Environnement

Sécheresses répétées : nos forêts vont changer de visage

La mort des forêts à cause du réchauffement climatique

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Par Rudy Hermans

Le mois de juillet a été historiquement sec, et le mois d’août a démarré sur les mêmes bases. La végétation en souffre particulièrement. Dans l’immédiat, le risque de départ de feu est réel. Et à plus long terme, certaines essences d’arbres pourraient disparaître.

Il y a quelques jours, Francis Martin, microbiologiste spécialiste de la forêt était alarmiste sur les ondes de France Inter : "Une proportion significative des arbres est en train de mourir".

Les situations française et belge divergent à plusieurs égards, mais il existe certaines similitudes, comme le manque d’eau qui pourrait rapidement changer la physionomie des massifs forestiers.

Adieu hêtres et épicéas ?

La Wallonie est couverte par environ 530.000 hectares de forêts, soit près de 30% de son territoire. Mais nul besoin de s’enfoncer dans ce poumon régional pour se rendre compte du danger qui menace. Rendez-vous dans un arboretum de l’université de Gembloux Agro-Bio Tech. Au pied d’un vénérable géant vert, un spécialiste observe, et son diagnostic est sans équivoque.

Normalement, un hêtre sain à des grosses feuilles vertes et bien fournies. Celui-ci n’a pas des feuilles normales. Elles sont petites, jaunes, très claires. On distingue aussi des branches sans feuilles. C’est un signe de manque d’eau, constate Hugues Claessens, professeur de sylviculture et d’écologie forestière. Dans ce cas-ci, on voit aussi des champignons à la base du tronc, qui font pourrir les racines. Donc dans 2 ans, c’est sûr, il sera mort ".

Lorsque notre système immunitaire est atteint, nous sommes plus vulnérables. C’est la même chose pour les arbres : lorsque leurs défenses sont affaiblies, c’est la porte ouverte aux parasites en tous genres.

Actuellement, le début des problèmes, c’est le manque d’eau. Dans le cas de ce hêtre, c’est un champignon qui termine le travail. Mais les insectes se chargent parfois de cette basse besogne.

" Il y a quelques années, à la place de cette prairie, il y avait des épicéas, poursuit Hugues Claessens, un peu plus loin dans l’arboretum universitaire. Tout allait bien jusqu’aux canicules de 2018, 2019, 2020 et maintenant 2022, qui les ont aussi affaiblis. Ils ont été victimes d’un minuscule insecte ravageur, le scolyte. Quand l’arbre est en bonne santé, s’il perçoit une attaque, il remplit les trous de résine et les scolytes sont neutralisés. Mais dès qu’il est faible, en raison notamment de la sécheresse et de la chaleur, il n’est plus capable de se défendre. Ici, tous les épicéas ont disparu ".

Le vrai souci, ce n’est pas la sécheresse de cet été, c’est l’addition de ces épisodes extrêmes. Dit autrement : une canicule, ça va. Plusieurs, bonjour les dégâts !

" Il faudrait des périodes d’accalmie. Or, on est plutôt dans une tendance de sécheresses et de canicules à répétition. Les arbres accumulent les stress hydriques sans possibilité de se régénérer, déplore encore Hugues Claessens. On est clairement au début d’un basculement. Tout le monde ne l’accepte pas encore, mais les deux essences principales de nos forêts, les hêtres et l’épicéa, sont condamnées."

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Alors, que faire ?

"Il y a ceux qui estiment qu’il faut laisser l’écosystème se débrouiller, parce que quand une essence disparaît, d’autres prennent le dessus pour cicatriser les dégâts dans la forêt. Mais on n’aura pas nécessairement les meilleurs arbres pour l’industrie du bois, explique le professeur de Gembloux Agro-Bio Tech. Autre solution, ne rien changer tout en changeant. C’est-à-dire continuer à produire ce qu’on a envie de produire en allant chercher des espèces semblables, mais plus résistantes et mieux adaptées à notre climat de demain. Mais ce n’est pas si simple, car nous avons encore des hivers. Et puis on risque d’importer aussi leurs parasites naturels. On l’a vu avec les frênes asiatiques, arrivés avec de nouveaux champignons."

Le point d’équilibre n’est pas évident à trouver, mais des tests sont en cours sur certaines parcelles. Il semble en tout cas inéluctable que nos forêts de demain présenteront un nouveau visage. Progressivement, le hêtre, l’épicéa et peut-être le chêne s’effaceront, laissant la place à d’autres essences.

Bouleau, saule, tilleul, cèdre, mélèze, pins méditerranéens, merisier, aulne ou d’autres : les prétendants sont nombreux. C’est l’avenir de l’or vert wallon qui est en jeu.

Sécheresse en Belgique: JT 09/08/2022

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