Le malt d’orge de brasserie locale

et de qualité différenciée

 étude de marché réalisée auprès des brasseurs wallons

par la Faculté Universitaire des Sciences Agronomiques

Unité de Phytotechnie des Régions tempérées,

Ir Bruno Monfort, assistant

en collaboration avec l’Unité d’Economie et de Développement Rural

 

Sommaire de l’étude :

Partie 1 : recensement des brasseries wallonnes, structure du questionnaire

Partie 2 : Questionnaire : diffusion , réponses et premiers commentaires

Partie 3 : Le marché de l’orge de brasserie wallonne de qualité différenciée

Remerciements

Annexe 1  : Compléments pour mieux comprendre le marché

Annexe 2 : Réactions à l'étude

Annexe 3 : Questionnaire, réponses chiffrées et motivations des questions

 

Introduction

Sous la législature précédente, le Ministre de l’Agriculture et de la Ruralité a introduit un nouveau concept « produits wallons de qualité différenciée » et a manifesté son intention de privilégier ces produits dans la politique de soutien des productions agricoles.

A la demande de ses collaborateurs du cabinet et de l’administration, et dans ce cadre de réorientation de la politique de soutien des productions agricoles, l’asbl Promotion de l’Orge de Brasserie a réalisé cette étude de marché auprès des brasseurs wallons, portant sur les débouchés potentiels d’une production d’orge de brasserie dont la promotion s’appuierait sur les caractères « production locale » et « production de qualité différenciée ».

La production de bières est un fleuron de l’activité régionale et belge.  Des agriculteurs, des stockeurs et des malteurs ont créé la filière « Promotion de l’Orge de brasserie, asbl » pour au départ relancer, puis accroître la production de la principale matière première de la bière : l’orge de brasserie.

Si le secteur de la malterie, directement concerné dans les achats d’orge brassicole qu’il transforme en malt, est bien représenté dans la filière, le secteur de la brasserie est par contre peu présent et ses aspirations mal connues du moins celles des petites brasseries.

Cette étude de marché donne la parole aux brasseurs et apporte les informations pour mieux comprendre leurs besoins et leurs attentes.  Elle n’a pas la prétention de donner toutes les clefs pour une production wallonne de qualité différenciée. 

Pour une meilleure compréhension du marché de l’orge de brasserie, quelques clefs complémentaires à l’étude de marché sont données en annexe 1.

La valorisation des produits wallons de qualité différenciée demande des bonnes connaissances mutuelles des attentes des partenaires de la filière et le dernier mot appartiendra aux acteurs de la filière : agriculteurs, stockeurs, malteurs et brasseurs.  Puisse cette étude aider les partenaires à mieux se connaître.

 

Partie 1 : recensement des brasseries wallonnes ; structure du questionnaire

Recensement des brasseries wallonnes.

Assez surprenant, il n’existe semble-t-il pas de recensement officiel et complet des brasseurs wallons.  Le site de la Confédération des Brasseurs Belges reprend les brasseurs affiliés sur base volontaire, et a permis d’établir une liste de base.  Une première mise à jour a été réalisée à partir des dépliants promotionnels édités par la Région Wallonne.  La liste a été ensuite complétée grâce à des sites Web « personnels » de passionnés de bière. 

Il en ressort que 44 brasseries wallonnes ont été contactées par courrier les 11 et 26 octobre 2004 (entre ces deux dates 6 brasseries avaient été nouvellement recensées).  L’enquête était accompagnée d’une lettre d’introduction et d’un folder de présentation de l’asbl Promotion de l’Orge de Brasserie.  Par la suite il a encore été trouvé quelques petites ou micro-brasseries plus ou moins récemment installées, mais qui n’ont pas été contactées. En outre, il apparaît que certaines adresses ne sont des brasseries que de nom, en ce sens qu’elles ne font que commercialiser de la bière à leur nom, mais qu’elles sous-traitent à de vrais brasseurs.  D’autres brasseries ont changé de nom ou ont cessé leur activité.

Un premier rappel a été envoyé le 19 novembre aux brasseurs qui n’avaient pas fait suite à la demande de réponse ; un dernier rappel a été envoyé le 11 janvier.

Les brasseurs avaient le choix de répondre en renvoyant l’enquête par courrier ou par fax, ou en répondant par internet, les brasseurs ayant accès à l’enquête sur le site orgedebrasserie.be.

 Structure du questionnaire

Le Groupe de travail Orge de l’asbl s’est réuni pour la conception du questionnaire à envoyer aux brasseurs.  Il était composé d’agriculteurs, de négociants stockeurs et du responsable technique.

Question 1 : valorisation actuelle de la qualité « produit local »

Questions 2 à 8 : attentes et réalités actuelles en matière d’ approvisionnement

Questions 9 à 11 : Eqwalis et la politique de qualité différenciée

Question 12 : connaissance de culture de l’orge de brasserie

Question 13 : commentaires des brasseurs

Le questionnaire et son détail des motivations est décrit en annexe 2 de l’étude.

 

Partie 2 : Diffusion du questionnaire ; réponses au questionnaire et premiers commentaires

Diffusion du questionnaire

L’étude de marché a été envoyée aux 44 brasseurs wallons recensés, dont semble-t-il seulement 36 auraient encore réellement des activités de brassage.  L’étude est donc descriptive et non statistique.  Il nous faudrait à ce titre présenter les résultats en nombres de citations en relation avec le nombre de réponses obtenues.

18 brasseurs, soit 50 %, ont répondu au questionnaire.  Un « brasseur » a répondu qu’il n’en était pas un (bière en sous-traitance), et cette réponse n’a pas été prise en compte.  Le nombre de base des réponses étant stable (17), et pour faciliter la compréhension des résultats obtenus, les réponses aux questions sont exprimées en % des brasseurs ayant répondu.  Pour l’anecdote, seuls 18 % des brasseurs ont répondu par internet

Le volume de bière produit par les brasseurs ayant répondu est de 268 660 hl (information facultative), sans compter la production d’un très grand groupe brassicole produisant en plus au moins ce volume à lui tout seul.  Il serait incorrect de conclure prématurément que les brasseurs intéressés par un approvisionnement en mal d’orge garanti local seraient marginaux, d’autant que ce grand groupe brassicole s’est déclaré intéressé par de l’orge d’origine locale.

Réponses au questionnaire et premiers commentaires.

        1)      Référence promotionnelle au lieu de production

82 % des brasseurs répondent positivement.  Deux des trois  brasseries trappistes qui ont répondu ne valoriseraient que le label « trappiste », mais même dans ce cas particulier l’aspect local ne peut être négligé puisque le nom des différentes trappistes est précisément celui de la localité où se situe la brasserie.  Finalement un seul brasseur ne fait pas référence au lieu de production, et fait appel à l’imaginaire (légende).

Par ordre de priorité, les brasseurs font référence à      « bière belge » : 71 %

                                                                                  « bière locale » : 65 %

                                                                                  « bière wallonne » : 12 %

        2)      Achats actuels de malt d’orge certifiée ou labellisée

53 % des brasseurs n’achètent pas de malt d’orge certifié, et 41 % n’en savent rien.  La certification n’est à l’évidence pas une exigence des brasseurs, excepté ceux qui achètent, outre du malt non certifié, aussi du malt certifié bio.

3)      Critères, autres que analytiques, importants pour les brasseurs

41 % des brasseurs disent avoir le choix de critères autres que analytiques, contre 35 % qui déclarent n’avoir pas le choix.  24 % disent avoir parfois le choix.

 

Quand ils ont le choix, ou s’ils l’avaient :

- 29 % attachent de l’importance à la certification ISO 9002

- 18 % attachent de l’importance à la norme environnementale ISO 14001

- les 2 brasseurs produisant de la bière bio exigent évidemment du malt certifié bio

- 35 % sont sensibles à l’agriculture raisonnée

- 59 % souhaitent la traçabilité du « champ à la bière »

- 47 % demandent des productions respectant des cahiers de charge.

- aucun brasseur ne fait de proposition « autres ».

Les normes officielles ISO ne sont à l’évidence pas porteuses, à l’inverse de la traçabilité.  Si les brasseurs veulent savoir comment est produite leur matière première, ils ne font pas trop confiance à l’agriculture raisonnée, de définition sans doute trop vague, et confirment leur besoin d’informations en préférant, s’ils avaient le choix, des productions répondant à des cahiers de charge.  La mise aux normes HACCP dès le stade production n’est pas demandée explicitement mais il est dans la logique de penser que les brasseurs sont convaincus que la sécurité alimentaire des orges est déjà assurée.

4)      Importance du pays (ou région) de production du malt

47 % des brasseurs répondent positivement et 53 % négativement. 

5)      Importance du pays (ou région) de production de l’orge maltée

65 % des brasseurs portent de l’attention à l’origine de l’orge maltée contre 35 % qui n’y attachent pas d’importance.  Au vu de la réponse précédente, et sachant que les critères analytiques des malts sont nombreux, précis et primordiaux, on pourrait être surpris de cette déclaration. Mais il est connu que certaines régions (par exemple la Beauce) sont plus réputées depuis toujours pour la qualité des orges que d’autres.  Avant le développement des escourgeons (orge d’hiver) la culture de l’orge de printemps était très développée en Wallonie, et la qualité des récoltes était réputée également pour sa régularité liée au climat tempéré de la région.

6)      Achat de malt d’orge d’hiver

41 % des brasseurs achètent du malt d’orge d’hiver, pour 59 % qui n’achètent que du malt d’orge de printemps.  Pour éviter d’être soupçonné d’indiscrétion, il n’a pas été demandé les proportions de type de malt acheté.  Ce type de malt peut être utilisé, pour une partie, dans la fabrication des bières « spéciales », mais ne serait pas utilisé pour la fabrication des pils.  Le débouché principal du malt type hiver est (était ?) le marché de la grande exportation (Amérique du Sud, Russie ..) : plus riche en enzyme, il permet d’incorporer plus de grains crus (d’où diminution des coûts de production), mais donne un goût rugueux (ou pailleux) à la bière.  Ces goûts « désagréables » sont masqués dans les bières plus aromatisées et/ou sucrées.

7)      Importance des variétés d’orges brassicoles

65 % des brasseurs attachent de l’importance aux variétés d’orges de brasserie composant le malt, et 30 % n’y attachent pas d’importance.  Un brasseur déclare n’y faire attention que parfois, un autre s’en remet au choix du malteur. 

En orge de printemps, très souvent, les brasseurs connaissent quelques principales variétés proposées en France.  Scarlett et Prestige sont le plus souvent citées, mais aussi Alexis et Prisma qui pourtant ne sont plus ou que peu cultivées. Sont aussi citées Aspen, Cork, Astoria et Névada (guère plus cultivée non plus) qui sont des orges « non universelles » ou « correctives ».  Aucune nouveauté, pourtant faisant l’objet d’achat par les malteries, n’a été citée ; de même que aucune variété plus typiquement danoise, allemande, ou anglaise n’a non plus été citée.  Sans doute parce que ces variétés ne sont pas proposées par leurs malteurs ?

En orge d’hiver, seules Plaisant (qui n’est plus cultivée) et Esterel (orge 6 rangs) sont connues ; aucune orge d’hiver 2 rangs n’a été citée.  Esterel étant trop sensible au froid dans nos régions, les agriculteurs wallons semblent n’avoir pas d’autre solution raisonnable, à destination de la brasserie, que de cultiver des orges de printemps.

L’enquête ne montre pas si c’est le brasseur ou le malteur qui est le plus prépondérant dans le choix des variétés ; d’autre part il est connu que l’amont (agriculteurs et stockeurs), s’il peut proposer des variétés, il n’a pas le choix final des variétés qui n’appartient qu’à l’aval (malteurs et brasseurs).

8)      Intérêt pour  de l’orge produite localement

À 82 % les brasseurs se disent preneurs d’orges locales, 18 % se déclarant indifférents ; une brasserie trappiste ne trouve pas d’intérêt à cette possibilité.  En rassemblant les oui et les indifférents, le débouché pour de l’orge locale existe donc chez la quasi totalité des brasseurs.  Il est vrai que la Wallonie est au centre de la région européenne la plus favorable à la culture d’orge de brasserie et que la réputation des orges locales était dans un passé pas si lointain très bonne.

9) Notoriété spontanée de la marque Eqwalis

82 % ne connaissent pas la marque Eqwalis.  En parcourant les sites des brasseurs sur l’internet, on remarque que les brasseries connaissant Eqwalis ont leur site Web créé avec le soutien de l’AWEX.

10)   Qualité différenciée du point de vue des brasseurs wallons

71 % des brasseurs ne répondent pas à la question.  Les demandes exprimées concernent le plus souvent le malteur (malt plus stable, malt plus propre, plus de renseignements sur la qualité finale ..).  Un brasseur souhaite, sans autre exigence, de l’orge locale ; un autre souhaite plus de renseignements sur la provenance, les traitements.

11)  Plus-value pour une « qualité différenciée »

47 % des brasseurs déclarent clairement ne pas vouloir payer plus cher pour une qualité différenciée, et 30 % seraient d’accord à condition de rester dans des prix raisonnables (dont un brasseur qui met comme condition que l’orge soit locale). 24 % ne se prononcent pas mais sont disposés à discuter. 

12)  Connaissance du métier de l’agriculteur

59 % des brasseurs ne connaissent pas la culture de l’orge de brasserie, ses intrants, ses rendements, le prix payé à l’agriculteur. Les autres répondent connaître ces éléments.

13)  Commentaires à l’enquête

Il n’y a aucun commentaire exprimé.

 

Partie 3 : Le marché de l’orge de brasserie wallonne de qualité différenciée.

Les renseignements fournis par l’enquête sont nombreux.  Sans vouloir clôturer le débat et donner des conclusions hâtives et définitives, nous développons les informations fournies par l’enquête , sous la présentation de réponses aux questions principales qui ont motivé l’étude de marché.

 

Place pour de l’orge de brasserie locale

A l’évidence oui, le débouché existe chez la quasi totalité des brasseurs.  Il est important de souligner que normalement au moins un intermédiaire incontournable interviendra entre l’agriculteur et le brasseur : le malteur. 

Une partie des brasseurs est prête à payer le malt un peu plus cher, en tous les cas à en discuter.  Quelle serait la répartition malteur – agriculteur, ou encore malteur – stockeur – agriculteur d’une plus-value éventuelle ?  La réponse dépendra des discussions et accord entre les partenaires. 

Marginalement, il existe toutefois des exemples concrets d’accords directs entre brasseur et agriculteur.  Dans ce cas le brasseur et l’agriculteur prennent en charge les récoltes qu’ils font malter à façon par un malteur.  Cela demande, de la part du malteur une grande souplesse et la capacité d’encore pouvoir, séparément, mettre en germination et de pouvoir alloter de relativement petits lots d’orge et de malt.

 

Place pour de l’orge de qualité différenciée

En absence de demande précisée par des brasseurs relative à une production différente de ce qu’ils achètent actuellement, il n’est pas possible de définir ce que serait une qualité différenciée en orge de brasserie locale.  Dans la question demandant à quels critères ils attacheraient de l’importance, en dehors du bio, les brasseurs de l’enquête ne sont pas demandeurs d’une certification contraignante de type ISO (peut-être sont-ils eux-mêmes confrontés à des obligations de certification, l’enquête n’a pas abordé ce point).  Par contre, ils ont montré en majorité un intérêt certain à être informés (59 % attachent de l’importance à la traçabilité, 47 % souhaitent le respect d’un cahier des charges).  Mais cela suffit-il pour répondre aux critères de « qualité différenciée wallonne » ?  Il appartient à la Région Wallonne de répondre, car les acteurs de la filière n’ont apparemment pas la réponse.

La mise en place généralisée de la traçabilité de la production des grandes cultures sera effective en 2006.  Depuis longtemps déjà l’asbl Promotion de l’Orge de Brasserie a créé en concertation des agriculteurs, des stockeurs et des malteurs des fiches de « traçabilité culture » et « traçabilité stockage », mais aussi des cahiers de charge de « bonnes pratiques de culture » et « bonnes pratiques de stockage » (voir annexes 4).  Les stockeurs devraient maintenant satisfaire aux normes HACCP, et sont parfois aussi certifiés ISO.  L’industrie de la malterie est tenue depuis longtemps de satisfaire aux normes HACCP, et sont généralement certifiées ISO.  S’ils ne le font déjà, les malteurs devraient donc, du moins en ce qui concerne les orges locales actuelles, pouvoir facilement établir la traçabilité complète : de l’agriculteur … au brasseur.  La filière n’a sans doute pas assez mis en valeur auprès des brasseurs cette plus-value potentielle existante.

 

 Place pour une orge wallonne de qualité différenciée labellisée

Si les fiches de traçabilité et les cahiers de charge suffisent à caractériser une qualité différenciée wallonne, faut-il apporter des garanties par des contrôles donnant accès à un label ?  Autrement dit l’amont (les agriculteurs, les stockeurs, les malteurs) doit-il investir financièrement dans des contrôles évidemment payants, pour espérer pouvoir mieux valoriser leur production brassicole ?

L’enquête par deux fois incite à la prudence.  D’une part, les brasseurs, pour moitié, n’attachent pas d’importance à ce que le malt soit d’origine régionale ou belge : à qualité satisfaisante ils achètent vraisemblablement au prix le plus avantageux.  D’autre part clairement la moitié des brasseurs, qu’ils achètent ou non du malt à l’étranger, n’achèteront pas le malt plus cher, l’autre moitié étant disposée à faire un petit effort ou au moins en discuter.

 

 Remerciements

En tout premier lieu, je tiens à remercier les brasseurs qui ont répondu à l’enquête.

Merci au Ministère de l’Agriculture de la Région Wallonne (cabinet et administration) qui a initié cette étude.

Merci au Conseil d’administration de l’asbl Promotion de l’Orge de Brasserie : les malteurs, les négociants stockeurs, les agriculteurs, monsieur le professeur André Falisse, représentant de la recherche,  sans qui il n’y aurait pas d’orge de brasserie wallonne.  Plus particulièrement merci aux agriculteurs et stockeurs du Groupe de travail Orge : Alex, Olivier, Francis, Jacques et Clément qui ont « pensé » le questionnaire.

Merci à Hugues Prévot du Service d’Informatique Générale de la Faculté pour son aide à rendre compatible la version « internet » du questionnaire avec le serveur de la Faculté.

Merci encore aux collègues de l’Unité d’Economie et de Développement Rural pour leur aide dans cette étude : monsieur le professeur Philippe Lebailly, et surtout monsieur le professeur Jean Michel Ronsse pour ses conseils dans la structuration et la présentation du rapport de cette étude.

Amicalement

Bruno Monfort

 

Annexe 1  : Informations complémentaires pour mieux comprendre le marché :

Les informations suivantes ne découlent pas de l’enquête.  Elles veulent apporter un éclairage supplémentaire, découlant de la déjà longue expérience acquise par les acteurs de la filière « Promotion de l’Orge de Brasserie, asbl ».

 

Un approvisionnement uniquement local est-il concevable ?

La Wallonie est climatiquement une région favorable à la culture de l’orge de brasserie, mais le climat est parfois capricieux, et il arrive qu’une région ne puisse pas fournir une récolte de qualité.  C’est très souvent le cas dans les climats chauds et/ou continentaux où le grain peut échauder, déclassant ainsi les récoltes (voir les pays méditerranéen cette année, ou encore la France, l’Europe Centrale et Orientale en 2003).  Ce peut aussi être le cas lorsque le climat est exceptionnellement favorable aux minéralisations en fin de végétation, avec pour conséquence le déclassement pour raison de teneurs en protéines excessives dans les grains, ce qui perturbe entre autres la stabilité de la bière.  Un climat trop pluvieux perturbant les moissons peut provoquer des germinations sur pied …

Tous les brasseurs œuvrent pour présenter des bières de goût stable dans le temps ; et cela ne s’obtient qu’à partir de malt stable.  Quelques conséquences :

- les critères analytiques décrivant la qualité des malts sont très nombreux (jusqu’à 40) ;
- les malteurs sont quasi obligés de s’approvisionner en plusieurs variétés et dans les différentes régions productrices pour parvenir à cette stabilité dans la qualité du malt en mélangeant précisément des malts d’origine ou de variétés différentes ;
- très peu de variétés parviennent à la fois à satisfaire aisément les différents critères analytiques des malts les plus exigeants, tout en étant adaptées à une majorité des régions productrices.  Ces variétés les plus satisfaisantes sont dite « universelles », ce qui n’empêche pas que le malteur soit obligé souvent de corriger certains défauts par des mélanges judicieux qui relèvent précisément de l’art du malteur.

Avoir une origine strictement régionale semble un objectif trop prétentieux, mais qu’ une base de l’approvisionnement soit régionale est tout à fait envisageable.

 

Capacité des malteurs à satisfaire une demande de malt d’orge brassicole locale.

La malterie belge a toujours acheté l’orge produite localement, mais sans valorisation particulière du caractère local de la production dont le volume trop petit était « mélangé » avec les productions importées.  Le débouché existe donc bien auprès des malteurs belges, et concerne actuellement une production de l’ordre de 5000 ha d’orge de brasserie wallonne.

L’enquête montre qu’une demande des brasseurs pour de l’orge dont on pourrait valoriser l’aspect « production locale » existe ; mais peut-elle être facilement satisfaite en pratique ?

La question dépasse le cadre de l’enquête et doit être posée à l’industrie de la malterie.  Est-elle encore équipée pour le travail et l’allotement de petites quantités d’orge et/ou de malt.  Il faut tenir compte aussi des regroupements et des orientations prises par les différentes malteries situées en Belgique. 

La malterie belge était jusqu’à récemment le deuxième exportateur mondial de malt après la malterie française, spécialisée aux grands volumes.  La malterie belge s’approvisionnait en grande quantité principalement sur la France, mais aussi au Danemark, et plus occasionnellement sur l’Allemagne, le Royaume Uni lorsque la qualité ou la quantité française faisait défaut.  L’Europe centrale, dont la Russie, était un débouché important.  Depuis la chute du mur de Berlin, le contexte change : de nombreuses malteries ont été construites à l’Est et leur agriculture devient plus performante ; la concurrence des productions et des industries d’Europe de l’Ouest est devenue vive, et le secteur malteur belge n’est pas au mieux.

Boortmalt vient de remplacer la petite usine de Boortmeerbeek par une deuxième grosse unité de production à Anvers, avant d’être absorbé par l’imposante coopérative française Epi-centre ;  Inbev - Interbrew a fermé ses malteries dont la malterie De Wolf qui était spécialisée en malts spéciaux ; la petite malterie de Bruges a aussi fermé ses portes depuis longtemps ; la direction française de Belgomalt (Gembloux et Ghlin) du groupe irlandais Greencore a décidé de ne s’approvisionner que dans ce pays. La malterie Dreyfus à Hérent (Cargill Division Malt) a sa direction à Paris.  La malterie Albert à Ruisbroeck appartient au groupe Heineken. 

La malterie familiale Dingemans à Stabroek est bien connue pour ses malts spéciaux et sa capacité à approvisionner les petites brasseries.

Il y a enfin la malterie du Château à Beloeil, indépendante depuis peu, qui se spécialise en malts spéciaux, bien adaptée pour fournir aussi les plus petites brasseries.   Mais cette malterie a des contraintes dont les brasseurs doivent tenir compte.

Il est à souligner que toutes ou quasi toutes les malteries belges achètent ou ont déjà acheté de l’orge brassicole produite localement.  Il arrive fréquemment que l’orge locale soit aussi achetée par des malteries hollandaises ou allemandes.

La capacité existe donc, mais des accords préalables entre partenaires seront nécessaires.

 

Un prix plus rémunérateur pour une matière première produite localement ?

L’étude ne devait pas apporter de réponse à cette question.

Relevons toutefois que dans le prix payé pour de la pils dans une grande surface, moins de 1,5 % revient à l’agriculteur, soit encore environ 0.4 Cent d’Euro le verre de bière.

Mieux payer l’orge de brasserie n’est donc pas impossible, mais aborder ce sujet entraînera à n’en pas douter, un débat dépassant très largement les objectifs de cette étude de marché.

 

Annexe 2 : réactions à l'étude

 

Le rapport a été envoyé en proposant aux destinataires de réagir.

 

Dans une première réaction, la malterie Dingemans insiste sur le caractère familial de l'entreprise.  Elle a eu des accords uniquement commerciaux avec le groupe Cargill pour vendre ses malts spéciaux (malts caramélisés, torréfiés ...) sur le territoire des USA (ce qui explique que le site web de la malterie Dingemans est accessible via le site de Cargill). 

 

La deuxième réaction comprend de nombreuses questions auxquelles nous tâchons de répondre :

Les agriculteurs vont-ils pouvoir convaincre les malteurs belges de la qualité différenciée ?

Qu’est ce qu’une qualité différenciée pour une production de base telle que l’orge de brasserie ?  Les brasseurs n’apportent pas de réponse dans l’enquête.  L’agriculteur (en collaboration avec son stockeur) sait répondre  aux exigences actuelles des malteurs (variétés spécifiques en lots homogènes, fourchette de teneurs en protéines acceptables, bonne énergie germinative, absence de mycotoxines, traçabilité etc ).  Si de nouvelles contraintes devaient être imposées, il n’aura pas d’autre choix que de s’adapter, ou disparaître ; tout comme n’importe quelle entreprise.

Les pratiques culturales actuelles sont-elles compatibles avec les exigences qualitatives des brasseurs ?

En supposant que les exigences qualitatives des brasseurs vis à vis de l’orge correspondent aux exigences actuelles des malteurs, il est clair que la réponse à la question est affirmative.  Les pratiques culturales ne sont pas figées, elles ont évolué et évolueront encore selon le bon vouloir des distributeurs, des industries agro-alimentaires, de la société et de ses représentants politiques. 

Le prix que les agriculteurs peuvent escompter pour l’orge cultivé en Wallonie est-il financièrement intéressant ?

Manifestement les prix proposés par les brasseurs, relayés par les malteurs et les intermédiaires stockeurs ne sont pas très incitatifs actuellement, d’où une production toujours marginale en Belgique.  Il nous a été rapporté d’ailleurs que en France certaines coopératives conseillent à leurs agriculteurs de diminuer les emblavements d’orge de brasserie pour la récolte 2006.  Dans l’enquête, une majorité des brasseurs déclarent ne pas attacher d’importance au pays de production du malt.  Cette majorité fera-t-elle bientôt ses bières à partir de malts russe, biélorusse ou ukrainien parce que moins coûteux ?  Pourtant le coût des matières premières de la bière est insignifiant dans le prix de vente au consommateur (moins de 1.5 % dans les pils courantes).  Cette stratégie de production aux prix minimalissimes met tout l’amont des brasseurs en difficulté, mais une brasserie belge pourrait-elle survivre longtemps sans malteur ni agriculture de proximité  ?

Le climat de nos contrées est-il propice à la production d’orge autre que fourragère ?

L’Europe est de très loin le continent le plus adapté à la culture et le plus grand producteur d’orges (toutes confondues). Et à l’intérieur de l’Europe, la zone océanique tempérée partant de l’ouest de la France, comprenant le sud-est de la Grande Bretagne, la Belgique, les Pays Bas, la majeure partie du Danemark et du nord de l’Allemagne est la meilleure zone de culture de l’orge de brasserie.  La Wallonie étant au centre de cette zone est dont bien placée.  Toute cette zone n’est toutefois pas à l’abri d’accidents climatiques défavorables annuels mais relativement peu fréquents.  A l’inverse des autres régions d’Europe (les parties plus méridionales ou centrales), et le reste de la planète où le climat moyen et normal affecte beaucoup plus souvent les potentiel et qualité des récoltes.

D’autre part, la Wallonie a un avantage comparatif à produire de l’orge fourragère lié à sa proximité des principales usines d’alimentation du bétail européenne pour laquelle les agriculteurs belges sont relativement mieux payés que leurs collègues français qui eux sont mieux payés relativement pour l’orge de brasserie, avec moins de réfactions.  Par exemple une récolte à 60 % de calibre de bons grains en France est acceptée sans trop de réfactions, alors qu’elle est théoriquement déclassée en Belgique en dessous de 80 % de grains de bon calibre.  Néanmoins nous ne savons pas expliquer pourquoi les Hollandais préfèrent cultiver de l’orge de printemps brassicole plutôt que de l’escourgeon fourrager.

 

 

 

 Annexe 3 : Questionnaire, réponses chiffrées  et motivation des questions

 

Le Groupe de travail Orge de l’asbl s’est réuni pour la conception du questionnaire à envoyer aux brasseurs.  Il était composé d’agriculteurs, de négociants stockeurs et du responsable technique. Pour bien comprendre ce questionnaire, il est important de faire le tour des questions posées avec leurs motivations.

1. Faites vous, pour la promotion de vos bières, une référence à leur lieu de production ?

- oui     16             non     1

Si oui, à quelle référence  accordez - vous de l'importance ?

- bière locale : - oui     11             non     

- bière belge:              - oui     13             non     

- bière wallonne:        - oui     2               non     

- autre référence :            trappiste, légende

Cette question n’est pas neutre et devrait permettre de cibler les brasseries qui pourraient être intéressées par une production d’orge brassicole locale.

2. Achetez - vous déjà du malt issu d'orge certifiée ou labellisée ? : 

- oui     1               non      9               ne sait pas       7

Cette question a été posée à la demande des agriculteurs et reflète une certaine exaspération face aux exigences de contrôle et de certifications toujours plus grandes, alors que ces contraintes ne seraient, s’interrogent-ils, pas exigées pour les productions importées.

3. En plus des exigences de qualité "analytique" ou "variétale" des malts, attachez - vous, quand vous avez le choix, de l'importance à d'autres aspects qualitatifs ?

il y a le choix :            oui       7   non      6   parfois            4

Que vous ayez le choix ou non, vous êtes sensible aux marques de qualité suivantes : 

- ISO 9002 :    5

- ISO 14001 :  3

- issu de l'agriculture biologique :     2

- issu de l'agriculture raisonnée :       6

- traçabilité du "champ à la bière" :10

- produit en respectant des cahiers de charge :        8

- autres :        

Il convenait de dépasser ce réflexe de refus et de faire le point sur les aspects « qualitatifs » auxquels les brasseurs seraient attentifs.  Cette question devrait peut-être démystifier certaines contraintes qui pourraient être imposées aux agriculteurs, mais qui ne correspondraient pas à une demande réelle de la part de l’industrie de l’aval.  Elle doit à contrario souligner les aspects qualitatifs à retenir pour mettre en évidence une production dont on voudrait aussi souligner le caractère de production locale et de qualité différenciée.  La norme HACCP, obligatoire dès le stade réception des récoltes, mais pas au niveau producteur, n’a pas été proposée.  La mise aux normes HACCP, y compris au stade agriculteur, pourrait être une sensibilité « autres ».

4. Attachez - vous généralement de l'importance au pays (ou région) de production du malt ?

- oui     8               non      9

Cette question est dans la suite logique de la question 1 : une bière éventuellement voulue locale doit-elle être produite à partir de malt produit localement ?

5. Attachez - vous généralement de l'importance au pays (ou région) de production de l'orge maltée?

- oui     11             non      6

Cette question est dans la suite logique des questions 1 et 4

 

6. Achetez - vous aussi du malt d'orge d'hiver ?

- oui     7               non      10

Les questions 6 et 7 veulent connaître mieux les besoins pratiques des brasseurs.  Il est bien connu que le malt est produit principalement à partir d’orge de printemps, et même exclusivement pour les bières de type Pils.  Pour les bières « spéciales », du malt d’orge d’hiver peut aussi être utilisé.  En production, les agriculteurs souvent préfèreraient cultiver des variétés de type hiver qui s’intégreraient bien dans leurs habitudes culturales ; mais quel est l’intérêt des brasseurs wallons pour ces orges d’hiver ?

7. Attachez - vous de l'importance aux variétés d'orges du malt que vous utilisez ?

- oui     11             non      5               1 parfois

si oui, pouvez - vous donner un classement préférentiel pour (max) :

- 6 variétés d'orge brassicole de printemps ?

- 3 variétés d'orge brassicole d'hiver ?         

Les brasseurs ont –ils des préférences pour certaines variétés d’orges brassicoles ?

8. Si un malteur vous proposait du malt produit à partir d'orge locale, cela vous intéresserait - il?

- oui     14 (-1)                  non1                     2 (+1) indifférent

La question 8 correspond à la 1ère partie de l’objet de l’étude : les brasseurs sont-ils intéressés par du malt dont on garantirait l’origine locale ?

9. Connaissez - vous la marque Eqwalis ? Ses avantages, ses inconvénients ?

- oui     3               non      14

Question de transition avant de poser la 2ème partie de l’objet de l’étude.  La réponse devrait intéresser les responsables politiques et administratifs de la RW.  Elle a aussi son importance parce qu’elle donne au brasseur une référence lui permettant de situer l’enquête et de faire des recherches Web s’il souhaite plus d’informations.

10. Qu'attendriez - vous d'une "qualité différenciée" ? :

En production de matière première telles que les betteraves, les céréales et d’une manière générale les grandes cultures destinée à l’industrie agro-alimentaire, et dans le cadre d’une agriculture « conventionnelle », cette notion de qualité différenciée n’est pas bien comprise par les producteurs.  En est-il de même pour les industriels et les artisans brasseurs ? D’un point de vue strictement qualité, les brasseurs ont-ils des demandes particulières par rapport à l’offre actuelle ?

 

11. Seriez - vous disposé à acheter le malt plus cher pour une qualité différenciée ?

- oui     5               non      8               4 à discuter

Evidemment la question classique du prix.  Le brasseur serait il prêt à payer plus pour une production répondant à des exigences plus grandes que pour une production classique ?

12. Savez - vous globalement comment est cultivée l'orge de brasserie ? Ses intrants ? Ses rendements ? Le prix payé à l'agriculteur ?

- oui     7               non      10

Question complémentaire mais permettant toutefois de connaître mieux le brasseur

13. Commentaires à ajouter :

Un questionnaire se doit d’être court mais peut-être le brasseur souhaite-t-il exprimer d’autres avis ?