Orginfo 124 – 4ème trimestre 2011

de Promotion de l’orge de brasserie, asbl membre du CéPiCOP

édit responsable : Jacques de Montpellier

réalisé par Bruno Monfort, GxABT (ex-FUSAGx)

 

1. forme de l’engrais et rendements en orge de printemps

2. évolution des marchés en orge de brasserie

 

1. Formes de l’engrais N et rendements en orge de printemps de la récolte 2011 à Lonzée.

Dans le dernier Orginfo 123, nous avons présenté les résultats des essais en orges brassicoles d’hiver et de printemps.

 

Dans beaucoup de parcelles en Europe, les rendements des orges de printemps ont été extrêmement faibles.  On peut en attribuer souvent la cause à une mauvaise efficacité de la fumure azotée suite à l’extrême sécheresse de ce printemps au moment de l’application. La plate-forme des orges de printemps à Lonzée en 2011 en donne une belle illustration.

 

En orge de printemps la fumure azotée peut être totalement appliquée dès la levée sous forme solide, ou sous forme liquide à partir du stade 1er talle pour éviter de brûler les petites plantules. 

A Lonzée, les orges semées le 8 mars étaient levées le 23 mars.

 

Le tableau 8.3 donne les rendements observés dans quelques essais de la plate-forme des orges de printemps à Lonzée en 2011.

Dans les essais où le protocole portait sur la fumure azotée (OP25 sur Henley et OP33 sur Quench), celle-ci a été appliquée sous forme solide (ammonitrate N27 %) le 28 mars.  Dans les jours suivants l’application de l’engrais quelques 20 mm de pluies ont bien arrosé la plate-forme.  Ces essais ont montré un comportement normal jusqu’à la récolte.

Dans les essais où la fumure azotée ne faisait pas l’objet de l’étude (OP29 et OP30 sur Henley ; OP35 sur Quench), celle-ci a été appliquée sous forme liquide (N39%) le 10 avril au stade 1er talle.  Ces essais n’ont pas reçu de pluie significative après l’application et sont restés malingres et clairsemés jusqu’à l’arrivée des pluies en début juin où on a assisté à une forte montée d’épis tardillons potentiellement très peu productifs.

 

Tableau 8.3 – Comparaison de l’efficacité des fumures azotées liquide (L) et solide (S) (*) dans quelques essais sur orge de printemps en 2011 ( Lonzée – Gx-ABT).

(*) : il est tombé 20 mm de pluies à la suite de l’application de l’engrais solide ;
 il n’a pas plu pendant près de 2 mois après l’application de l’engrais liquide

 

Les rendements à zéro azote sont donnés dans les essais OP25 & 33 Ils ont été de respectivement 45 qx pour Henley et 52 qx pour Quench. 

Les rendements observés dans les essais qui avaient reçu 90N liquide (OP29-30 & 35) sont à peine supérieurs (55 et 57 qx) à ces rendements des témoins sans azote.

En engrais solide, les 90N (essais 25&33) ont donné 76 et 83 qx.  Les gains de rendements liés à la fumure azotée sont appréciables de l’ordre de 50 qx en 2011 (30 qx en 2010). 

La principale raison de cette différence de comportement des engrais azotés doit être attribuée à la présence de pluies (plus de 15 mm) après l’application de l’engrais solide et l’absence de pluie après l’application de l’engrais sous forme liquide.

Les observations ne permettent pas de mettre en cause la part plus importante d’ammoniaque volatil (si on y associe les 50% d’urée) de la solution azotée, bien que ce phénomène de volatilisation de l’azote consécutif à l’absence de pluie est sans doute l’explication, et non la cause, de la moindre efficacité de l’azote liquide en 2011.

Les rendements particulièrement bas des zéro azote en 2011 comparés à 2010 où ils avaient donné à Lonzée 58 qx en Henley et 60 qx en Quench sont l’indice d’une très faible minéralisation du sol suite à la sécheresse en 2011.

2. Evolution des marchés en orges pour la brasserie

Changement de logique des marchés ??  Dans le dernier Orginfo en septembre, à l’analyse des fondamentaux  (superficies et rendements des récoltes 2011 en baisses généralisées, à part quelques petites niches, en Europe ; mauvaises qualités avec des protéines trop élevées dans le Sud et l’Est ; des pouvoirs germinatifs dégradés par les pluies pendant la moisson du Nord à l’Est ;  prévision de stocks très en retrait en fin d’année …) je pensais que les prix, intéressants, ne pouvaient que encore s’améliorer cet automne.  Cette amélioration tarde à venir.  Je reste persuadé que ce n’est que partie remise.

Figure : Evolution des cotations des orges de printemps de 2007 à 2012.

Les prix relativement élevés, mais toujours nettement inférieurs à ceux de 2007, résultent d’une production mondiale en chute libre un peu partout.  C’est l’indice que les agriculteurs, partout sur la planète, jugent que la culture n’est pas assez rentable au regard des autres cultures qui en outre sont plus faciles et moins risquées (jamais de déclassement ruineux).

Plusieurs hypothèses viennent expliquer le décalage dans le temps d’une mise à niveau correcte des prix :

- 4 multinationales de la bière, dirigées par des financiers, contrôlent 46 % de la production et sont donc dominants dans les achats.  Pour les prix aux producteurs, c’est pire que les Grandes Surfaces.  En 2011, l’industrie trouve que l’orge de brasserie est trop chère et ne se presse pas aux achats pour autant qu’il lui reste de la récolte 2010 à travailler.

- L’industrie, pour réduire ses frais, ne stocke plus et produit en flux tendu avec des achats au compte gouttes.  En outre depuis 2-3 ans, les livraisons des récoltes de l’été sont reportées au printemps de l’année suivante. 

- L’industrie a, en début de campagne, reporté les premiers achats en espérant que les récoltes du Nord, et particulièrement au Danemark (potentiellement grand exportateur), mais aussi en Russie, en Europe de l’Est, au Canada …  seraient bonnes en rendement et en qualité.  Grosses déconvenues :  là aussi, à cause des pluies du mois d’août, la qualité n’est pas au rendez-vous.

- L’industrie reporte alors ses espoirs sur les récoltes du sud de la planète : l’Australie qui annonce de bonnes récoltes et surtout l’Argentine.  Mais l’Australie n’est pas au rendez-vous pour la qualité et leur production sera à peine suffisante pour ses besoins et en partie ceux de la Chine.

- Reste l’Argentine où la culture prend beaucoup d’importance au désavantage du blé, non pas en raison de sa rentabilité, mais parce que, récoltée plus tôt, elle a une meilleure complémentarité pour le soja, la culture principale, qui peut ainsi être semé plus tôt.  L’Argentine est la seule grande région qui a eu une excellente récolte, à la fois en rendement et en qualité.  Ses débouchés sont l’Amérique du Sud (Brésil principalement) mais aussi la Chine dont la demande est très forte.

- Vu l’énorme pénurie mondiale en orges de qualité et les prévisions de stocks aux plus bas en fin d’année, les prix ne peuvent que se raffermir.

- Entre-temps l’industrie livre un très mauvais message aux agriculteurs en faisant pression ainsi sur les prix qu’ils veulent au plus bas sans tenir compte de la rentabilité de la culture d’orge de brasserie.  Le message entendu est : « on n’a pas besoin de vos orges ».  Résultat : les emblavements vont encore diminuer pour la récolte 2012 au profit d’autres cultures ; par exemple le maïs déjà annoncé en Ukraine. 

Conclusion ??  Je pense que la pénurie n’est pas prête de s’arrêter et que les prix resteront élevés la prochaine campagne 2012-2013.  Tout bénéfice pour celui qui aura semé de l’orge de brasserie et aura pu le récolter avec une bonne qualité.