aussi des « petites terres », il est préférable, pour un débouché brassicole, de lui réserver les bonnes terres à betteraves.  Il ne faut évidemment pas espérer obtenir les meilleurs revenus financiers sur les plus mauvaises terres de la ferme.

 

3.2      Date de semis en orge de printemps

La date idéale de semis se situe autour du 15 mars. 

Semer plus tôt (jamais avant le 10 février) dans de très bonnes conditions de ressuyage et d’ensoleillement devrait théoriquement permettre d’assurer une plus longue période de végétation, un meilleur enracinement et une meilleure résistance à une sécheresse éventuelle.  Le principal avantage avéré des semis de février est d’atteindre le stade 1er nœud avant les premiers vols de pucerons vecteurs de jaunisse nanisante au printemps. 

Par contre, on rate beaucoup plus souvent un semis hâtif qui lève plus lentement et risque plus d'être ravagé par les pigeons et corvidés.  En outre, dans ces semis, les vulpins peuvent être plus envahissants. 

 

Il n’y a aucune raison de se presser avant le 15 mars si les conditions de semis ne sont pas vraiment bonnes.  Par contre si les conditions sont très bonnes dans la seconde quinzaine de février, il ne faut pas hésiter si on ne craint pas les corbeaux.  Plus le semis est tardif, plus la préparation du sol devra être affinée pour favoriser une levée rapide. 

 

Dans toutes les situations, mais surtout si la préparation du sol ou la levée ne semblent pas satisfaisantes, il ne faut pas hésiter à rouler le semis (le plus tôt est le mieux, mais le roulage peut être fait sans aucun problème jusqu’au stade 1er nœud).

 

En mai, on ne mettra de l’orge de printemps que s’il n’y a pas d’autre choix.

 

3.3      Densité de semis

Il faut semer sans jamais dépasser 250 grains au m2. Descendre à 175 gr/m2 quand les conditions sont excellentes ne constitue pas un risque. Les dégâts de pigeons ou de corvidés ne sont pas moindres avec de fortes densités de semis ; par contre les oiseaux font plus difficilement des dégâts quand la parcelle est roulée.  Les essais à Lonzée sont semés généralement à la mi-mars à 200 grains/m2 et roulés au semis.

 

3.4      Protection des semences et des jeunes semis

Les semences doivent être désinfectées, en particulier contre le charbon.  Le répulsif contre les oiseaux n’est plus autorisé en orge de printemps.  Pendant la levée, le placement dans la culture de bandelettes colorées de type « travaux routiers » s’est révélé efficace pour effrayer les oiseaux de passage, mais pas les locaux résidents.  Une parcelle roulée est également moins attractive pour les oiseaux.

 

3.5      Insecticide contre les pucerons jusqu’au stade 1er nœud

Les céréales de printemps sont très sensibles aux viroses transmises par les pucerons.  Surtout après un hiver clément pendant lequel les pucerons ont survécu, il faut rester très vigilant jusqu'à la montaison et traiter si nécessaire, selon les avertissements.  Il est rare de devoir traiter les semis réalisés avant le 15 mars.

 

3.6      Fumure azotée

Il n’est pas recommandé d’apporter une fumure au semis pour les semis de février, il faut attendre la levée qui peut prendre plusieurs semaines.  Par contre, on peut mettre la fumure de base au moment des semis effectués à partir de la mi-mars ou après. 

 

Dans les conditions de référence, et si les reliquats azotés moyens en sortie d’hiver sont de l’ordre de 80 kg d’azote sur 1,5 m (ou 60 kgN/ha sur 90 cm) (voir l’article « azote minéral du sol »), la fumure conseillée est de 80 kgN/ha dès le début de la végétation renforcée par 20 à 40 kgN/ha au stade redressement si la culture paraît carencée.  Pour adapter la fumure à sa parcelle en fonction de l’expérience passée, il est important de savoir que les teneurs en protéines varient de 0.5 % quand la fumure azotée varie de 25 uN.  Si le climat est trop sec pendant la levée, il faut mettre la fumure de base le plus vite possible dès les premières pluies pour favoriser l’installation de la culture.  Dans ces conditions, il ne faut pas hésiter à rouler la parcelle si cela n’a pas été fait au semis.

 

Appliquer la fumure en deux applications permet de bien maîtriser la fumure et de l'adapter en fonction du développement de la végétation. 

 

Le calibre des grains diminue avec l'augmentation de la fumure, surtout les années de sécheresse pendant le remplissage des grains.  Dépasser la fumure de référence n’est pas prudent lorsqu’on cultive pour la première fois de l’orge de printemps.  Avec de l’expérience, on pourra éventuellement prendre ce risque en connaissance de cause.

 

Pour plus de détail, lire le point 2.2.2 sur les résultats des expérimentations sur la fumure.

 

3.7      Désherbage : normalement pas de lutte contre le vulpin

Il faut éviter de stresser inutilement l’orge de printemps.  Excepté pour les parcelles que l'on sait envahies par la folle-avoine ou le jouet du vent et qu'il convient de traiter au triallate, il n’est généralement pas nécessaire de traiter les orges de printemps contre les graminées.  Pour lutter contre les graminées (le problème se pose plus souvent pour les semis de février), de nombreux produits agréés en escourgeon ont été testés sans aucun dommage pendant le tallage quand la céréale est bien vigoureuse et non stressée.  Contre les dicotylées, la gamme des produits est très large (consulter la liste dans les pages jaunes).

 

3.8      Stratégie de lutte contre les maladies en orge de printemps

Il arrive régulièrement en orge de printemps qu’aucun traitement fongicide ne soit rentabilisé, contrairement aux orges d’hiver et escourgeons où le traitement au stade dernière feuille doit systématiquement être appliqué.

 

Il convient, au moment de décider l’application d’un traitement fongicide, de tenir compte à la fois de la présence et de la pression des maladies sur les nouvelles feuilles formées, du climat annoncé les jours suivants, et des variétés (on fera plus facilement l’impasse sur les variétés résistantes). 

 

Les 2 dernières feuilles de l’orge sont pratiquement les seules importantes pour le remplissage des grains.  Le rôle du fongicide de dernière feuille est de maintenir ces feuilles en activité le plus longtemps possible.  Le rôle du fongicide de montaison est d’empêcher les maladies présentes sur les nouvelles feuilles développées pendant la montaison d’atteindre les 2 dernières feuilles.  Le problème des mycotoxines n’est pas préoccupant en orge de printemps, à l’inverse des grains fusariés et moisis souvent présents quand les récoltes matures sont retardées par les pluies au mois d’août et qui peuvent provoquer le gushing (désagréable et surprenante sortie explosive de la bière hors de la bouteille lors du décapsulage de celle-ci).

 

Fongicide au stade dernière feuille : il faut traiter systématiquement les variétés classées sensibles aux maladies au stade dernière feuille (même en absence de maladie).  Le choix des produits (idéalement à base de SDHI et/ou strobilurine pour la rémanence) sera fait en fonction de la maladie dominante et des maladies accompagnantes (oïdium par exemple).  Un fongicide à moitié de la dose pleine agréée de matières actives contre les maladies visées semble pouvoir suffire.  Il faut tenir compte que le complexe grillures-ramulariose peut sévir en orge de printemps (notamment en 2009 dans les essais à Lonzée).

 

On peut ne pas traiter systématiquement les variétés les plus résistantes (Odyssey, Sunshine,  …) au stade dernière feuille, si les feuilles formées pendant la montaison sont indemnes de maladie et que le climat annoncé pendant les jours suivants n’est pas favorable aux maladies (un traitement réduit à ½ dose est toutefois conseillé dans ces conditions).  Si la situation devait évoluer défavorablement pendant le début de la phase de remplissage des grains, il sera encore possible d’intervenir contre la maladie envahissante.

 

Si on a dû traiter au stade montaison, il faut absolument retraiter au stade dernière feuille !

 

Fongicide au stade montaison : en montaison, il ne faut jamais traiter préventivement ; la décision de traiter ou non en montaison est à prendre à la parcelle en fonction de la présence des maladies, de leur importance, de la variété, du climat annoncé les jours suivants ….  Le potentiel de développement des maladies matérialisé par la présence d’inoculum sur les vieilles feuilles visibles pendant le tallage n’est pas suffisant pour décider le traitement.  La présence de maladies sur les nouvelles feuilles développées en cours de montaison est seul déterminant : il faut traiter avant que ces maladies n’envahissent ces nouvelles feuilles, ce qui n’arrivera pas si les météorologues annoncent une période sèche prolongée qui devrait en outre accélérer l’apparition du stade dernière feuille.

 

Vu que la rémanence du produit n’est pas importante (il faudra retraiter en dernière feuille), et pour éviter les applications répétées de strobilurines (il faut éviter de favoriser l’apparition de souches résistantes), le conseil est de faire le choix, en montaison, parmi les fongicides à base de triazole efficace sur les maladies présentes. Il semble que la moitié de la dose pleine agréée soit toujours suffisante à ce stade.

 

3.9      Les régulateurs de croissance

En culture d’orge de printemps brassicole, l’emploi d’un régulateur n’est normalement pas nécessaire ; il est d’ailleurs souvent phytotoxique (avec parfois de fortes chutes de rendement). 

Si le traitement est jugé nécessaire, les régulateurs utilisés en escourgeon sont agréés en orge de printemps mais à 2/3 de la dose agréée en escourgeon (voir les pages jaunes).

 

3.10      Récolte des orges de brasserie

L'orge va subir en malterie une mise en germination pendant 3 à 5 jours.  L'orge devra donc avoir un pouvoir germinatif intact et une énergie germinative maximale.

 

La récolte ne peut commencer que lorsque le grain est bien mûr, avec, si possible, une teneur en eau inférieure à 15 %.  Les récoltes sont déclassées d’office si l’humidité est supérieure à 18 %.

 

La moissonneuse doit être réglée pour éviter de casser les grains, plus gros en orge deux rangs qu’en escourgeon.

 

Problème de montée tardive d’épis et de présence de grains verts.  Il arrive certaines années, que de fortes minéralisations tardives provoquent le développement de tardillons.  Ces épis ne peuvent améliorer les rendements, et ils empêchent de moissonner à bonne maturité et correcte humidité de la récolte.  En saison humide, des moisissures peuvent se développer sur les grains mûrs, avec pour conséquences des risques de développement de mycotoxines et de déclassement.  Il est conseillé dans cette situation d’essayer de sauver la récolte en appliquant du glyphosate en « pré-récolte » quand les bons grains sont en phase terminale de maturation, et de moissonner dix jours après.  Les grains verts des tardillons seront pour la plupart éliminés lors de l’opération de calibrage de la récolte.  Cette pratique n’altère en rien la capacité germinative des bons grains, l’expérience démontrant plutôt l’inverse car les silos sont plus faciles à conserver.

 

3.11      Stockage des orges de brasserie

Vu les volumes des lots à livrer en malterie, le négociant stockeur est pratiquement incontournable, mais les exigences de qualité en malterie sont telles que seuls les stockeurs qui ont misé sur cette politique de qualité sont acceptés en tant que fournisseurs des malteries belges.

 

Au point de vue infrastructure, le négociant-stockeur doit au minimum être équipé :

·        de trémies de réception séparées permettant de rentrer des variétés en lots purs ;

·        de silos parfaitement équipés en ventilation permettant d’abaisser la température autour de 20 °C  le jour même de la réception ;

·        de nettoyeur pour pouvoir éliminer dès la réception un maximum de poussières, impuretés et grains moisis incompatibles avec une bonne conservation ;

·        de calibreur permettant d’éliminer les orgettes (grains < 2.2 mm) des récoltes ;

·        d’un séchoir performant à utiliser dans les jours suivants la récolte pour sécher toutes les livraisons moissonnées à plus de 16 % (mesure de l’humidité 24 heures après mise en silo, après stabilisation : en début de moisson, l’humidité réelle des grains est très souvent sous-estimée de 1 à 2 %).

Le négociant doit être aux normes HACCP (obligatoire depuis 1997), et le personnel doit être sensibilisé et motivé à une politique de qualité.

 

Tous les négociants ne sont donc pas également compétents pour pouvoir espérer une bonne valorisation de l’orge de brasserie.

 

Le stockage de l'orge de brasserie est très délicat et bien plus contraignant que celui des autres céréales, y compris des semences, puisque la garantie d’énergie germinative est de 95 % en 3 jours en orge de brasserie, ce qui est beaucoup plus drastique que le pouvoir germinatif exigé des semences.

 

A la récolte, l'orge a une dormance plus ou moins forte selon l'année (climat pendant la maturation du grain), le type d’orge, la variété, ...  Ainsi, les orges de printemps originaires de nos régions septentrionales ne sont généralement maltées qu'à partir de la fin de l'automne, et les orges d'hiver à partir du printemps.  Entre-temps, l'orge de brasserie doit être stockée; les livraisons ne se font jamais à la moisson, ce qui n'est pas le cas de l'escourgeon ou du froment.

Une directive européenne a introduit de nouvelles normes sanitaires qui concernent les teneurs maximales autorisées en mycotoxines : les aflatoxines B1, B2, G1, G2 et l’ochratoxine A.  Ces mycotoxines sont produites par les Pénicillium et Aspergillus se développant lorsque le stockage n’est pas assez soigné.

 

Des normes existent aussi pour les DON, mycotoxines dont l’origine provient des fusarium se développant au champ ; mais dans notre climat tempéré d’Europe Occidentale, les DON ne se retrouvent que rarement et en quantités négligeables sur orge, contrairement aux orges nord-américaines.  Néanmoins les grains moisis et/ou fusariés sont indésirables en malterie et ils doivent être éliminés de la récolte. 

 

Pour parvenir à conserver les pouvoir et énergie germinatifs et la qualité sanitaire pendant ces périodes obligatoires de stockage, le stockeur doit ramener le plus rapidement possible la température du grain dans les silos sous 15°C, mais surtout l'humidité du grain autour de 14 % : d'où la nécessité de récolter quand le grain est sec, et de pouvoir, en années humides, sécher les récoltes sans que les températures ne dépassent 38°C dans le grain.  Au-delà de 16 % d’humidité dans le silo, il n’est pas possible de maintenir une qualité parfaite de la récolte par la ventilation seule ; il faut aussi sécher. 

 

 

  

Pour renseignements complémentaires :

 

Tél.- Fax : 081/62 21 39

Mail : bruno.monfort@guest.ulg..ac.be

URL : www.orgedebrasserie.be


[1] Projet APE 2242 (FOREM) et projet CePiCOP (DGA – Ministère de l’Agriculture et de la Ruralité de la RW)