3. Orge de brasserie

article paru dans le Livre Blanc du  7 septembre 2011

B. Monfort[1]

3.1. Un marché tout à fait attractif en orge de printemps.

Comme annoncé dans le Livre Blanc de février 2011 avant les semis, les orges de printemps pour la brasserie sont dans une phase très attractive pour les agriculteurs.  Elle survient après une période très décourageante en 2008 et 2009 où les prix très défavorables ont découragé les semis dans quasi toutes les grandes régions productrices.  Ajoutées à la diminution des superficies emblavées, les récoltes de 2010 et 2011 ont généralement été mauvaises (mauvais rendements, protéines élevées, qualité dégradée par les pluies …) et les conséquences sont que les stocks disponibles pour l’industrie de la malterie-brasserie sont déficitaires, et donc que les prix sont très favorables.  Ce qui consolera les faibles récoltes dans les normes, mais sera tout bénéfice pour ceux qui ont eu de bonnes récoltes en 2011, d’autant que les prix pourraient bien revenir aux sommets de 2007 (350 €/t).  Il faut s’attendre à des silos de report 2011 encore plus vides qu’en 2010.  Les prix annoncés pour la prochaine récolte 2012 sont donc déjà attractifs et devraient encore s’améliorer au cours de cette campagne de commercialisation.

 

 

Il est donc conseillé de réserver de la place pour les orges de printemps, ce que ne manqueront plus de faire, pour la récolte 2012, les agriculteurs des grandes régions productrices traditionnelles.

3.2. Résultats des variétés dans les essais EBC

Les essais EBC (réseau européen organisé par les malteurs et les brasseurs) recherchent parmi les nouvelles variétés d’orge de potentiel brassicole, celles qui, tout en maintenant une qualité au moins équivalente aux variétés témoins, pourraient satisfaire les agriculteurs par de meilleures performances agronomiques (résistances aux maladies, hauts rendements).

3.2.1. Les orges d’hiver brassicoles : Gigga apporte du nouveau

Les orges d’hiver brassicoles sont utilisées pour faire du malt bon marché, surtout pour la grande exportation où la concurrence est rude.  Difficile d’obtenir des prix valorisant les efforts de réduction de la fumure azotée et souvent donc des rendements, et les risques liés au déclassement (teneurs en protéines excessives ou pouvoir germinatif dégradé lors des moissons retardées par les pluies).  Actuellement la prime est de 10 €/t, couvrant à peine les surcoûts (séchage, traçabilité ..).  L’idéal est de trouver un partenaire industriel (brasseur, malteur) ouvert à de meilleurs prix stables. 

 

Les hivers deux rangs (Cassata, Casanova, Salamandre) intéressent certains brasseurs surtout en Angleterre où elles sont nettement mieux valorisées que sur le continent.  Néanmoins leur différentiel de rendement avec les 6 rangs est important (-15 % par rapport à Cervoise par exemple). En 6 rangs les malteurs peinent à remplacer la variété Esterel qui disparaît pourtant des campagnes française au profit de Cervoise qui est maintenant la variété la plus achetée par les malteurs bien qu’elle a été retirée de la liste des variétés préférée en raison d’une dormance naturelle plus longue.  On trouve sur cette liste Arturio, variété sensible aux maladies qui n’apporte pas de progrès par rapport à Cervoise au contraire de Gigga nettement moins sensible aux maladies et plus productive (voir aussi les tableaux 1, 2 et 6 de l’article escourgeon dans ce Livre blanc).  Reste à trouver l’acheteur et des prix intéressants pour le cultiver en conduite brassicole.

 

Tableau 1 : Principaux résultats en orge d’hiver en 2011 et 2010.

Orges hiver

Récolte EBC 2011

Récolte EBC 2010

variétés

Rdt

Prot

Calib %

Rdt

Prot

Calib %

 

Kg/ha

%

>2.5 mm

Kg/ha

%

>2.5 mm

Variétés recommandées en France ou en Angleterre

Esterel (6R)

9002

10.3

98.4

11414

9.6

90.6

Arturio (6R)

9166

10.4

98.3

11380

11.2

93.0

Casatta (2R

7955

11.1

99.5

10357

10.2

97.3

Autres variétés reconnues brassicoles ou en observation

Cervoise (6R)

9450

10.1

99.2

11552

10.0

92.9

Gigga (6R)

9316

10.6

99.6

11626

10.3

96.9

Casanova (2R)

7941

11.3

99.7

10455

11.9

98.5

Salamandre (2R)

8006

10.7

99.7

 

 

 

Source : essais ES11-02 & ES10-02 (essais EBC) à Lonzée - Gembloux Agro Bio Tech

Données techniques :        en 2010 : fumure = 0-100-40 = 140 N, 1,5 fongicides, 1 régulateur

                                               en 2010 : fumure = 0-90-50 = 140 N, 2 fongicides, 0 régulateur

Cet automne en Belgique, le choix en brassicole « hiver » est donc limité à Cervoise et Gigga

3.2.2. Les orges de printemps brassicoles

Les essais de Lonzée ont été semés le 8 mars et récoltés le 1 août.  Les quelques petites pluies en mars ont permis une bonne levée rapide, mais ensuite la sécheresse s’est installée jusqu’à la mi-juin.  Cela s’est traduit le plus visiblement par une mauvaise efficacité du désherbage mais surtout par une mauvaise efficacité de la fumure azotée qui est mise à la levée en orge de printemps.  Les applications en azote liquide ont été les plus pénalisées, traduites sur le terrain par une population en épis trop faible, et des montées de tardillons avec le retour des pluies mais encore par des rendements très faibles proches des zéro azote.  Ce phénomène de repousses a été absent avec les applications d’azote solide 27 %.

 

Autre démonstration de la mauvaise efficacité des engrais azotés (due à la sécheresse) y compris des engrais solides 27 % : des teneurs en protéines fort basses, même aux fortes fumures permettant dans les essais de très hauts rendements (plus de 90 qx) tout en restant dans les normes de protéines acceptables (moins de 11.5 %). 

Le retour des pluies en juin et juillet a permis un remplissage des grains optimal se traduisant par un calibre de grains tout à fait exceptionnel.

 

Tableau 2 : Principaux résultats en orge de printemps.  Essais EBC à Lonzée – Gx-ABT.

 

Les variétés recommandées à la culture le prochain printemps resteront Henley, Quench et Sébastian, auxquelles on peut ajouter la variété Concerto.  Sébastian, plus sensible aux maladies confirme sa perte de productivité et devrait être avantageusement remplacée ; les variétés de bonne qualité et de meilleure productivité ne manquent pas.

 

Un nouveau point de la situation en matière de variétés recommandées sera diffusé en février 2012 avant le semis des orges de printemps à l’occasion du prochain Livre Blanc.  Dès à présent, les agriculteurs prévoyant de cultiver l’orge de printemps en 2012 doivent tenir compte des conseils suivants.

3.3. Conseils de culture en orge de printemps

Choix des parcelles pour de l’orge de printemps : d’une manière générale, il faut éviter les parcelles riches en humus actif (jachères ou prairies avec légumineuses retournées récemment, fortes restitutions organiques).  Les bonnes terres « à betteraves » faciles d’accès en sortie d’hiver doivent être choisies en priorité.  D’autre part les parcelles trop filtrantes (séchantes et donc avec des risques plus élevés d’échaudage) ou présentant des défauts de structure ne conviennent pas (les orges y sont plus sensibles que les froments).  La place idéale de l’orge de printemps est en 2ème paille après un froment, où la maîtrise de la fumure azotée est plus facile.  Si possible, réalisez un profil azoté de la parcelle tôt en sortie d’hiver.

 

Mesure agri-environnementale « culture extensive en céréales » : depuis 2007, la prime agri-environnementale « réduction des intrants » n’est plus accessible qu’aux cultures d’orges de printemps brassicole ou de seigle (sauf exceptions très locales pour l’épeautre).  Cette prime de 100 €/ha n’exige plus de contrainte technique (densité de semis, régulateur), la protection fongicide utile souvent réduite et la fumure raisonnée, nécessairement peu intensive, étant des avantages environnementaux naturels suffisants.

 

Mesure agri-environnementale « couverture hivernale du sol » : la culture d’orge de printemps laisse la place à une couverture hivernale du sol donnant droit également à une prime agri-environnementale de 100 €/ha.

 

Date de semis en orge de printemps : il est conseillé de semer entre le 10 février et le 15 mars dans un sol suffisamment ressuyé, « quand il fait bon labourer ».  Ne semer que si on est assuré d’avoir suffisamment de soleil que pour blanchir le lit de semences.  Les semis précoces sont souvent plus favorables à l’enracinement et la résistance à la sécheresse lorsque le semis est réussi.  Le principal avantage des semis de février est d’atteindre le stade 1er nœud avant les premiers vols de pucerons vecteurs de jaunisse nanisante au printemps.  Un semis hâtif lève lentement et risque plus d'être ravagé par les pigeons et corvidés.  En outre dans ces semis, les vulpins peuvent être plus envahissants.

Il n’y a donc aucune raison de se presser avant le 15 mars si les conditions de semis ne sont pas très bonnes.

Par contre, plus le semis est tardif et plus la préparation du sol devra être affinée pour une levée rapide  (plus le semis est tardif et plus les variétés précoces sont recommandées). 

Dans toutes les situations, mais surtout si la préparation du sol ou la levée ne semblent pas satisfaisantes, ne pas hésiter à rouler le semis (le plus tôt est le mieux, mais le roulage peut être fait sans aucun problème jusqu’au stade 1er nœud).

En mai, on ne mettra de l’orge de printemps que s’il n’y a pas d’autre choix.

 

Densités de semis : semer sans jamais dépasser 250 grains au m2.  Des dégâts de pigeons ou de corvidés ne sont pas moindres avec de fortes densités de semis; par contre les oiseaux font plus difficilement des dégâts quand la parcelle est roulée.

 

 

Renseignements complémentaires :

Bruno Monfort, responsable technique de l’asbl Promotion de l’Orge de Brasserie

Tel : 081/62 21 39          Fax : 081/62 24 07          monfort.b@fsagx.ac.be

[1] Projet APE 2242 (FOREM) et projet CePiCOP (DGOARNE, du Service Public de Wallonie)