Orge de brasserie (article du Livre Blanc septembre 2010)

1.principaux résultats des essais en orge hiver brassicole

2. principaux résultats des essais en orge de printemps brassicoles

B. Monfort[1] et B. Bodson[2]

3.1. La saison culturale 2010 en orge de brasserie

En tant que orges d’hiver brassicoles dans notre région, seule la variété 6R Cervoise est quelque peu cultivée.  Le débouché existe toujours malgré le retrait de cette variété de la liste recommandée française ; certains malteurs restent en effet demandeurs de cette variété.  Malgré la sécheresse caractéristique de l’année 2010, au printemps et en début d’été, on n’a jamais eu de crainte pour la culture, d’autant plus que les maladies étaient peu présentes cette année.  Les résultats observés sont excellents pour les orges d’hiver 2010 (voir ci-dessous § 3.2.1 et article escourgeon).

 

Les craintes étaient plus exacerbées en orge de printemps où la sécheresse a été présente depuis la levée jusqu’après l’épiaison.  Le tallage de la culture était insuffisant aux fumures faibles à normales, et après la montaison qui a duré seulement 12 jours le remplissage des grains a anormalement été lent à démarrer.  Heureusement, grâce aux quelques pluies reçues, cela s’est bien terminé et les rendements sont satisfaisants (de l’ordre de 80 qx/ha pour les variétés témoins). 

 

En plus de profils azotés très bas en sortie d’hiver, la sécheresse en début de végétation n’a pas été favorable aux minéralisations du sol et la fumure azotée de départ (appliquée à la levée) devait être renforcée pour obtenir un tallage suffisant.  Le décalage des minéralisations vers la fin de végétation, au moment du retour des pluies, a eu pour conséquence que les teneurs en protéines ont pu parfois poser problèmes essentiellement pour les semis plus tardifs.  Les analyses de protéines en pré-récolte ont toutefois révélé une récolte très largement dans les normes, excepté pour les derniers échantillons reçus du Condroz dont les protéines étaient parfois très élevées.

 

Outre des rendements honorables en orge de printemps, la meilleure nouvelle de l’année réside toutefois dans le niveau des prix donnés à l’agriculteur très nettement supérieurs aux deux dernières années. 

3.2. Résultats des variétés dans les essais EBC

Les essais EBC (réseau européen organisé par les malteurs et les brasseurs) recherchent parmi les nouvelles variétés d’orge de potentiel brassicole, celles qui, tout en maintenant une qualité au moins équivalente aux variétés témoins, pourraient satisfaire les agriculteurs par de meilleures performances agronomiques (résistances aux maladies, hauts rendements).

3.2.1. Les orges d’hiver brassicoles : toujours à la recherche d’une remplaçante à Esterel

La filière est toujours à la recherche d’une variété unanimement satisfaisante à la fois en rendement et en qualité pour remplacer la variété Esterel, trop sensible au froid pour nos régions mais surtout trop sensible aux maladies et donc aussi trop souvent décevante en rendement, ce qui n’a pas été le cas en 2010 où, suite à la très faible pression de maladies, ses rendements sont très bons.

 

L’irrégularité de la qualité de la variété Cervoise (problèmes locaux de forte dormance, et de filtrabilité) a entraîné son retrait de la liste française des variétés recommandées pour la brasserie ; certaines malteries continuent cependant d’ acheter les bons lots de Cervoise mais sans guère de plus-value financière.  Cette liste contient Azurel et Cartel mais ces variétés présentent un très faible potentiel de rendement.  Arturio est également sur cette liste ; cette variété très précoce montre un bon potentiel et une sensibilité aux maladies proches de Cervoise  mais sa qualité ne fait pas non plus l’unanimité auprès des malteurs.

 

Parmi les nouvelles variétés, Cassata, orge 2 rangs recommandée sur la liste anglaise, a montré, tout comme la variété Casanova en observation technologique en France, un potentiel en retrait de 10 % par rapport aux escourgeons 6 rangs ; pour être attractives en culture, elles nécessiteraient une plus-value proportionnelle.  Les variétés 6 rangs Gigga et Limpid sont en observation technologique.  Gigga a montré un potentiel de rendement supérieur mais surtout une très bonne résistance aux maladies.

 

Tableau 1 : Principaux résultats en orge d’hiver en 2010 et 2009.

Orges hiver

Récolte EBC 2010

Récolte EBC 2009

variétés

Rdt

Prot

Calib %

Rdt

Prot

Calib %

 

Kg/ha

%

>2.5 mm

Kg/ha

%

>2.5 mm

Variété recommandées en France ou en Angleterre

Esterel (6R)

11414

9.6

90.6

9573

9.3

89.8

Arturio (6R)

11380

11.2

93.0

 

 

 

Casatta (2R

10357

10.2

97.3

 

 

 

Cartel (6R)

10360

10.4

97.1

9403

10.3

96.0

Variétés en observation

Cervoise (6R)

11552

10.0

92.9

10730

9.7

97.0

Gigga (6R)

11626

10.3

96.9

 

 

 

Limpid (6R)

11376

10.4

94.4

 

 

 

Casanova (2R)

10455

11.9

98.5

 

 

 

Source : essais ES10-02 & ES09-02 (essais EBC) à Lonzée - Gembloux Agro Bio Tech

Données techniques :        en 2010 : fumure = 0-90-50 = 140 N, 2 fongicides, 0 régulateur

                                               en 2009 : fumure = 35-70-40 = 145 N, 2 fongicides, 0 régulateur

Si les semences d’Arturio et de Cassata ne sont pas disponibles en Belgique cet automne, le choix en brassicole « hiver » sera limité à Cervoise mais le débouché en malterie pourra poser problème. 

 

 

3.2.2. Les orges de printemps brassicoles

Dans les essais de Lonzée, les rendements des orges de printemps, semées le 17 mars 2010, sont en retrait de 13 % par rapport à ceux enregistrés en 2009, année exceptionnelle, tout en se maintenant à un niveau tout à fait honorable de l’ordre de 80 qx/ha.  La bonne nouvelle vient plutôt du niveau des prix largement revu à la hausse.  Les très bons calibrages (pas toujours parfaits) excluent l’échaudage en tant que cause de la limitation des rendements ; par contre, la sécheresse qui a sévi pendant le tallage a eu comme conséquence une population en épis trop faible.  La sécheresse est sans doute également responsable des teneurs en protéines plus élevées qu’en 2009, suite à une minéralisation plus tardive en fin de végétation consécutive au retour des pluies.  Les protéines des variétés recommandées et mises en culture en Belgique restent toutefois dans les normes ; bien que dans les cultures plus tardives (Condroz, semis tardifs ...) on a pu observer des teneurs excessives).

Tableau 2 : Principaux résultats en orge de printemps.  Essais EBC à Lonzée – Gx-ABT.

 

Les variétés recommandées à la culture le prochain printemps resteront Henley, Quench et Sébastian, auxquelles s’ajoutera la variété Concerto pour autant que sa bonne qualité brassicole soit confirmée par la malterie durant cet hiver.  Il faut noter que Sébastian, plus sensible aux maladies semble en perte de productivité.

 

Un nouveau point de la situation en matière de variétés recommandées sera diffusé en février 2011 avant le semis des orges de printemps à l’occasion du prochain Livre Blanc.  Dès à présent, les agriculteurs prévoyant de cultiver l’orge de printemps en 2011 doivent tenir compte des conseils suivants.

 

 

3.3. Conseils de culture en orge de printemps

Choix des parcelles pour de l’orge de printemps : d’une manière générale, il faut éviter les parcelles riches en humus actif (jachères ou prairies avec légumineuses retournées récemment, fortes restitutions organiques).  Les bonnes terres « à betteraves » faciles d’accès en sortie d’hiver doivent être choisies en priorité.  D’autre part les parcelles trop filtrantes (séchantes et donc avec des risques plus élevés d’échaudage) ou présentant des défauts de structure ne conviennent pas (les orges y sont plus sensibles que les froments).  La place idéale de l’orge de printemps est en 2ème paille après un froment, où la maîtrise de la fumure azotée est plus facile.  Si possible, réalisez un profil azoté de la parcelle tôt en sortie d’hiver.

 

Mesure agri-environnementale « culture extensive en céréales » : depuis 2007, la prime agri-environnementale « réduction des intrants » n’est plus accessible qu’aux cultures d’orges de printemps brassicole ou de seigle (sauf exceptions très locales pour l’épeautre).  Cette prime de 100 €/ha n’exige plus de contrainte technique (densité de semis, régulateur), la protection fongicide utile souvent réduite et la fumure raisonnée, nécessairement peu intensive, étant des avantages environnementaux naturels suffisants.

 

Mesure agri-environnementale « couverture hivernale du sol » : la culture d’orge de printemps laisse la place à une couverture hivernale du sol donnant droit également à une prime agri-environnementale de 100 €/ha.

 

Date de semis en orge de printemps : il est conseillé de semer entre le 10 février et le 15 mars dans un sol suffisamment ressuyé, « quand il fait bon labourer ».  Ne semer que si on est assuré d’avoir suffisamment de soleil que pour blanchir le lit de semences.  Les semis précoces sont souvent plus favorables à l’enracinement et la résistance à la sécheresse lorsque le semis est réussi.  Le principal avantage des semis de février est d’atteindre le stade 1er nœud avant les premiers vols de pucerons vecteurs de jaunisse nanisante au printemps.  Un semis hâtif lève lentement et risque plus d'être ravagé par les pigeons et corvidés.  En outre dans ces semis, les vulpins peuvent être plus envahissants.

Il n’y a donc aucune raison de se presser avant le 15 mars si les conditions de semis ne sont pas très bonnes.

Par contre, plus le semis est tardif et plus la préparation du sol devra être affinée pour une levée rapide  (plus le semis est tardif et plus les variétés précoces sont recommandées). 

Dans toutes les situations, mais surtout si la préparation du sol ou la levée ne semblent pas satisfaisantes, ne pas hésiter à rouler le semis (le plus tôt est le mieux, mais le roulage peut être fait sans aucun problème jusqu’au stade 1er nœud).

En mai, on ne mettra de l’orge de printemps que s’il n’y a pas d’autre choix.

 

Densités de semis : semer sans jamais dépasser 250 grains au m2.  Des dégâts de pigeons ou de corvidés ne sont pas moindres avec de fortes densités de semis; par contre les oiseaux font plus difficilement des dégâts quand la parcelle est roulée.

 

 

Renseignements complémentaires :

Bruno Monfort, responsable technique de l’asbl Promotion de l’Orge de Brasserie

Tel : 081/62 21 39          Fax : 081/62 24 07          monfort.b@fsagx.ac.be

 

 

[1] Projet APE 2242 (FOREM) et projet CePiCOP (DGOARNE, du Service Public de Wallonie)

[2] Gembloux Agro Bio Tech – Unité de Phytotechnie des régions tempérées