8. Orges brassicoles

 

B. Monfort[1] et B. Bodson[2]

 (Article paru dans le Livre Blanc du 23 février 2011 édité par Gx-ABT et CRA-W ; Gembloux - Belgique)

 

1      Introduction. 2

2      Résultats d’expérimentations. 4

2.1       Les variétés brassicoles. 4

2.1.1        Les variétés brasscoles d’hiver : Cervoise fait 70 % du marché francais. 4

2.1.2        Les variétés brassicoles de printemps. 4

2.2       Résultats d’expérimentation sur la fumure en orge de brasserie. 5

2.2.1        Fumure en orge de brasserie d’hiver 5

2.2.2        Fumure azotée en orge de brasserie de printemps. 6

2.3       La protection fongicide en orge de brasserie. 9

3      Recommandations pratiques. 11

3.1       Choix des parcelles. 11

3.2       Date de semis en orge de printemps. 11

3.3       Densité de semis. 12

3.4       Protection des semences et des jeunes semis. 12

3.5       Insecticide contre les pucerons jusqu’au stade 1er nœud. 12

3.6       Fumure azotée. 13

3.7       Désherbage : normalement pas de lutte contre le vulpin. 13

3.8       Stratégie de lutte contre les maladies en orge de printemps. 13

3.9       Les régulateurs de croissance. 14

3.10     Récolte des orges de brasserie. 15

3.11     Stockage des orges de brasserie. 15

 

 

1       Introduction : production en baisse = début de pénurie = valeur des orges de brasserie en hausse

 

Cet article est essentiellement centré sur les orges de brasserie de printemps.  Toutefois l’orge de brasserie d’hiver y est présent pour les informations spécifiques relatives au caractère brassicole : les variétés et la fumure en orge brassicole d’hiver.  Vous trouverez les informations non-spécifiques (caractéristiques de l’année, fongicides, régulateurs, et principes généraux de la fumure) dans les chapitres consacrés à l’escourgeon.

 

Les rendements en orge de brasserie d’hiver (104 qx en 2 rangs, 115 qx en 6 rangs) ont été excellents en 2010.  Par contre en orge de printemps, les 80 qx de rendement en 2010 sont, sans être décevants, en retrait de 14 % comparés aux 92 qx de 2009 (essais de Lonzée).  Cette baisse correspond assez bien aux déficits de rendements chez les agriculteurs qui signalent des rendements de 5 à 7-8t sans compter les parcelles complètement grêlées en Hainaut. En 2010, comme nous le pressentions, une diminution des emblavements a été constatée en réaction aux prix proposés par l’industrie, prix beaucoup trop bas pour compenser les coûts de production.

 

Ces caractéristiques de l’année en Belgique, à savoir baisse des rendements, accidents climatiques, diminution des emblavements, sont également les caractéristiques de l’année au niveau mondial.  Les diminutions des emblavements étaient généralisées dans toutes les grandes régions productrices ; les rendements sont partout en baisse, sauf en Argentine et dans la partie ouest de l’Australie ; les pluies ont détruit la qualité au Canada, en Europe du Nord, en Europe Centrale, dans l’Est de l’Australie ; par ailleurs, une sécheresse excessive a détruit une partie des récoltes en Europe de l’Est (Russie, Ukraine,...) de même qu’en Chine et qu’au Brésil.

 

En fin de campagne 2009, les stocks de report étaient abondants d’où une  pénurie d’orges de brasserie limitée en récolte 2010.  L’industrie ne se presse pas pour couvrir ses approvisionnements et les prix, qui sont néanmoins supérieurs à ceux de l’année 2006, ne suivent pas l’envolée des froments où la spéculation est plus active.  Résultat ?  Les agriculteurs préfèrent emblaver des froments que de l’orge de brasserie dont on prévoit encore une diminution des emblavements pour la récolte 2011.  Pour peu que les rendements 2011 ne soient pas les meilleurs, ou qu’il y ait en 2011 de nouvelles catastrophes climatiques dans l’une ou l’autre grandes régions exportatrices d’orge de brasserie, les prix 2011 pourraient bien vite être ceux de la récolte 2007. 

 

Sans viser ces prix exceptionnels, l’agriculteur a intérêt de bien faire ses calculs.  En ce début février, la figure 8.1 montre que les prix annoncés en FOB Creil pour la récolte 2011 (255 €/t rendu Belgique en nov 2011, moins 35 €/t de marge négoce pour le stockage, la préparation et le transport = 220 €/t agriculteur) devraient permettre des contrats très corrects à ne pas sous-estimer pour une partie de la future récolte !  En tout cas pour de gros volumes de livraison.

 

 

La figure 8.2 suivante montre que les moyennes des cours du malt (étroitement liés aux cours de l’orge de brasserie) avant ou après récolte donnent un avantage de 27 €/t en moyenne pour les cotations en bourse après la récolte.  En période de prix élevé du malt et donc de l’orge, on a intérêt à couvrir une partie de la future récolte par contrat, par contre en moyenne on a intérêt à cultiver en attendant les prix après la récolte.

 

 

2       Résultats d’expérimentations

2.1    Les variétés brassicoles

2.1.1       Les variétés brassicoles d’hiver : Cervoise fait 70 % du marché français

Paradoxal : La variété Cervoise a été retirée depuis deux ans, en raison d’une dormance plus longue que la moyenne, de la liste des variétés recommandées de l’IFBM (Institut Français de la Brasserie et de la Malterie) et est en conséquence absente de leurs données statistiques. Par contre Cervoise est toujours restée cotée en bourse FOB Creil, principal marché où s’approvisionne la malterie belge.  Cervoise, avec 1,2 Mt de disponible, représente 70 % du marché français de l’orge hiver pour la malterie (voir tableau 8.1). La variété Esterel, régulièrement largement dépassée en rendement, trop sensible au froid et aux maladies, ne représente plus que 17 % de ce marché.  Cervoise est donc bien la variété brassicole d’hiver la plus importante.

Arturio n’apporte pas d’avantage cultural sur Cervoise et s’installe difficilement dans ce marché français.  La variété deux rangs Cassata recommandée en Grande-Bretagne est actuellement la seule alternative intéressante à la 2 rangs brassicole Vanessa, mais n’est malheureusement pas développée sur le continent. Les résultats de Azurel et Cartel sont donnés pour information : ces variétés ne présentent aucun intérêt cultural.

Par contre il convient de suivre le développement de Gigga qui a montré un très gros potentiel en 2010, de même qu’une très bonne résistance aux maladies (pas de perte de rendement en absence de fongicide en 2010). Gigga est présente sur la liste de l’IFBM.

Tableau 8.1 – Principaux résultats à Lonzée des variétés alternatives à Esterel (essais EBC).  Rendements en quintaux/ha et importance relative de leur part de marché des orges hiver de brasserie françaises pour la malterie.

 

2010

2009

2008

2007

2006

2005

France

Esterel

114

96

87

93

84

107

17 %

Cervoise

116

107

96

103

96

 

70 %

Arturio

114

 

 

 

98

109

7 %

Azurel

 

 

85

95

 

 

5 %

Cartel

104

94

88

 

 

 

 

Cassata (2R)

104

 

97

103

 

 

 

Gigga

116

 

 

 

 

 

 

 

2.1.2       Les variétés brassicoles de printemps

Le tableau 8.2 résume les résultats des variétés brassicole en orge de printemps.  Les rendements, de l’ordre de 76 qx en Sébastian et de 82-83 qx en Quench, Concerto et Henley, y sont corrects, quoique en retrait de 15 % par rapport à la récolte 2009.  Seules ces 4 variétés sont proposées sur le marché des semences ce printemps.  Sébastian est de loin la variété la plus cultivée en France (67 % du marché) ; elle est la variété de référence sur le marché Euronext de l’orge de brasserie qui peine à se mettre en place.  Quench, la variété la plus résistante aux maladies, se développe partout en Europe mais pas en France. Par contre Concerto et Henley sont reprises dans la liste des variétés recommandées de l’IFBM.

Pour son choix, l’agriculteur doit prendre contact avec son négociant – stockeur intermédiaire.  En absence de marché à terme fonctionnel, les contacts doivent être pris avec un malteur avant la mise en culture : il ne sert à rien de semer une orge de printemps et se retrouver sans débouché à la récolte.

 

Tableau 8.2 – Principaux résultats en orge de printemps.  Essais EBC à Lonzée – Gx-ABT.

 

2.2    Résultats d’expérimentation sur la fumure en orge de brasserie

2.2.1       Fumure en orge de brasserie d’hiver en 2010

La fumure azotée de l’orge d’hiver brassicole Cervoise est présentée dans le point 2.2.2 de la partie escourgeon du chapitre de la fumure azotée de ce Livre Blanc.  Pour rappel, dans l’essai ES10-03 la fumure donnant le rendement maximum de 115,5 qx était de 166N/ha, la fumure optimale pour un prix de vente de 160 €/t et un coût de l’engrais de 200 €/t s’élevant à 146 N donnant 114,7 qx.  A ce niveau de fumure, les protéines étaient toujours parfaitement dans les normes.

 

Ces données sont résumées dans la figure 8.1 ci-dessous.

 

Figure 8.1 : Réponses des rendements et de la teneur en protéines de Cervoise à la fumure azotée (Lonzée ; 2010 : var. Cervoise)

 

2.2.2       Fumure azotée en orge de brasserie de printemps

2.2.2.1       La fumure azotée en orge de brasserie de printemps en 2010

En orge de printemps, deux essais sur le fractionnement ont été menés en 2010.  Les résultats sont donnés dans le tableau 8.3 et les réponses du rendement à la fumure azotée qui y ont été observées sont représentées dans les figures 8.2 et 8.3 avec également leurs réponses respectives des teneurs en protéines. Le tableau 8.4 donne les valeurs caractéristiques de ces réponses.

 

Figure 8.2 & 8.3 : Réponses des rendements et de la teneur en protéines de Quench et Henley à Lonzée en 2010, à la fumure azotée croissante

 

Tableau 8.3 – Fractionnement de la fumure azotée en orge de printemps.  Essais OP10-15 & OP10-19 à Lonzée – Gx-ABT.

 

Tableau 8.4 – valeurs caractéristiques des réponses des figures 8.2 & 8.3.  Essais OP10-15 & OP10-19 à Lonzée – Gx-ABT.

 

Les deux essais (l’un sur Quench, l’autre sur Henley) donnent des résultats très proches et concordants.  Les rendements maximaux ont été atteints respectivement à 150 et 156 uN ; le rendement économiquement optimal, quand les prix de vente de la récolte sont à 160 €/t et d’achat de l’engrais 27% à 200 €/t, était à 131 uN pour Quench et à ce niveau la teneur en protéine était optimale (11 %) ; l’optimum économique et l’optimum pour la qualité coïncident pour Quench dans cet essai en 2010 à Lonzée. Pour Henley cette fumure optimale était de 137 uN mais à ce niveau les protéines étaient légèrement trop élevées et l’optimum pour la qualité ne devait pas dépasser les 120 uN (voir tableau 8.3).

 

Quand au mode d’application, les données statistiques montrent que le total de la fumure pouvait être appliqué dès la levée, mais que une double applications réparties en 90 uN à la levée suivie de 30 uN au redressement était aussi performante que le total de 120 uN mis à la levée, avec toutefois un passage en plus.

 

Les essais OP10-15 & OP10-19 sont parfaitement confirmés dans l’essai OP10-11 réalisé sur 5 variétés et dont les données caractéristiques des réponses sont données dans le tableau 8.5 ; les réponses moyennes des 5 variétés pour les rendements et la teneur en protéines faisant l’objet de la figure 8.4.

 

Figure 8.4 : Réponses des rendements et de la teneur en protéines de la moyenne des 5 variétés de OP10-11 à Lonzée en 2010 avec la fumure azotée croissante

 

Tableau 8.5  – valeurs caractéristiques des réponses des 5 variétés et de leur moyenne - .  Essais OP10-11 à Lonzée – Gx-ABT.

Les teneurs excessives en protéines de Henley dans l’essai OP10-19 au niveau de la fumure économiquement optimale sont confirmées dans le tableau 8.5 pour toutes les variétés, tout comme dans le tableau 8.2 pour la plupart des variété de l’essai OP10-10 où la fumure était de 120 N.

En moyenne, l’essai OP10-11 sur les 5 variétés (figure 8.4) nous renseigne qu’à Lonzée il ne fallait pas dépasser 100 uN ; les teneurs en protéines étant à ce niveau de fumure de 11,3 %.  Les teneurs en protéines relativement élevées en 2010 par rapport à 2009, sont à relier aux minéralisations du sol décalées vers la fin de végétation suite aux déficits de pluies pendant la période allant du début tallage à la mi-juillet (récolte le 1 août).

 

 

 

 

 

 

 

 

2.3    La protection fongicide en orge de brasserie

La protection fongicide des orges d’hiver a été étudiée dans la partie escourgeon où la variété en essais était Cervoise.  En orge de printemps et vu la rapidité de la croissance et du développement, le problème se pose différemment des escourgeons même si les maladies sont communes, y compris le complexe grillures- ramulariose observé pour la première fois en orge de printemps à Lonzée en 2009 et apparu après épiaison, 15 jours plus tard qu’en escourgeon.  Comme en escourgeon le complexe grillures-ramulariose a été absent en 2010.

 

En moyenne sur les 6 dernières années, la période de montaison (entre le stade épi 1 cm et le stade dernière feuille étalée) a duré 12 jours en orge de printemps (13 jours en 2010) contre 31 jours en escourgeon.

On devine évidemment que dans ces conditions il est exceptionnel que le fongicide en montaison améliore suffisamment les rendements que pour en assurer sa rentabilité malgré les relativement fortes fumures apportées en début de végétation pour forcer la population de talles montant en épis mais qui devraient favoriser l’installation des maladies.  Ce qui fut le cas en 2010 avec souvent la présence de rhynchosporiose et d’oïdium dès le début de la montaison.

 

L’efficacité des fongicides (à dose pleine) est reprise dans le tableau 8.6.  En 2010, l’essai 1 donne l’efficacité moyenne des fongicides de l’essai de comparaison de 10 variétés.  L’essai 2 a été réalisé sur la variété Quench, l’essai 3 sur la variété Sébastian et l’essai 4 sur la variété Henley.

Tableau 8.6 – Apports en kg/ha des traitements fongicides sur la dernière feuille (FDF) et fongicide en montaison (F1N) de 2005 à 2010.

 

 

FDF
(appliqué seul)

F1N
(qd FDF)

2010

Essai 1

468

27

 

Essai 2

161

(*)

 

Essai 3

377

204

 

Essai 4

335

53

2009

Essai 1

1347

(*)

 

Essai 2

699

494

2008

Essai 1

707

217

 

Essai 2

1058

205

2007

Essai 1

658

(*)

 

Essai 2

558

(*)

 

Essai 3

612

(*)

2006

Essai 1

69

108

 

Essai 2

495

155

2005

Essai 1

226

158

 

Essai 2

258

47

 

Essai 3

269

1

moy

 

519

152

(*) : pas d’application de fongicide montaison dans cet essai

 

L’apport moyen du fongicide à la dernière feuille est généralement rentabilisé puisqu’il est de 519 kg/ha. Le tableau 8.7 nous renseigne que cette augmentation de rendement couvre le prix du fongicide dès que le prix de vente de l’orge atteint 115 €/t.  Par contre l’apport supplémentaire d’un fongicide en montaison n’est jamais rentabilisé à Lonzée (sauf 1 essai en 2009 sur du Sébastian particulièrement malade).

 

Tableau 8.7 – Coût d’une application fongicide de 60 €/ha exprimé en kg/ha et selon le prix de vente (PV) de la culture (prix agriculteur).

PV

Fongicide de 60 € =
(en kg/ha)

85

706

100

600

115

522

130

462

145

414

160

375

200

300

 

Cette faible valorisation des fongicides en orge de printemps pose la question de l’intérêt des doses réduites.  Le tableau 8.8 compare pour 2009 et 2010, les efficacités des traitements fongicides de dernière feuille renforcés ou non par un fongicide en montaison, à pleine dose ou à demi-dose.

L’essai en 2009 était réalisé sur Sébastian , variété la plus sensible aux maladies, qui avait particulièrement bien réagit aux traitement, et en 2010 sur Henley, variété également sensible aux maladies mais avec nettement moins de pression de maladies qu’en 2009.  Le tableau présente le détail des rendements observés ces deux années.  La 5ème colonne résume les gains moyens de rendement permis par les différentes combinaisons de traitement.  Les deux dernières colonnes comparent les revenus des ces gains moyens quand le prix de vente est de 130 ou 200 €/t.

 

Tableau 8.8 – Rendements (en kg/ha) et rentabilité des itinéraires techniques (en euros) selon le prix de vente (PV) ; 2009 (Var. Sébastien) et 2010 (Var. Henley) , Lonzée

 

 

 

RDT

RDT

Gain

Revenu ½ brut

 

 

2009

2010

moyen

en €/ha

F 1N

FDF

Kg/ha

Kg/ha

Kg/ha

PV

130 €/t

PV

200 €/t

-

-

7565

7350

 

969

1492

-

Dose normale

8264

7685

517

977

1535

-

Demi- dose

8184

7660

465

1000

1554

Dose normale

Dose normale

8758

7738

791

952

1530

Demi- dose

Dose normale

8742

7707

767

979

1555

Demi- dose

Demi- dose

8582

7670

669

996

1564

 

A 130 €/t, le meilleur revenu est obtenu avec ½ dose sur la dernière feuille (Fdf). À 200 €/t, ½ dose supplémentaire en montaison (Fm) permet d’améliorer légèrementle revenu.  Ces conclusions obtenues sur les moyennes de Sébastian et Henley, deux variétés sensibles aux maladies, ne sont pas à généraliser pour Quench, par exemple, qui n’a rentabilisé aucun fongicide en 2010. 

Si on refait les calculs pour Sébastian (rdt 2009) on obtient à 130 €/t le meilleur revenu avec ½ dose en Fdf + ½ dose en Fm et à 200 €/t avec ½ dose en Fm + indifféremment ½ ou 1 dose en Fdf.

Si on refait les calculs pour Henley (rdt 2010) on obtient le meilleur revenu avec ½ dose en Fdf quand le prix est soit à 130 €/t soit à 200 €/t.

 

La tendance semble indiquer qu’en orge de printemps il ne faudrait travailler qu’avec des demi doses ; de façon systématique en Fdf , précédée d’1/2 dose en Fm si les maladies sont très présentes en cours de montaison.

 

 

3       Recommandations pratiques

L’orge de printemps cultivée pour la malterie se caractérise par une utilisation optimale des intrants à un niveau faible et bénéficie de la prime agri-environnementale MAE 5 : cultures extensives de céréales. La valorisation de l’orge de printemps en malterie exige des soins à la récolte et une qualité de stockage particuliers (points 3.10 et 3.11).

 

3.1    Choix des parcelles

Les parcelles riches en humus actif (anciennes prairies, restitutions organiques abondantes ...) sont déconseillées pour une production brassicole

 

D’autre part les parcelles trop filtrantes (séchantes et donc comportant des risques plus élevés d’échaudage) ou présentant des défauts de structure ne conviennent pas (les orges y sont plus sensibles que les froments).  La place normale de l’orge de printemps est en 2ème paille après un froment mais l’orge de printemps peut aussi suivre une tête de rotation.  Dans cette situation, les précédents à forts reliquats azotés (pomme de terre, pois, légumes..) ne sont pas indiqués pour un débouché brassicole.  L’orge de printemps peut aussi revenir sur elle-même.

 

Bien que théoriquement l’orge de printemps s’accommode aussi des « petites terres », il est préférable, pour un débouché brassicole, de lui réserver les bonnes terres à betteraves.  Il ne faut évidemment pas espérer obtenir les meilleurs revenus financiers sur les plus mauvaises terres de la ferme.

 

3.2    Date de semis en orge de printemps

La date idéale de semis se situe autour du 15 mars. 

Semer plus tôt (jamais avant le 10 février) dans de très bonnes conditions de ressuyage et d’ensoleillement devrait théoriquement permettre d’assurer une plus longue période de végétation, un meilleur enracinement et une meilleure résistance à une sécheresse éventuelle.  Le principal avantage avéré des semis de février est d’atteindre le stade 1er nœud avant les premiers vols de pucerons vecteurs de jaunisse nanisante au printemps. 

Par contre, on rate beaucoup plus souvent un semis hâtif qui lève plus lentement et risque plus d'être ravagé par les pigeons et corvidés.  En outre, dans ces semis, les vulpins peuvent être plus envahissants. 

 

Il n’y a aucune raison de se presser avant le 15 mars si les conditions de semis ne sont pas vraiment bonnes.  Par contre si les conditions sont très bonnes dans la seconde quinzaine de février, il ne faut pas hésiter si on ne craint pas les corbeaux.  Plus le semis est tardif, plus la préparation du sol devra être affinée pour favoriser une levée rapide. 

 

Dans toutes les situations, mais surtout si la préparation du sol ou la levée ne semblent pas satisfaisantes, il ne faut pas hésiter à rouler le semis (le plus tôt est le mieux, mais le roulage peut être fait sans aucun problème jusqu’au stade 1er nœud).

 

En mai, on ne mettra de l’orge de printemps que s’il n’y a pas d’autre choix.

 

3.3    Densité de semis

Il faut semer sans jamais dépasser 250 grains au m2.  Les dégâts de pigeons ou de corvidés ne sont pas moindres avec de fortes densités de semis; par contre les oiseaux font plus difficilement des dégâts quand la parcelle est roulée.

 

 

3.4    Protection des semences et des jeunes semis

Les semences doivent être désinfectées, en particulier contre le charbon.  Le répulsif contre les oiseaux n’est plus autorisé en orge de printemps.  Pendant la levée, le placement dans la culture de bandelettes colorées de type « travaux routiers » s’est révélé efficace pour effrayer oiseaux de passage, mais pas les locaux résidents.  Une parcelle roulée est également moins attractive pour les oiseaux.

 

3.5    Insecticide contre les pucerons jusqu’au stade 1er nœud

Les céréales de printemps sont très sensibles aux viroses transmises par les pucerons.  Surtout après un hiver clément pendant lequel les pucerons ont survécu, il faut rester très vigilant jusqu'à la montaison et traiter si nécessaire, selon les avertissements.  Il est rare de devoir traiter les semis réalisés avant le 15 mars.

 

3.6    Fumure azotée

Il ne faut pas mettre la fumure au semis pour les semis de février, il faut attendre la levée qui peut prendre plusieurs semaines.  Par contre, on peut mettre la fumure de base au moment des semis effectués à partir de la mi-mars ou après. 

 

Dans les conditions de référence, et si les reliquats azotés moyens en sortie d’hiver sont de l’ordre de 80 N sur 1,5 m (ou 60N sur 90 cm)(voir l’article « azote minéral du sol »), la fumure conseillée est de 60 N dès le début de la végétation renforcée par 20 à 40 N au stade redressement si la culture paraît carencée.  Si le climat est trop sec pendant la levée, il faut mettre la fumure de base le plus vite possible pour favoriser l’installation de la culture.  Dans ces conditions, il ne faut pas hésiter à rouler la parcelle si cela n’a pas été fait au semis.

 

Appliquer la fumure en deux applications permet de bien maîtriser la fumure et de l'adapter en fonction du développement de la végétation. 

 

Le calibre des grains diminue avec l'augmentation de la fumure, surtout les années de sécheresse pendant le remplissage des grains.  Dépasser la fumure de référence n’est pas prudent lorsqu’on cultive pour la première fois de l’orge de printemps.  Avec de l’expérience, on pourra éventuellement prendre ce risque en connaissance de cause.

 

Pour plus de détail, lire le point 2.2.2 sur les résultats des expérimentations sur la fumure.

 

3.7    Désherbage : normalement pas de lutte contre le vulpin

l faut éviter de stresser inutilement l’orge de printemps.  Excepté pour les parcelles que l'on sait envahies par la folle-avoine ou le jouet du vent et qu'il convient de traiter au triallate, il n’est généralement pas nécessaire de traiter les orges de printemps contre les graminées.  Pour lutter contre les graminées (le problème se pose plus souvent pour les semis de février), de nombreux produits agréés en escourgeon ont été testés sans aucun dommage pendant le tallage quand la céréale est bien vigoureuse et non stressée.  Contre les dicotylées, la gamme des produits est très large (consulter la liste dans les pages jaunes).

 

3.8    Stratégie de lutte contre les maladies en orge de printemps

Excepté en 2009, où vient en outre d’apparaître le complexe grillures-ramulariose, les dernières années n’ont pas été très favorables à l’emploi des fongicides.  Aucun traitement fongicide n’est indispensable en orge de printemps, contrairement aux orges d’hiver et escourgeons où le traitement au stade dernière feuille doit systématiquement être appliqué.

 

Il convient, au moment de décider l’application d’un traitement fongicide, de tenir compte à la fois de la présence et de la pression des maladies sur les nouvelles feuilles formées, du climat annoncé les jours suivants, et des variétés (on fera plus facilement l’impasse sur les variétés résistantes).

 

Les 2 dernières feuilles de l’orge sont pratiquement les seules importantes pour le remplissage des grains.  Le rôle du fongicide de dernière feuille est de maintenir ces feuilles en activité le plus longtemps possible.  Le rôle du fongicide de montaison est d’empêcher les maladies présentes sur les nouvelles feuilles développées pendant la montaison d’atteindre les 2 dernières feuilles.  Le problème des mycotoxines n’est pas préoccupant en orge de printemps, à l’inverse des grains fusariés et moisis souvent présents quand les récoltes matures sont retardées par les pluies au mois d’août et qui peuvent provoquer le gushing (désagréable et surprenante sortie explosive de la bière hors de la bouteille lors du décapsulage de celle-ci).

 

Fongicide au stade Dernière feuille : il faut traiter systématiquement les variétés classées sensibles aux maladies au stade dernière feuille (même en absence de maladie).  Le choix des produits (idéalement à base de strobilurine pour la rémanence) sera fait en fonction de la maladie dominante et des maladies accompagnantes (oïdium par exemple).  Un fongicide à moitié de la dose pleine agréée de matières actives contre les maladies visées semble pouvoir suffire.

 

On peut ne pas traiter systématiquement les variétés très résistantes (Pewter, Quench …) au stade dernière feuille, si les feuilles formées pendant la montaison sont indemnes de maladie et que le climat annoncé pendant les jours suivants n’est pas favorable aux maladies (un traitement réduit à ½ dose est toutefois conseillé dans ces conditions).  Si la situation devait évoluer défavorablement pendant le début de la phase de remplissage des grains, il sera encore possible d’intervenir contre la maladie envahissante.

 

Si on a dû traiter au stade montaison, il faut absolument retraiter au stade Dernière feuille !

 

Fongicide au stade montaison : en montaison, il ne faut jamais traiter préventivement ; la décision de traiter ou non en montaison est à prendre à la parcelle en fonction de la présence des maladies, de leur importance, de la variété, du climat annoncé les jours suivants ….  Le potentiel de développement des maladies matérialisé par la présence d’inoculum sur les vieilles feuilles visibles pendant le tallage n’est pas suffisant pour décider le traitement.  La présence de maladies sur les nouvelles feuilles développées en cours de montaison est seul déterminant : il faut traiter avant que ces maladies n’envahissent ces nouvelles feuilles, ce qui n’arrivera pas si les météorologues annoncent une période sèche prolongée, qui devrait en outre accélérer l’apparition du stade dernière feuille.

Vu que la rémanence du produit n’est pas importante (il faudra retraiter en dernière feuille), et pour éviter les applications répétées de strobilurines (il faut éviter de favoriser l’apparition de souches résistantes), le conseil est de faire le choix, en montaison, parmi les fongicides à base de triazole efficace sur les maladies présentes. Il semble que la moitié de la dose pleine agréée soit toujours suffisante à ce stade.

 

3.9    Les régulateurs de croissance

En culture d’orge de printemps brassicole, l’emploi d’un régulateur n’est normalement pas nécessaire ; il est d’ailleurs souvent phytotoxique (avec parfois de fortes chutes de rendement). 

Si le traitement est jugé nécessaire, les régulateurs utilisés en escourgeon sont agréés en orge de printemps mais à 2/3 de la dose agréée en escourgeon (voir les pages jaunes).

 

3.10   Récolte des orges de brasserie

L'orge va subir en malterie une mise en germination pendant 3 à 5 jours.  L'orge devra donc avoir un pouvoir germinatif intact et une énergie germinative maximale.

La récolte ne peut commencer que lorsque le grain est bien mûr, avec, si possible, une teneur en eau inférieure à 15 %.  Les récoltes sont déclassées d’office si l’humidité est supérieure à 18 %.

La moissonneuse doit être réglée pour éviter de casser les grains, plus gros en orge deux rangs qu’en escourgeon.

 

Problème de montée tardive d’épis et de présence de grains verts.  Il arrive certaines années (comme en 2001 pour les derniers semis d’orge de printemps), que de fortes minéralisations tardives provoquent le développement de tardillons.  Ces épis ne peuvent améliorer les rendements, et ils empêchent de moissonner à bonne maturité et correcte humidité de la récolte.  En saison humide, des moisissures peuvent se développer sur les grains mûrs, avec pour conséquences des risques de développement de mycotoxines et de déclassement.  Il est conseillé dans cette situation d’essayer de sauver la récolte en appliquant du glyphosate en « pré-récolte » quand les bons grains sont en phase terminale de maturation, et de moissonner dix jours après.  Les grains verts des tardillons seront pour la plupart éliminés lors de l’opération de calibrage de la récolte.  Cette pratique n’altère en rien la capacité germinative des bons grains, l’expérience démontrant plutôt l’inverse car les silos sont plus faciles à conserver.

 

3.11   Stockage des orges de brasserie

Vu les volumes des lots à livrer en malterie, le négociant stockeur est pratiquement incontournable, mais les exigences de qualité en malterie sont telles que seuls les stockeurs qui ont misé sur cette politique de qualité sont acceptés en tant que fournisseurs des malteries belges.

 

Au point de vue infrastructure, le négociant-stockeur doit au minimum être équipé :

·        de trémies de réception séparées permettant de rentrer des variétés en lots purs ;

·        de silos parfaitement équipés en ventilation permettant d’abaisser la température autour de 20 °C  le jour même de la réception ;

·        de nettoyeur pour pouvoir éliminer dès la réception un maximum de poussières, impuretés et grains moisis incompatibles avec une bonne conservation ;

·        de calibreur permettant d’éliminer les orgettes (grains < 2.2 mm) des récoltes ;

·        d’un séchoir performant à utiliser dans les jours suivants la récolte pour sécher toutes les livraisons moissonnées à plus de 16 % (mesure de l’humidité 24 heures après mise en silo, après stabilisation : en début de moisson, l’humidité réelle des grains est très souvent sous-estimée de 1 à 2 %).

 

Le négociant doit être aux normes HACCP (obligatoire depuis 1997), et le personnel doit être sensibilisé et motivé à une politique de qualité.

 

Tous les négociants ne sont donc pas également compétents pour pouvoir espérer une bonne valorisation de l’orge de brasserie.

 

Le stockage de l'orge de brasserie est très délicat et bien plus contraignant que celui des autres céréales, y compris des semences, puisque la garantie d’énergie germinative est de 95 % en 3 jours en orge de brasserie, ce qui est beaucoup plus drastique que le pouvoir germinatif exigé des semences.

 

A la récolte, l'orge a une dormance plus ou moins forte selon l'année (climat pendant la maturation du grain), le type d’orge, la variété, ...  Ainsi, les orges de printemps originaires de nos régions septentrionales ne sont généralement maltées qu'à partir de la fin de l'automne, et les orges d'hiver à partir du printemps.  Entre-temps, l'orge de brasserie doit être stockée; les livraisons ne se font jamais à la moisson, ce qui n'est pas le cas de l'escourgeon ou du froment.

 

Une directive européenne a introduit de nouvelles normes sanitaires qui concernent les teneurs maximales autorisées en mycotoxines : les aflatoxines B1, B2, G1, G2 et l’ochratoxine A.  Ces mycotoxines sont produites par les Pénicillium et Aspergillus se développant en cours de stockage pas assez soigné.

 

Des normes existent aussi pour les DON, mycotoxines dont l’origine provient des fusarium se développant au champ ; mais dans notre climat tempéré d’Europe Occidentale, les DON ne se retrouvent que rarement et en quantités négligeables sur orge, contrairement aux orges nord américaines.  Néanmoins les grains moisis et/ou fusariés sont indésirables en malterie et ils doivent être éliminés de la récolte. 

 

Pour parvenir à conserver les pouvoir et énergie germinatifs et la qualité sanitaire pendant ces périodes obligatoires de stockage, le stockeur doit ramener le plus rapidement possible la température du grain dans les silos sous 15°C, mais surtout l'humidité du grain autour de 14 %: d'où la nécessité de récolter quand le grain est sec, et de pouvoir, en années humides, sécher les récoltes sans que les températures ne dépassent 38°C dans le grain.  Au-delà de 16 % d’humidité dans le silo, il n’est pas possible de maintenir une qualité parfaite de la récolte par la ventilation seule ; il faut aussi sécher. 

 

Pour renseignements complémentaires : Tél.- Fax : 081/62 21 39

Mail : monfort.b@fsagx.ac.be   URL : www.orgedebrasserie.be

 


 

[1] Projet APE 2242 (FOREM) et projet CePiCOP (DGA – Ministère de l’Agriculture et de la Ruralité de la RW)

[2] Gembloux Agro-Bio Tech – Unité de Phytotechnie des Régions Tempérées