8. Orges brassicoles

 

B. Monfort[1]

 

 

1      Introduction : comprendre le marché de l’orge de brasserie.

2      Résultats d’expérimentations.

2.1       Les variétés brassicoles.

2.1.1        Les variétés brassicoles d’hiver : Cervoise ??.

2.1.2        Les variétés brassicoles de printemps.

2.2       Résultats d’expérimentation sur la fumure en orge de brasserie de printemps.

2.2.1        Fumure azotée en orge de brasserie de printemps.

2.2.2        Réponses variétales à la fumure azotée des orges de printemps.

2.2.3        Formes de l’engrais azoté et efficacité pour les rendements.

2.2.4        Réponses moyennes des rendements et des protéines à la fumure azotée en orge de printemps à Lonzée, de 2003 à 2012.

2.3       La protection fongicide en orge de brasserie.

3      Recommandations pratiques.

3.1       Choix des parcelles.

3.2       Date de semis en orge de printemps.

3.3       Densité de semis.

3.4       Protection des semences et des jeunes semis.

3.5       Insecticide contre les pucerons jusqu’au stade 1er nœud.

3.6       Fumure azotée.

3.7       Désherbage : normalement pas de lutte contre le vulpin.

3.8       Stratégie de lutte contre les maladies en orge de printemps.

3.9       Les régulateurs de croissance.

3.10     Récolte des orges de brasserie.

3.11     Stockage des orges de brasserie.

 

Cet article est essentiellement centré sur les orges de brasserie de printemps.  Toutefois l’orge de brasserie d’hiver y est présent pour les informations spécifiques au caractère brassicole : les variétés et la fumure en orge brassicole d’hiver.  Vous trouverez les informations non-spécifiques des orges brassicoles hiver (caractéristiques de l’année, fongicides, régulateurs, et principes généraux de la fumure) dans les chapitres consacrés à l’escourgeon.

1       Introduction : comprendre le marché de l’orge de brasserie.

La figure suivante donne l’évolution des cotations du malt, de l’orge de brasserie de printemps, de l’escourgeon et du froment fourrager.  Les évolutions des cours du malt et de l’orge sont très étroitement liées.  Si l’on tient compte du coefficient 1,23 la marge de la malterie est quasiment toujours de 142 €/t de malt.  Ce n’est donc vraisemblablement le malteur qui influence les cours de l’orge mais les acteurs que sont le producteur et le brasseur, et plus particulièrement les 5 grands groupes multinationaux qui concentrent à eux seuls plus de 40 % de la production mondiale de la bière.  Ceux-ci, les grands brasseurs font tout leur possible pour avoir la matière première (qui pourtant n’intervient que marginalement dans le coût de production de la bière.  Le producteur réagit lui aux prix du marché :  s’il est intéressant, il sème, dans le cas contraire il abandonne la culture s’il a le choix. Ces dernières années, les Argentins ont adopté la culture parce qu’elle complémente bien le soja dans la rotation, mais la récolte de cette année est mauvaise pour eux. 

 

Figure 8.1 Evolutions des cotations des céréales depuis la récolte 2006

 

En comparaison des escourgeons et froments, on observe 2 périodes favorables aux orges de printemps.  La première allant de la récolte 2006 au début de la commercialisation de la récolte 2008, suivait deux années de très mauvaise commercialisations des orges de printemps (2004 et 2005) qui avaient entraîné la désaffection des agriculteurs, avec pour conséquence une grosse pénurie en 2006, aggravée en 2007.

En 2007, les prix sont tellement attractifs que tout le monde sème de l’orge et cela se traduit par une surproduction en 2008 qui permet de reconstituer les stocks. 

En 2009, les très gros rendements obtenus dans toutes les régions augmentent la surproduction et les prix sont catastrophiques.  Nouvelle désaffection des agriculteurs couplée à de mauvaises récoltes dans plusieurs régions grandes productrice, et la pénurie se réinstalle à la récolte en 2010.  Les stocks très bas en fin 2010.  Mais les différences de prix avec les autres céréales ne sont pas incitatives pour les semis d’orge de printemps.

Les semis étant en régression et plusieurs « grandes » régions connaissant de nouveau de mauvaises récoltes en orge de printemps, la récolte 2011 est de nouveau déficitaire. 

Commence la seconde bonne période de commercialisation des orges de printemps brassicoles depuis 2004.  Les prix sont significativement supérieurs aux autres céréales jusqu’au printemps 2012 où l’UE autorise l’importation de 550 000 tonnes d’orges argentines, ce qui fait rechuter les prix et perdre l’avantage comparatif favorable aux orges européennes.

En 2012 les stocks sont au plus bas, mais l’offre d’orge de printemps est abondante suite aux très nombreux re-semis après l’hiver 2012 et de bonnes récoltes en France et au Danemark et en Allemagne.  Néanmoins les stocks restent vides.  Les prix qui ne sont pas mauvais sont toutefois insuffisants comparativement aux céréales fourragères (escourgeon et froment).  Ils ne compensent pas les différences de rendements et ne couvrent pas le risque de déclassement.  De nombreuses orges brassicoles d’hiver et de printemps ont été écoulées avec les fourragères aussi bien sinon souvent mieux payées et sans risque de déclassement.  Il s’ensuit des intentions de semis partout en chute libre, y compris en Argentine qui vient de faire une mauvaise récolte alors que les prix du froment et du maïs s’envolent chez eux.  La récolte australienne est aussi insuffisante.

Actuellement en ce début d’année 2013, le déficit en orge de brasserie est estimé à près de 1 millions de tonnes, dont 860 000 t pour la Chine.

Malgré tout les brasseurs ne viennent toujours pas aux achats et les prix continuent à se dégrader ; ce qui est une erreur, car les semis commencent. 

 

Si le dérèglement climatique est de nouveau défavorable pour les autres régions productrice et les baisses des emblavements sont confirmées, nous sommes devant une nouvelle bonne période de commercialisation qui devrait bientôt commencer..

 

Il est donc conseillé de rester attentif à cette production facile (mais risquée suite aux déclassements fréquents).  Les contrats de production sont nécessaires, mais sans fixer maintenant les prix de vente qui devraient s’améliorer.

 

La voie d’une production en circuit court directement avec les brasseurs (via un stockeur et un malteur), est toujours explorée.  C’est assurément une voie d’avenir.  Il faut tenir compte que un lot livré en malterie doit être au strict minimum de 50 tonnes et que pour 100 hectolitre de bière, il ne faut que 2,5 tonnes d’orge.  Un lot de 50 T en malterie correspond donc à 2000 hectolitre chez le brasseur.

 

2       Résultats d’expérimentations

2.1    Les variétés brassicoles

2.1.1       Les variétés brassicoles d’hiver : Cervoise ??

La Belgique reste la principale destination des exportations française d’orges, essentiellement à destination de la malterie (la production belge d’orges de brasserie est déficitaire de 940 000 tonnes).  Cervoise (malgré sa sortie de la liste des variétés recommandées de l’IFBM (Institut Français de la Brasserie et de la Malterie) en raison d’une dormance naturellement plus longue mais totalement levée au cours de l’hiver pour les premières livraisons) est de loin la variété la plus achetée par les malteurs suivie par Esterel qui continue à perdre de plus en plus de part de marché mais reste cultivée dans le sud de la Champagne. 

La variété Gigga, intéressante non par un potentiel supérieur à Cervoise, mais surtout par une résistance aux maladies nettement supérieure permettant une production à moindre coût a elle aussi été retirée de la liste alors qu’elle avait réussi les tests de validation technologique et était en observation commerciale. Elle pourrait toutefois intéresser une malterie à la recherche d’orge d’hiver moins ou non traitée.

Les nouvelles variétés Emotion, Etincel et Isocel en observations industrielle et commerciale ne s’avèrent pas agronomiquement plus performantes que Gigga et Cervoise.

 

Tableau 8.1 – Principaux résultats à Lonzée des variétés alternatives à Esterel (essais EBC).  Rendements en quintaux.

 

2012

2011

2010

Cervoise

89

95

116

Gigga

89

93

116

Emotion

88

 

 

Etincel

88

 

 

Isocel

89

 

 

 

2.1.2       Les variétés brassicoles de printemps

Après 2011caractérisée par la sécheresse, l’année 2012 a connu un climat trop peu ensoleillé et trop pluvieux pendant toute la saison culturale.  Les maladies, surtout la rhynchosporiose, ont été plus présentes que de coutume.  Il s’ensuit une récolte moyenne avec des grains pas toujours très bien remplis.  La qualité est toutefois très bonne avec des teneurs en protéines idéales et surtout une très belle couleur des grains, indice de très bonne qualité brassicole.

 

Sébastian (référence en France) et Quench (référence pour les autres pays) sont à 75 qx.  Sur le long terme, Quench plus résistante aux maladies est supérieure en rendements à Sébastian qui a confirmé sa sensibilité à l’oïdium et la rhynchosporiose.

Henley est pénalisée en 2012 essentiellement en raison de sa très grande sensibilité à la rhynchosporiose, mais sur plus long terme cette variété est parfaitement dans la moyenne des témoins.  Bellini, très peu sensible aux maladies n’a pas confirmé ses très bons résultats de 2011.  Concerto a franchement déçu en 2012, à la fois pour ses faibles rendements et calibrage déficitaire, mais aussi pour sa sensibilité à la rhynchosporiose.

Tableau 8.2– Principaux résultats en orge de printemps.  Essais EBC à Lonzée – Gx-ABT.

Scrabble remarquable en rendement et résistance aux maladies est malheureusement retirée de la liste des variétés recommandées en France.

Sunshine est une variété risquée car elle a tendance à avoir un taux de protéines trop élevé ; elle présente une sensibilité moyenne à la rhynchosporiose, tout comme Shandy, la plus sensible à la verse, qui n’a pas reproduit les meilleurs rendements de 2011.

Explorer, aussi sensible que Henley à la rhynchosporiose, a donné les meilleurs rendements en 2012 (82 qx).  Overture a montré par contre une aussi bonne résistance à la rhynchosporiose que Quench et Scrabble.  Les variétés les moins sensibles à la verse ont été Sébastian, Quench, Sunshine et Overture.

 

Pour son choix, l’agriculteur doit prendre contact avec son négociant – stockeur intermédiaire.  En absence de marché à terme fonctionnel, les contacts doivent être pris avec un malteur avant la mise en culture : il ne sert à rien de semer une orge de printemps et se retrouver sans débouché lors de la récolte.

 

 

2.2    Résultats d’expérimentation sur la fumure en orge de brasserie de printemps

2.2.1       Fumure azotée en orge de brasserie de printemps

Le tableau 8.3 présente les résultats de l’essai fumure azotée réalisé sur la variété Quench.

Les meilleurs rendements de 76,6 qx sont obtenus avec une fumure de 120 N appliquée (en solide 27%) pendant la levée.  A ce niveau les taux de protéines étaient très basses et le renforcement de la fumure n’a pas amélioré les rendements. 

Au point de vue modalité de fractionnement entre le début de végétation et le stade redressement, il fallait apporter un minimum de 60 N en début de végétation.  En effet les fractionnements 60-60 et 90-30 ont permis d’obtenir le même rendement que 120-0, soit respectivement 76,6 et 76,8 qx.  Une fumure trop faible en début de végétation (30N) ne permettait pas d’arriver à ce potentiel.

Tableau 8.3 – Fractionnement de la fumure azotée en orge de printemps.  Essais OP12-23 à Lonzée – Gx-ABT.

 

Plus précisément en comparant les surfaces de réponse, le meilleur fractionnement pour le rendement a été 60N à la levée suivi de 45N au redressement conduisant à un rendement de 76,6 qx, les teneurs en protéines étant toutefois légèrement supérieures à celles observées avec 118N à la levée.

 

2.2.2       Réponses variétales à la fumure azotée des orges de printemps

Figure 8.2 – Réponses variétales à la fumure azotée en orge de printemps.  Essais OP12-21 à Lonzée – Gx-ABT.

La figure 8.2 présente l’essai OP12-21 qui comparait 5 variétés quant à la fumure azotée.  Les variétés Quench, Sébastian et Bellini ont eu sensiblement le même comportement avec des fumures optimales variant de 100 à 120N.  La sensibilité de Henley à la rhynchosporiose étant exacerbée par la fumure azotée croissante, sa fumure optimale ne dépassait pas 93N en 2012.  Dans cet essai, Concerto confirme son potentiel plus bas observé dans l’essai de comparaison variétale à Lonzée et sa fumure optimale n’a été que de 79 N/ha.

 

2.2.3       Formes de l’engrais azoté et efficacité pour les rendements

Figure 8.3 – Efficacités de la forme de l’engrais azoté orge de printemps.  Essais OP12-22 à Lonzée – Gx-ABT.

 

En 2011, on avait constaté une moindre efficacité de l’engrais azoté en solution 39 %.  Cela avait été attribué à la sécheresse prolongée faisant suite à l’application de l’engrais.  Dans cet essai en 2012 où les fumures azotées totales ont été apportées en début de végétation, nous constatons de nouveau une moindre efficacité de la solution azotée N39% en comparaison de l’ammonitrate solide N27% sans que l’on puisse cette fois incriminer le climat. A la fois les rendements et les protéines ont été moindres avec la solution azotée.  L’apport de l’engrais sous forme d’urée solide N46% a par contre permis d’obtenir les mêmes rendements et protéines que l’ammonitrate.  La fumure optimale était de 118 N avec l’ammonitrate et de 126 N avec l’urée

 

2.2.4       Réponses moyennes des rendements et des protéines à la fumure azotée en orge de printemps à Lonzée, de 2003 à 2012

La figure 8.3 suivante donne la réponse moyenne des rendements de l’orge de printemps à la fumure azotée observée dans les essais à Lonzée depuis 2003 jusqu’à 2012.

Tenant compte d’un prix de vente de la céréale à 220 €/t et un coût de l’engrais à 300 €/t, la fumure optimale moyenne est de 111 N/ha ayant donné une récolte moyenne de 7757 kg/ha à 11,2 % de protéines.  Cette fumure peut être amenée entièrement en solide pendant la levée, mais par prudence il est conseillé de fractionner en n’apportant que 60 N pendant la levée et d’apporter le complément au redressement si on n’observe pas de présence excessive de maladies, ce qui serait un indice de fumure déjà excessive.

 

Figure 8.4 - Réponses moyennes des rendements et des teneurs en protéines à la fumure azotée croissante de 2003 à 2012 (Lonzée – Gx-ABT)

2.3    La protection fongicide en orge de brasserie

En orge de printemps, vu la rapidité avec laquelle se déroule la montaison, le problème se pose différemment par rapport aux escourgeons alors qu’on est confronté aux mêmes types de maladies.  En moyenne, sur les 7 dernières années, la période de montaison (entre le stade épi 1 cm et le stade dernière feuille étalée) a duré 12 jours en orge de printemps (14 jours en 2012) contre 29 jours en escourgeon (29 jours en 2012).

 

Comparativement aux autres années, la pression des maladies (essentiellement de la rhynchosporiose) a été très forte en 2012.  Les symptômes sont également apparus rapidement dès l’épiaison, et on ne s’étonnera pas d’avoir cette année une bonne efficacité du traitement de montaison sur les variétés sensibles.

 

Le tableau 8.4 compare les résultats les résultats en 2012 et 2011.  2011 était une année avec particulièrement peu de maladies, et les améliorations de rendements apportées par la protection fongicide avaient été moins que moitié moindre que la moyenne des années 2005 à 2010 (normale).  Par contre celles de 2012 sont doubles de la normale.

 

En 2012 et 2011, l’essai 1 comparait le potentiel et le comportement de 10 variétés ; les apports moyens du FDF y sont hautement significatifs mais pas ceux du F1N. 

 

 

Tableau 8.4 – Apports en kg/ha du traitement fongicide appliqué seul sur la dernière feuille (FDF) et du fongicide appliqué en plus en montaison (F1N) dans les essais de 2005 à 2012.  Lonzée – Gx-ABT

 

 

FDF
(appliqué seul)

F1N
(qd FDF)

2012

Essai 1

1050

90

 

Essai 2

1543

530

 

Essai 3

1070

462

moy 2012

 

1221

361

2011

Essai 1

333

24

 

Essai 2

114

-129

 

Essai 3

290

126

moy 2011

 

246

7

moy 2005-2010

 

519

152

 

Les essais 2 et 3 en 2012 ont été réalisés sur Henley, une des variétés les plus sensibles à la rhynchosporiose et les gains de rendements sont appréciables (malgré l’apparente mauvaise efficacité de tous les traitements, tel que les visiteurs de la plate-forme d’essais ont pu le constater en juin).  En 2011 suite à la sécheresse la rhynchosporiose était peu présente et Henley (essai 2) ne devait pas être traité.

 

Le tableau 8.5 compare, pour 2009, 2010 2011 et 2012, les efficacités des traitements fongicides de dernière feuille renforcés ou non par un fongicide en montaison, à pleine dose ou à demi-dose.

 

Tableau 8.5 – Gains de rendements (en kg/ha) apportés par les fongicides selon les itinéraires techniques (moyennes de 3 associations) en 2009 (Var. Sébastian), 2010, 2011et 2012 (Var. Henley) , Lonzée – Gx – ABT.

 

 

Gains de rendements

Gain

coût

Bénef

 

 

2012

2011

2010

2009

moyen

fong

moy

F 1N

FDF

Kg/ha

Kg/ha

Kg/ha

Kg/ha

Kg/ha

Kg/ha

Kg/ha

-

-

0

0

0

0

0

0

0

-

DN

+ 1070

+ 267

+ 335

+ 699

+ 593

364

229

-

½ D

+ 852

+ 252

+ 310

+ 619

+ 508

182

326

DN

DN

+ 1532

+ 405

+ 388

+ 1193

+ 880

728

152

½ D

DN

+ 1420

+ 359

+ 357

+ 1177

+ 828

546

282

½ D

½ D

+ 1331

+ 411

+ 320

+ 1017

+ 770

364

406

DN : dose pleine agréée ; ½ D : ½ dose pleine agréée

 

L’essai en 2009 était réalisé sur Sébastian , variété très sensible aux maladies, et en 2010, 2011 et 2012 sur Henley, variété très sensible à la rhynchosporiose.  Le tableau présente le détail des gains de rendements observés ces quatre dernières années.  Ces gains ont été élevés en 2012 et 2009, faibles en 2010 et 2011. La 7ème colonne donne les augmentations moyennes de rendements et la 8ème le coût des traitements fongicides exprimés en kg/ha. Pour un prix de vente de 220 €/t, un fongicide de 80 €/ha est rentabilisé par un gain de 364 kg de rendements. 

La 9ème colonne donne le bénéfice moyen lié au programme fongicide, également exprimé en kg/ha.  Le meilleur bénéfice l’a été avec 2 traitements à demi-dose en montaison puis en dernière feuille ; le second meilleur bénéfice a été obtenu avec un seul traitement à ½ dose au moment de la dernière feuille.

Pour rappel, ces essais avaient été réalisés avec les variétés les plus sensibles aux maladies.

 

3       Recommandations pratiques

L’orge de printemps cultivée pour la malterie se caractérise par une utilisation optimale des intrants à un niveau faible et bénéficie de la prime agri-environnementale MAE 5 : cultures extensives de céréales. La valorisation de l’orge de printemps en malterie exige des soins à la récolte et une qualité de stockage particuliers (points 3.10 et 3.11).

 

3.1    Choix des parcelles

Les parcelles riches en humus actif (anciennes prairies, restitutions organiques abondantes ...) sont déconseillées pour une production brassicole

 

D’autre part les parcelles trop filtrantes (séchantes et donc comportant des risques plus élevés d’échaudage) ou présentant des défauts de structure ne conviennent pas (les orges y sont plus sensibles que les froments).  La place normale de l’orge de printemps est en 2ème paille après un froment mais l’orge de printemps peut aussi suivre une tête de rotation.  Dans cette situation, les précédents à forts reliquats azotés (pomme de terre, pois, légumes..) ne sont pas indiqués pour un débouché brassicole.  L’orge de printemps peut aussi revenir sur elle-même.

 

Bien que théoriquement l’orge de printemps s’accommode aussi des « petites terres », il est préférable, pour un débouché brassicole, de lui réserver les bonnes terres à betteraves.  Il ne faut évidemment pas espérer obtenir les meilleurs revenus financiers sur les plus mauvaises terres de la ferme.

 

3.2    Date de semis en orge de printemps

La date idéale de semis se situe autour du 15 mars. 

Semer plus tôt (jamais avant le 10 février) dans de très bonnes conditions de ressuyage et d’ensoleillement devrait théoriquement permettre d’assurer une plus longue période de végétation, un meilleur enracinement et une meilleure résistance à une sécheresse éventuelle.  Le principal avantage avéré des semis de février est d’atteindre le stade 1er nœud avant les premiers vols de pucerons vecteurs de jaunisse nanisante au printemps. 

Par contre, on rate beaucoup plus souvent un semis hâtif qui lève plus lentement et risque plus d'être ravagé par les pigeons et corvidés.  En outre, dans ces semis, les vulpins peuvent être plus envahissants. 

 

Il n’y a aucune raison de se presser avant le 15 mars si les conditions de semis ne sont pas vraiment bonnes.  Par contre si les conditions sont très bonnes dans la seconde quinzaine de février, il ne faut pas hésiter si on ne craint pas les corbeaux.  Plus le semis est tardif, plus la préparation du sol devra être affinée pour favoriser une levée rapide. 

 

Dans toutes les situations, mais surtout si la préparation du sol ou la levée ne semblent pas satisfaisantes, il ne faut pas hésiter à rouler le semis (le plus tôt est le mieux, mais le roulage peut être fait sans aucun problème jusqu’au stade 1er nœud).

 

En mai, on ne mettra de l’orge de printemps que s’il n’y a pas d’autre choix.

 

3.3    Densité de semis

Il faut semer sans jamais dépasser 250 grains au m2.  Les dégâts de pigeons ou de corvidés ne sont pas moindres avec de fortes densités de semis; par contre les oiseaux font plus difficilement des dégâts quand la parcelle est roulée.

 

3.4    Protection des semences et des jeunes semis

Les semences doivent être désinfectées, en particulier contre le charbon.  Le répulsif contre les oiseaux n’est plus autorisé en orge de printemps.  Pendant la levée, le placement dans la culture de bandelettes colorées de type « travaux routiers » s’est révélé efficace pour effrayer les oiseaux de passage, mais pas les locaux résidents.  Une parcelle roulée est également moins attractive pour les oiseaux.

 

3.5    Insecticide contre les pucerons jusqu’au stade 1er nœud

Les céréales de printemps sont très sensibles aux viroses transmises par les pucerons.  Surtout après un hiver clément pendant lequel les pucerons ont survécu, il faut rester très vigilant jusqu'à la montaison et traiter si nécessaire, selon les avertissements.  Il est rare de devoir traiter les semis réalisés avant le 15 mars.

 

3.6    Fumure azotée

Il n’est pas recommandé d’apporter une fumure au semis pour les semis de février, il faut attendre la levée qui peut prendre plusieurs semaines.  Par contre, on peut mettre la fumure de base au moment des semis effectués à partir de la mi-mars ou après. 

 

Dans les conditions de référence, et si les reliquats azotés moyens en sortie d’hiver sont de l’ordre de 80 kg d’azote sur 1,5 m (ou 60N sur 90 cm)(voir l’article « azote minéral du sol »), la fumure conseillée est de 60 N dès le début de la végétation renforcée par 20 à 40 N au stade redressement si la culture paraît carencée.  Si le climat est trop sec pendant la levée, il faut mettre la fumure de base le plus vite possible dès les premières pluies pour favoriser l’installation de la culture.  Dans ces conditions, il ne faut pas hésiter à rouler la parcelle si cela n’a pas été fait au semis.

 

Appliquer la fumure en deux applications permet de bien maîtriser la fumure et de l'adapter en fonction du développement de la végétation. 

 

Le calibre des grains diminue avec l'augmentation de la fumure, surtout les années de sécheresse pendant le remplissage des grains.  Dépasser la fumure de référence n’est pas prudent lorsqu’on cultive pour la première fois de l’orge de printemps.  Avec de l’expérience, on pourra éventuellement prendre ce risque en connaissance de cause.

 

Pour plus de détail, lire le point 2.2.2 sur les résultats des expérimentations sur la fumure.

 

3.7    Désherbage : normalement pas de lutte contre le vulpin

Il faut éviter de stresser inutilement l’orge de printemps.  Excepté pour les parcelles que l'on sait envahies par la folle-avoine ou le jouet du vent et qu'il convient de traiter au triallate, il n’est généralement pas nécessaire de traiter les orges de printemps contre les graminées.  Pour lutter contre les graminées (le problème se pose plus souvent pour les semis de février), de nombreux produits agréés en escourgeon ont été testés sans aucun dommage pendant le tallage quand la céréale est bien vigoureuse et non stressée.  Contre les dicotylées, la gamme des produits est très large (consulter la liste dans les pages jaunes).

 

3.8    Stratégie de lutte contre les maladies en orge de printemps

Il arrive régulièrement en orge de printemps qu’aucun traitement fongicide ne soit rentabilisé, contrairement aux orges d’hiver et escourgeons où le traitement au stade dernière feuille doit systématiquement être appliqué.

 

Il convient, au moment de décider l’application d’un traitement fongicide, de tenir compte à la fois de la présence et de la pression des maladies sur les nouvelles feuilles formées, du climat annoncé les jours suivants, et des variétés (on fera plus facilement l’impasse sur les variétés résistantes). 

 

Les 2 dernières feuilles de l’orge sont pratiquement les seules importantes pour le remplissage des grains.  Le rôle du fongicide de dernière feuille est de maintenir ces feuilles en activité le plus longtemps possible.  Le rôle du fongicide de montaison est d’empêcher les maladies présentes sur les nouvelles feuilles développées pendant la montaison d’atteindre les 2 dernières feuilles.  Le problème des mycotoxines n’est pas préoccupant en orge de printemps, à l’inverse des grains fusariés et moisis souvent présents quand les récoltes matures sont retardées par les pluies au mois d’août et qui peuvent provoquer le gushing (désagréable et surprenante sortie explosive de la bière hors de la bouteille lors du décapsulage de celle-ci).

 

Fongicide au stade dernière feuille : il faut traiter systématiquement les variétés classées sensibles aux maladies au stade dernière feuille (même en absence de maladie).  Le choix des produits (idéalement à base de SDHI et/ou strobilurine pour la rémanence) sera fait en fonction de la maladie dominante et des maladies accompagnantes (oïdium par exemple).  Un fongicide à moitié de la dose pleine agréée de matières actives contre les maladies visées semble pouvoir suffire.  Il faut tenir compte que le complexe grillures-ramulariose peut sévir en orge de printemps (notamment en 2009 dans les essais à Lonzée).

 

On peut ne pas traiter systématiquement les variétés très résistantes (Pewter, Quench …) au stade dernière feuille, si les feuilles formées pendant la montaison sont indemnes de maladie et que le climat annoncé pendant les jours suivants n’est pas favorable aux maladies (un traitement réduit à ½ dose est toutefois conseillé dans ces conditions).  Si la situation devait évoluer défavorablement pendant le début de la phase de remplissage des grains, il sera encore possible d’intervenir contre la maladie envahissante.

 

Si on a dû traiter au stade montaison, il faut absolument retraiter au stade dernière feuille !

 

Fongicide au stade montaison : en montaison, il ne faut jamais traiter préventivement ; la décision de traiter ou non en montaison est à prendre à la parcelle en fonction de la présence des maladies, de leur importance, de la variété, du climat annoncé les jours suivants ….  Le potentiel de développement des maladies matérialisé par la présence d’inoculum sur les vieilles feuilles visibles pendant le tallage n’est pas suffisant pour décider le traitement.  La présence de maladies sur les nouvelles feuilles développées en cours de montaison est seul déterminant : il faut traiter avant que ces maladies n’envahissent ces nouvelles feuilles, ce qui n’arrivera pas si les météorologues annoncent une période sèche prolongée qui devrait en outre accélérer l’apparition du stade dernière feuille.

Vu que la rémanence du produit n’est pas importante (il faudra retraiter en dernière feuille), et pour éviter les applications répétées de strobilurines (il faut éviter de favoriser l’apparition de souches résistantes), le conseil est de faire le choix, en montaison, parmi les fongicides à base de triazole efficace sur les maladies présentes. Il semble que la moitié de la dose pleine agréée soit toujours suffisante à ce stade.

 

3.9    Les régulateurs de croissance

En culture d’orge de printemps brassicole, l’emploi d’un régulateur n’est normalement pas nécessaire ; il est d’ailleurs souvent phytotoxique (avec parfois de fortes chutes de rendement). 

Si le traitement est jugé nécessaire, les régulateurs utilisés en escourgeon sont agréés en orge de printemps mais à 2/3 de la dose agréée en escourgeon (voir les pages jaunes).

 

3.10   Récolte des orges de brasserie

L'orge va subir en malterie une mise en germination pendant 3 à 5 jours.  L'orge devra donc avoir un pouvoir germinatif intact et une énergie germinative maximale.

La récolte ne peut commencer que lorsque le grain est bien mûr, avec, si possible, une teneur en eau inférieure à 15 %.  Les récoltes sont déclassées d’office si l’humidité est supérieure à 18 %.

La moissonneuse doit être réglée pour éviter de casser les grains, plus gros en orge deux rangs qu’en escourgeon.

 

Problème de montée tardive d’épis et de présence de grains verts.  Il arrive certaines années (comme en 2001 pour les derniers semis d’orge de printemps), que de fortes minéralisations tardives provoquent le développement de tardillons.  Ces épis ne peuvent améliorer les rendements, et ils empêchent de moissonner à bonne maturité et correcte humidité de la récolte.  En saison humide, des moisissures peuvent se développer sur les grains mûrs, avec pour conséquences des risques de développement de mycotoxines et de déclassement.  Il est conseillé dans cette situation d’essayer de sauver la récolte en appliquant du glyphosate en « pré-récolte » quand les bons grains sont en phase terminale de maturation, et de moissonner dix jours après.  Les grains verts des tardillons seront pour la plupart éliminés lors de l’opération de calibrage de la récolte.  Cette pratique n’altère en rien la capacité germinative des bons grains, l’expérience démontrant plutôt l’inverse car les silos sont plus faciles à conserver.

 

3.11   Stockage des orges de brasserie

Vu les volumes des lots à livrer en malterie, le négociant stockeur est pratiquement incontournable, mais les exigences de qualité en malterie sont telles que seuls les stockeurs qui ont misé sur cette politique de qualité sont acceptés en tant que fournisseurs des malteries belges.

 

Au point de vue infrastructure, le négociant-stockeur doit au minimum être équipé :

·        de trémies de réception séparées permettant de rentrer des variétés en lots purs ;

·        de silos parfaitement équipés en ventilation permettant d’abaisser la température autour de 20 °C  le jour même de la réception ;

·        de nettoyeur pour pouvoir éliminer dès la réception un maximum de poussières, impuretés et grains moisis incompatibles avec une bonne conservation ;

·        de calibreur permettant d’éliminer les orgettes (grains < 2.2 mm) des récoltes ;

·        d’un séchoir performant à utiliser dans les jours suivants la récolte pour sécher toutes les livraisons moissonnées à plus de 16 % (mesure de l’humidité 24 heures après mise en silo, après stabilisation : en début de moisson, l’humidité réelle des grains est très souvent sous-estimée de 1 à 2 %).

Le négociant doit être aux normes HACCP (obligatoire depuis 1997), et le personnel doit être sensibilisé et motivé à une politique de qualité.

Tous les négociants ne sont donc pas également compétents pour pouvoir espérer une bonne valorisation de l’orge de brasserie.

Le stockage de l'orge de brasserie est très délicat et bien plus contraignant que celui des autres céréales, y compris des semences, puisque la garantie d’énergie germinative est de 95 % en 3 jours en orge de brasserie, ce qui est beaucoup plus drastique que le pouvoir germinatif exigé des semences.

A la récolte, l'orge a une dormance plus ou moins forte selon l'année (climat pendant la maturation du grain), le type d’orge, la variété, ...  Ainsi, les orges de printemps originaires de nos régions septentrionales ne sont généralement maltées qu'à partir de la fin de l'automne, et les orges d'hiver à partir du printemps.  Entre-temps, l'orge de brasserie doit être stockée; les livraisons ne se font jamais à la moisson, ce qui n'est pas le cas de l'escourgeon ou du froment.

Une directive européenne a introduit de nouvelles normes sanitaires qui concernent les teneurs maximales autorisées en mycotoxines : les aflatoxines B1, B2, G1, G2 et l’ochratoxine A.  Ces mycotoxines sont produites par les Pénicillium et Aspergillus se développant lorsque le stockage n’est pas assez soigné.

Des normes existent aussi pour les DON, mycotoxines dont l’origine provient des fusarium se développant au champ ; mais dans notre climat tempéré d’Europe Occidentale, les DON ne se retrouvent que rarement et en quantités négligeables sur orge, contrairement aux orges nord américaines.  Néanmoins les grains moisis et/ou fusariés sont indésirables en malterie et ils doivent être éliminés de la récolte. 

Pour parvenir à conserver les pouvoir et énergie germinatifs et la qualité sanitaire pendant ces périodes obligatoires de stockage, le stockeur doit ramener le plus rapidement possible la température du grain dans les silos sous 15°C, mais surtout l'humidité du grain autour de 14 %: d'où la nécessité de récolter quand le grain est sec, et de pouvoir, en années humides, sécher les récoltes sans que les températures ne dépassent 38°C dans le grain.  Au-delà de 16 % d’humidité dans le silo, il n’est pas possible de maintenir une qualité parfaite de la récolte par la ventilation seule ; il faut aussi sécher. 

 

Pour renseignements complémentaires : Tél.- Fax : 081/62 21 39

Mail : monfort.b@fsagx.ac.be   URL : www.orgedebrasserie.be

[1] Projet APE 2242 (FOREM) et projet CePiCOP (DGA – Ministère de l’Agriculture et de la Ruralité de la RW)