Réformes des marchés agricoles : coûts de transaction, choix des modes de transaction des producteurs et dynamique de l’efficacité du marché des céréales : cas du maïs au Bénin
KPENAVOUN CHOGOU Sylvain (2009). Thèse de doctorat. Gembloux, Université de Liège, Gembloux Agro-Bio Tech.
182 p., 42 tabl., 5 fig., 2 cartes.
Durant les années 1990, les réformes des marchés agricoles ont été au centre des efforts de libéralisation dans la plupart des pays d’Afrique sub-saharienne. Les gouvernements de ces pays ont alors réduit leur intervention dans la commercialisation des produits agricoles. Le Système Public d’Information sur les Marchés (SPIM) a été l’une des plus importantes institutions du marché qui a accompagné ces réformes. De grands impacts positifs sont attendus de ces changements mais, peu de travaux d’évaluation empiriques existent à ce sujet. Cette thèse se propose d’analyser les impacts de ces réformes, spécialement le SPIM, sur le choix des modes de transaction des producteurs et sur l’efficacité du marché des produits agro-alimentaires, en particulier le maïs, la céréale la plus produite et la plus échangée sur le marché intérieur et sous-régional. La Nouvelle Economie Institutionnelle (NEI), et plus particulièrement la Théorie des Coûts de Transaction en ont constitué le fil conducteur. En effet, contrairement à la théorie néoclassique qui assume les coûts de transaction nuls, la Nouvelle Economie Institutionnelle part du principe selon lequel, les agents prenant des décisions sur différents types de transactions, le font ainsi d’une manière coûteuse. Elle se propose, non seulement d’expliquer les déterminants des institutions et leur évolution dans le temps, mais aussi d’évaluer leurs impacts sur la performance économique. Les données analysées dans ce document proviennent des enquêtes de terrain, réalisées sur un échantillon aléatoire stratifié de 241 producteurs dans les communes de Pobè et Kétou du département du Plateau, la plus grande zone productrice de maïs au Bénin. Un souséchantillon réduit de 124 producteurs a été suivi pendant un an (octobre 2006 – septembre 2007) afin de mieux comprendre les caractéristiques de leurs transactions. Au total, 323 transactions ont été observées. Enfin, une dernière enquête a été conduite sur un échantillon représentatif de 105 commerçants-grossistes fréquentant les marchés les plus importants pour la commercialisation du maïs au Bénin. Les analyses sont réalisées principalement avec le Nested Logit et le Parity Bounds Model. Le Nested Logit permet d’appréhender les raisons du choix des différents modes de transaction des producteurs de maïs sous l’hypothèse de la non indépendance des différentes possibilités de choix. Le Parity Bounds Model, quant à lui, permet non seulement d’évaluer les taux d’efficacité ou d’intégration spatiales des marchés, mais aussi d’estimer les taux d’arbitrage, d’autarcie, d’opportunités profitables et de violation des conditions d’arbitrage des marchés. Si les résultats montrent que les réformes agricoles mises en oeuvre depuis le début des années 1990 ont favorisé l’augmentation du niveau global de l’offre de maïs au Bénin, elles n’ont cependant pas permis d’accroître significativement sa productivité, ni de réduire ses coûts de transaction ou de commercialisation. Toutefois, les producteurs demeurent rationnels dans leurs prises de décisions commerciales. En effet, pour vendre leurs excédents de maïs, ils utilisent trois modes de transaction : vente sous contrat, vente sans contrat au village et vente sans contrat sur des marchés urbains ou distants. Les résultats d’analyse de ces trois modes de transaction ont montré que la vente sans contrat au village apparaît comme l’option la plus avantageuse financièrement dans l’environnement institutionnel de la zone d’étude. La quantité de maïs produite ne constitue pas la plus importante barrière d’accès des ménages agricoles ruraux aux marchés distants. Au contraire, l’étude a montré que la probabilité de se déplacer vers des marchés distants est d’autant plus faible lorsque le producteur dispose d’un surplus commercialisable important. Les grands et moyens producteurs retirent une plus grande utilité que les petits producteurs en maintenant des relations contractuelles avec les commerçants. Auprès de ces intermédiaires, ils obtiennent des petits crédits de consommation ou de production. Les petits producteurs sont les plus orientés vers des marchés distants. Malgré la diversité des sources de communication promues par l’Office National d’Appui à la Sécurité Alimentaire (ONASA) au Bénin, la grande majorité des producteurs continuent d’utiliser les moyens traditionnels de communication en l’occurrence la transmission orale de l’information concernant les prix, l’offre et la demande. Cependant, certains producteurs, utilisateurs fréquents des moyens d’information de l’ONASA, semblent être globalement satisfaits de cette initiative et expriment un impact positif sur leurs décisions commerciales. L’utilisation du SPIM permet aux producteurs d’obtenir de meilleurs prix de vente du maïs quelque soit l’option de transaction choisie. L’hypothèse selon laquelle les producteurs feraient un meilleur choix du mode de transaction s’ils avaient accès à de bonnes informations sur les marchés est confirmée avec les résultats du Nested Logit, qui montrent que l’accès préalable aux informations de qualité sur les marchés alternatifs améliore la capacité de négociation du producteur, puis accroît la probabilité de choix de vente de maïs au village. De même, les expériences acquises par le producteur en matière de commercialisation des produits agricoles renforcent ce choix. Ce résultat n’a pas pu être attribué au Système Public d’Information sur les Marchés (SPIM) mais plutôt au réseau social d’informations des producteurs. Cela ne veut pas dire que le SPIM soit inutile ; au contraire, ce résultat pointe du doigt l’importance de ce système. Seulement, il doit être amélioré pour jouer pleinement son rôle. Par ailleurs, les résultats du Parity Bounds Model ont montré que, même si les réformes n’ont pas pu améliorer significativement les degrés d’efficacité ou d’intégration spatiale parfaite des marchés du maïs au Bénin, elles ont induit assez d’opportunités commerciales, malheureusement sous-exploitées. Les taux d’autarcie qui mesurent l’étendue suivant laquelle des échanges n’ont pas eu lieu entre des paires de marchés, du fait des coûts de transfert plus élevés, ont connu en moyenne une diminution avec le temps. Des améliorations sont observées sur certains marchés. En dehors des régions de Nikki et Parakou, Cotonou demeure mieux intégré avec Bohicon, Glazoué, Azovè et Kétou. Les résultats ont aussi montré que les opportunités commerciales entre Bohicon et Parakou sont bien exploitées au cours de la période 2001-2007. Cependant, d’une manière générale, les niveaux élevés d’inefficacité ne permettent pas au système de fournir convenablement les services tant attendus par les producteurs et les consommateurs. En conséquence, des instruments de politique plus efficaces sont suggérés afin de renforcer la concurrence sur le marché et de rendre le système capable de répondre aux aspirations des différents acteurs. Une amélioration du système d’information sur les marchés, la formation des producteurs à son utilisation et un accès favorable aux crédits spécifiques permettront aux producteurs non seulement de choisir un meilleur mode de transaction mais aussi d’améliorer leur capacité de négociation avec les commerçants. Il est par ailleurs nécessaire de former les producteurs aux techniques de commercialisation des produits agro-alimentaires. Enfin, l’accès amélioré des petits commerçants aux crédits et aux informations va leur permettre de mieux exploiter les opportunités commerciales offertes par les réformes.