Selon l’IUCN, le gorille des plaines de l’Ouest (Gorilla gorilla gorilla Savage & Wyman) est une espèce en danger critique d’extinction. Or il jouerait un rôle important dans la dynamique des forêts tropicales. En effet, son régime hautement frugivore et son importante masse corporelle lui confèrerait un rôle majeur en tant que disperseur des graines de nombreuses espèces végétales. En outre, en installant ses sites de nidification au sein d’habitats forestiers à canopée ouverte, il déposerait la majorité des graines dans des environnements qui semblent favorables à leur germination et à la croissance des plantules. Cependant, en raison de l’expansion de l’exploitation forestière en Afrique Centrale, les services écologiques assurés par le gorille pourraient être menacés. L’objectif de cette thèse est de caractériser les impacts de l’exploitation forestière sur les populations de gorilles et le rôle de celles-ci dans la régénération forestière post-exploitation. Les résultats montrent qu’une population viable de gorilles peut être maintenue en forêt exploitée de manière sélective (< 2 pieds ha-1). En effet, bien que les gorilles aient tendance à fuir les forêts en cours d’exploitation, leur densité en forêt exploitée atteint sa valeur initiale, voire un niveau supérieur, endéans l’année suivant l’arrêt de l’exploitation. La sélection préférentielle des zones forestières à canopée ouverte pour la nidification a été confirmée, avant et après l’exploitation. Le dépôt des graines au sein d’habitats présentant des conditions lumineuses favorables est donc validé, bien que l’utilisation préférentielle des trouées d’abattage et des pistes forestières n’ait pas été observée au cours de la période de suivi (une année après l’exploitation). Les graines de 59 espèces végétales ont été retrouvées dans des excréments de gorilles collectés pendant 20 mois. Un quart des ces espèces présentait un intérêt économique en raison de leur utilisation comme bois d’œuvre ou produits forestiers non-ligneux. Les unités fécales analysées contenaient entre une et six espèces différentes, et en moyenne 81,0 ± 107,8 graines intactes (0-566). Selon les espèces, les taux de germination ont varié de 0 à 100 %, avec une moyenne de 46 ± 36 %. Le gorille est le principal disperseur d’une espèce exploitée pour son bois d’œuvre, Dacryodes normandii. Durant la période de fructification, le gorille a consommé des fruits de cette espèce lors de 87,8 % des visites (durée moyenne de 85 ± 89 min.). L’impact du passage dans le tractus digestif a été évalué pour deux espèces, Santiria trimera et Chrysophyllum lacourtianum. Ces espèces présentaient des taux de germination supérieurs après ingestion, en raison de la suppression de la pulpe et de la scarification de la graine. En outre, un effet positif de la matière fécale sur le développement des plantules a été observé pour trois espèces étudiées, S. trimera, C. lacourtianum et Plagiostyles africana. Enfin, le développement des plantules est favorisé dans les sites de nidification, sites de dépôt des graines les plus fréquents. Deux espèces étudiées, S. trimera et D. normandii ont montré une croissance de deux à dix fois plus rapide dans les sites de nidification qu’en forêt à canopée fermée. Le gorille est donc impliqué dans un processus de dispersion dirigée. En conséquence, en l’absence de braconnage, les populations de gorille des plaines de l’Ouest semblent résilientes à l’exploitation sélective et jouent un rôle déterminant dans le processus de dispersion des graines, tant en termes quantitatifs que qualitatifs, dans les forêts exploitées. Des pistes d’amélioration de la gestion des forêts exploitées qui hébergent des gorilles ont été proposées dans le but de favoriser leur préservation au sein des forêts concédées. En particulier, la généralisation des pratiques d’exploitation à faible impact est souhaitable.
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