Cotations des orges de brasserie et Terrabrew

dernière mise à jour : septembre 2016

introduction aux cotations

1.évolution des cotations du malt,de l'orge de printemps, de l'escourgeon et du froment de 2006 à 2016

2. prix "culture" de 2012 à 2016 et prix éthiques à l'agriculteur et au stockeur

3. Quel retour à l'agriculteur dans le prix payé par le consommateur de bières

4. Les défauts du contrat tripartite

5.  Le projet Terrabrew : pour une production locale wallonne de l'orge de brasserie justement rémunérée

1. Comparaison des cotations de l'escourgeon, du froment fourrager, du malt et de l'orge de printemps depuis 2006

La figure suivante donne le relevé des prix "rendus" centre du pays des orges et froment après récolte sur base des cotations françaises (FOB Creil ou rendu Rouen)  très influentes de notre marché.  La France est en effet le principal fournisseur de nos industries agro-alimentaires.

Les cotations du malt sont en FOB Anvers (conditionnement container ou "bulk").  Les variations du cours du malt varient très peu des variations du cours des orges brassicoles.  Sachant qu'il faut 1,23 kg d'orge pour faire 1 kg de malt, la marge en malterie est stable et  d'environ 140 €/t de malt.

On observe une première période de prix très favorables après la récolte 2006 jusqu'en récolte 2008.  Elle fait suite à la période 2004 et 2005 où les récoltes mondiales d'orge étaient abondantes en 2004 avec des stocks élevés entraînant des prix catastrophiquement bas en 2004 et 2005 décourageant les mises en culture en 2005 et 2006.  A l'inverse 2006 et 2007 sont 2 années à faibles rendements avec de très nombreux déclassements climatiques (moissons pluvieuses) et le peu de commercialisable bat tous les records en matière de prix; encore ne fallait-il pas être déclassé.

La bonne récolte fin 2007 en Australie entraîne la baisse des cours mondiaux, accentuée par les bonnes récoltes de 2008 où les stocks sont reconstitués. Les prix catastrophiques perdurent jusqu'aux mauvaises récoltes mondiales en 2010 alors que les stocks sont vides et les prix repartent à la hausse, accentuée à la récolte 2011 suite aux nombreux déclassements climatiques en orge de brasserie.  A la récolte 2012, toutes les céréales bénéficient de prix avantageux ce qui n'est comparativement pas à l'avantage de l'orge de printemps moins productive.  Depuis l'hiver 2012 la tendance des prix des céréales est à la baisse flirtant avec les seuils de rentabilité.  Depuis début 2016 les prix de vente sont sous le seuil de rentabilité des cultures.  La différence de valeur entre les orges de printemps et les fourragers semble redonner avantage à la culture, mais ce n'est que apparent, il faut y regarder de plus près.

2. Prix moyens agriculteurs en escourgeon et en orges de brasserie (hiver et printemps) et prix éthiques aux producteurs et au stockeur

Pour avoir une estimation du prix culture (à l'agriculteur) il convient de déduire des niveaux de la 1ère figure, 25 €/t en culture fourragère pour les frais de stockage - préparation - transport et 35 €/t en brassicole soit 10 €/t en plus pour le travail différencié de stockage séparé par variété, double transport éventuel, séchage rapide préservant le pouvoir germinatif, calibrage etc ..   La figure suivante donne l'évolution des prix à l'agriculteurs de 2012 à aujourd'hui en escourgeon fourrager tout venant et en orges de brasserie de qualité demandant nettement plus de soins et présentant de nombreux risques de déclassement ..

En escourgeon (orge hiver 6R) brassicole, les cotations donnent une "prime" (comme dit pompeusement l'industrie française) de 6 €/t en moyenne sur la période, ce qui ne couvre même pas les frais liés à la qualité différenciée de 10 €/t et cette diversification est en déficit moyen de 4 €/t.  Il y a un regain actuel suite à la très très mauvaise récolte 2016; encore ne faut-il pas être déclassé à cause de protéines trop élevées et/ou des calibres beaucoup trop faibles.  Les cotations n'incitent donc pas la mise en culture d'escourgeon brassicole chez nous.  D'autres incitants doivent semble-t-ils exister en France (fourragers moins bien payés ?, pas le choix ?, surprimes ? ...) pour que Etincel (actuelle seule variété brassicole d'importance significative)  y fasse 60 % des emblavements des escourgeons.  Pour information, les malts d'escourgeons brassicoles sont de moindre qualité organoleptique que les malts d'orge de printemps, mais sont moins coûteux et plus diastasiques : ce qui permet d'utiliser plus de grains crus (non maltés) pour produire la bière.

En orge de printemps brassicole, la "prime brassicole" (différence de prix entre le fourrager et le brassicole) a été en moyenne  de 14 €/t de 2012 à aujourd'hui (cette moyenne cache des périodes de différences nulles de même que les années de déclassement pour raison climatique), ce qui correspond à une amélioration moyenne du prix de vente de 9 % comparé à l'escourgeon fourrager réputé faire près de 50 % de rendement en plus (les rendements de l'orge de printemps sont de 20 à 30 % inférieurs inférieurs à ceux des escourgeons, jamais déclassés).  La prime est donc loin de couvrir les différences de rendements et les déclassements.

On comprend dès lors mieux les difficultés de faire la promotion de la culture des orges de brasserie.

Un prix éthique pour l'escourgeon fourrager.  Pour couvrir tous ses frais de productions et vivre correctement de son travail, l'agriculteur moyen devrait pouvoir vendre sa production d'escourgeon à 160 €/t quand il fait 9 tonnes/ha de rendement.

Un prix éthique pour l'orge de printemps brassicole.  Dans les même conditions locales, la récolte d'orge de printemps brassicole serait de l'ordre de 6 t/ha et , compte tenu d'un déclassement au moins tous les cinq ans pour raison climatique (moisson pluvieuse), l'agriculteur devrait pouvoir vendre son orge à 250 €/t pour couvrir ses frais de production et vivre décemment de son travail (sans obligation de remplacement en cas de récolte déclassée).  Sur base des cours du marché libre ce prix est accepté pouvoir varier de +/- 10 %.

Une rémunération éthique pour le stockeur.  Le rôle du stockeur est primordial pour une production d'orge de brasserie de qualité.  Une rémunération de 10 €/t supérieure à celle accordée au stockage du tout venant fourrager n'est pas exagérée (traçabilité, contrôle des protéines avant récolte, contrôle renforcé à la réception, bien souvent transport interne pour rassembler les récoltes, séchage rapide pour préserver le pouvoir germinatif, nettoyage et calibrage des récoltes, etc ...).  En outre le stockeur ne doit pas non plus être obligé de livrer quand il n'a pas de responsabilité dans un éventuel déclassement)

3. Quel retour à l'agriculteur dans le prix payé par le consommateur de bière ?

Il faut de l'ordre de 14 kg de malt (* 1.23 = 17 kg d'orge de printemps) pour brasser 1 hectolitre (hl) de Pils de qualité, et de 20 à 25 kg de malt (*1.23 = 25 à 31 kg d'orge) pour brasser 1 hl de "bière spéciale".  En GMS, le consommateur achète ces bières spéciales à 3,5 €/l (2.7 à 4.5 €/l).

Calcul rapide et simplifié : 30 kg * 174 €/t (prix reçu moyen) = 5,22 €/hl de retour à l'agriculteur sur les 350 €/hl de spéciales payés par le consommateur : soit 0.017 € la bouteille de 33 Cl. 

Le même calcul effectué avec le prix agriculteur éthique de 250 €/t d'orge de printemps (prix Terrabrew souhaité) donnerait  0.025 € de retour à l'agriculteur à la bouteille de 33 cl de bière spéciale, soit une augmentation de 0.8 Cent d'€, soit encore une augmentation de 0.19 € le bac !!!  Autant dire que pour le consommateur c'est insignifiant.

Voir régulièrement des promotions au consommateur allant jusqu'à de 50 % (5 €/le bac) est plutôt frustrant dès lors que le producteur, sous-payé de seulement 0.19 € le bac, ne rentabilise pas la culture de l'orge de printemps brassicole !!  Au lieu d'une juste rémunération d'une production de qualité exigeante, il y a plutôt  l'impression d'être le dindon d'une farce où le juste revenu de l'agriculteur serait donné en cadeau au consommateur.

4. Les défauts du contrat tripartite n'incluant pas le brasseur.  Dans ce contrat type entre malteur - stockeur et agriculteur, le malteur réduisait volontairement sa marge en garantissant à l'agriculteur un prix supérieur de 25 €/t minimum pour l'orge de printemps et le stockeur s'engageait à prendre la même marge qu'en fourrager, soit 12,4 €/t pour ses prestations, ce qui était un réel effort de promotion.  Si le marché libre le permettait, la plus-value était partagée entre l'agriculteur (60 %) et le stockeur (40%); mais le marché libre n'a permis que rarement ces plus-values d'autant que les périodes où les cotations sont favorables correspondent généralement à des années où les déclassements sont très nombreux.  Malgré la clause de non obligation de livrer lorsque le déclassement ne met pas en cause la responsabilité du stockeur, ces années de déclassement étaient toutefois très problématiques.

5. Le projet Terrabrew : pour une production locale wallonne d'orge de brasserie justement rémunérée

Cela fait 30 ans que l'asbl Promotion de l'orge de brasserie essaye de relancer la production de l'orge de brasserie.  L'orge brassicole a  été re-cultivée sur plus 8000 ha, ce qui n'est pas mal.  Plus de 3000 agriculteurs s'y sont essayés; le frein de la relance n'est donc pas une mauvaise volonté.  Le seul frein est une mauvaise rémunération, très certainement liée à une mauvaise information des brasseurs.

L'expérience démontre que une juste rémunération des producteurs ne dépend ni des stockeurs ni des malteurs, les deux intermédiaires incontournables,  tous deux soumis aux lois du marché libre, soit le marché du moins offrant possible.  Pour être concurrentiel auprès des brasseurs, on comprend bien que le malteur répercute la pression sur les prix des matières premières.  Trop souvent les stockeurs et les agriculteurs ont dès lors perdu de l'argent avec l'orge de brasserie, surtout les années difficiles d'un point de vue climatique.  Le maillon essentiel pas assez impliqué de la filière est le brasseur : de lui seul dépend la juste rémunération des autres partenaires de la filière.

L'objectif est donc de sensibiliser les brasseurs soucieux de l'économie locale concrètement par un approvisionnement d'orge de brasserie auprès de leurs voisins agriculteurs si possible, en acceptant une rémunération éthique et stable de leurs partenaires dans la filière, les agriculteurs, les stockeurs et les malteurs.

Le principe est de faire rencontrer brasseur et agriculteur, de sous-traiter éventuellement le stockage et de faire malter à façon en respectant la juste rémunération de chacun des partenaires.  Si on se base sur une besoin de 30 kg d'orge pour brasser 1 hl, il faut 30 t / 1000 hl, soit 5 ha à 6t de rendement à l'ha par 1000 hl.

Or le minimum pour une mise en germination varie de 30 t à 70 t selon la malterie.  Lorsque les besoins sont plus faibles il convient donc de voir avec le malteur si le solde peut rejoindre une réserve à destination d'autres petites brasseries à la recherche de malts Terrabrew. 

Pour plus d'informations sur Terrabrew : wwwterrabrew.be