3. Orge de brasserie

B. Monfort[1] [2], B.Bodson 2

3.1. La saison culturale 2009

La récolte 2009 en orge de printemps est moyenne à très bonne puisque on trouve des rendements qui varient de 5 à plus de 9 tonnes/ha.  On observe de grosses variations liées à la variété, mais aussi à la date de semis, et, plus que d’habitude semble-t-il, aux conditions pédo-climatiques (type de parcelle, régime des pluies, réserves en eau du sol, coups de chaleur ...).

 

Le plus souvent les semis ont été précoces (fin février – début mars).  Les températures fraîches ont ralenti la levée et beaucoup se plaignent de gros dégâts de corbeaux et pigeons qui sont de plus en plus souvent une vraie calaminé dans les semis précoces (et trop isolés) depuis qu’il n’y a plus de répulsif dans l’enrobage de semences.  A Lonzée, les dégâts (trous) ont assez bien été comblés par un tallage important, mais il n’en a pas été de même partout.

 

Dans les semis hâtifs, la montaison a aussi duré plus longtemps que la normale alors que la rhynchosporiose s’installait et le choix de ne pas traiter en montaison, dans ces conditions, a pu pénaliser les rendements de certaines variétés.  C’est la première année aussi où on a assisté à une forte attaque du complexe grillures-ramulariose (à noter que ces grillures sont apparues 2 semaines plus tard qu’en escourgeon !), très préjudiciable au potentiel photosynthétique du feuillage, et qui pouvait être contrôlée par l’application de chlorothalonil ou de prothioconazole en traitement de dernière feuille.  Le non-emploi de ces matières actives a pu aussi pénaliser les rendements.

 

2009 est une année où les protéines à la récolte sont très basses : moyenne de 9,5 % selon les analyses de pré-récolte.  Les récoltes ont été relativement précoce (deuxième quinzaine de juillet).  En absence d’échaudage, la qualité se révèle aussi très bonne avec des grains de belle couleur et de gros calibre, ainsi que des poids de l’hectolitre et poids de 1000 gr très élevés. 

 

La déception risque de provenir, comme pour toutes les autres céréales, des prix proposés pour la récolte : ils sont particulièrement mauvais pour le moment en ce début septembre.  Les malteurs étant couverts jusqu’en fin d’année avec la récolte 2008, on attend un marché plus actif et intéressant en automne quand les disponibilités et qualités locales seront confirmées.

3.2. Résultats des variétés dans les essais EBC

Les essais EBC (réseau européen organisé par les malteurs et les brasseurs) recherchent parmi les nouvelles variétés d’orge de potentiel brassicole, celles qui, tout en maintenant une qualité au moins équivalente aux variétés témoins, pourraient satisfaire les agriculteurs par de meilleures performances agronomiques (résistances aux maladies, hauts rendements).

3.2.1. Les orges d’hiver brassicoles : Cervoise sortie de la liste brassicole

L’irrégularité de la qualité de la variété Cervoise (problèmes locaux de forte dormance, et de filtrabilité) a entraîné sa sortie de la liste française des variétés recommandées pour la malterie ; elle restait pour l’heure toujours cotée sans doute pour les bons lots, mais avec très peu de plus-value financière par rapport au fourrager.  Cette liste contient Cartel mais cette variété confirme un très faible potentiel de rendement.  Malice et Wintmalt viennent aussi d’être retirée de la liste des variétés en observation ; elles ne semblaient de toute façon pas assez performantes du point de vue de leur valeur agronomique.

Tableau 1 : Principaux résultats en orge d’hiver en 2009 et 2008.

Orges hiver

Récolte EBC 2009

Récolte EBC 2008

variétés

Rdt

Prot

Calib %

Rdt

Prot

Calib %

 

Kg/ha

%

>2.5 mm

Kg/ha

%

>2.5 mm

Variété témoin

Esterel (6R)

9573

9.3

89.8

8695

11.93

88.6

Variétés en observation

Cervoise (6R)

10730

9.7

97.0

9646

11.25

98.1

Cartel (6R)

9403

10.3

96.0

8855

12.04

97.2

Malice

10037

10.2

98.7

9384

12.13

98.7

Wintmalt

9680

9.7

96.9

8858

12.11

98.3

Source : essais ES09-02 & ES08-03 (essais EBC) à Lonzée F.U.S.A.Gx

Données techniques :        en 2008 : fumure = 0-90-40 = 130 N, 2 fongicides, 0 régulateur

                                               En 2009 : fumure = 35-70-40 = 145 N, 2 fongicides, 0 régulateur

Tableau 1 b : Récoltes EBC 2005-2009 en orge d’hiver

 

2009

2008

2007

2006

2005

Esterel

100

100

100

100

100

Cervoise

112

111

110

114

 

Cartel

100

102

 

 

 

Azurel

 

98

102

 

 

Cassata (2R)

 

111

111

 

 

Arturio

 

 

 

117

102

Témoin (kg/ha)

9573

8695

9294

8415

10718

Source : essais EBC de 2005 à 2009 à Lonzée F.U.S.A.Gx

 

Nous revoilà de nouveau à la recherche d’une nouvelle remplaçante à Esterel, variété trop peu productive, trop sensible aux maladies, au froid, et qui est de moins en moins cultivée.  La liste française (importante car les malteurs belges s’approvisionnent en priorité en France), propose Azurel qui n’est pas plus performante que Cartel ou Esterel , ces trois variétés ne sont pas recommandables en Belgique.  Arturio est également sur cette liste ; cette variété avait montré un bon potentiel et une sensibilité aux maladies, proches de Cervoise dans les essais EBC de 2004 et 2005.

 

Parmi les variétés nouvelles, une orge 2 rangs anglaise Cassata de productivité équivalente à l’orge 6 rangs Cervoise dans les essais EBC en 2007 et 2008 a confirmé ses qualités brassicoles intéressantes mais est toujours au stade des tests industriels chez les malteurs belges.  Cassata est sur la liste des variétés brassicoles recommandées en Angleterre et est aussi inscrite en Allemagne. 

 

Si les semences d’Arturio et de Cassata ne sont pas disponibles en Belgique cet automne, le choix en brassicole sera limité à Cervoise mais le débouché en malterie sera très hypothétique. 

 

Cervoise, de très bon potentiel quand les maladies sont maîtrisées, est conseillée à la culture en considérant qu’une plus-value brassicole éventuelle sera bienvenue, mais non nécessaire pour sa rentabilité (ce qui n’est pas le cas des variétés brassicoles moins performantes).  Cervoise présente peu de risque de déclassement pour dépassement des normes de protéines tel que le montre la figure 1 suivante.

 

La figure 1 illustre bien les différences entre les deux années 2008 (reliquats élevés en sortie d’hiver) et 2009 (faibles reliquats en sortie d’hiver).  En 2008, année de protéine élevée, Cervoise était juste dans les normes à la fumure conseillée.  Avec Cassata elle était la seule variété à n’être pas déclassée.  En 2009, le climat a permis au potentiel de Cervoise de mieux s’exprimer; les rendements sont nettement améliorés (maximum de 117 qx) et les protéines sont toujours dans les normes même aux très hautes fumures.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Figure 1 : Réponses des rendements et des protéines (variété Cervoise) à la fumure croissante en 2009 & 2008.

3.2.2. Les orges de printemps brassicoles

Dans les essais de Lonzée, certaines orges de printemps ont exprimé en 2009 des rendements très satisfaisants : de l’ordre de 90 qx en Sébastian et 95 qx en Quench ; il faut remonter à 1999 pour retrouver des rendements aussi bons.

Tableau 2 : Principaux résultats en orge de printemps.  Essais EBC à Lonzée – FUSAGx.

 

 

Le semis était précoce et en conséquence les stades levée et montaison (pendant lesquels les températures étaient fraîches) ont été plus longs que la normale, avec de gros dégâts d’oiseaux (compensés par un très bon tallage) et des maladies (rhynchosporiose et oïdium) qui ont pu s’installer avant le stade dernière feuille en absence de traitement fongicide en montaison.  C’est aussi la première année que le complexe grillures-ramulariose est présent en orge de printemps. 

 

Les variétés les plus cultivées cette année ont été Sébastian et Chamonix.  Si Sébastian n’a pas déçu, Chamonix (variété Zéro-LOX – variété ayant des caractéristiques particulièrement favorables à la conservation de la bière) qui remplaçait Béatrix à la demande de la malterie déçoit dans les essais en 2009.  La variété Quench (dont les semences n’étaient pas disponibles au printemps) a été la variété brassicole la plus performante et devrait être le maître choix pour les prochaines récoltes.  Béatrix et Tipple présentes sur les listes des variétés recommandées et demandées par l’industrie restent des bons choix également.

 

Les variétés et leur sensibilité aux maladies

Quench a confirmé sa très bonne résistance à la rhynchosporiose, toutes les autres variétés y étant sensibles à très sensibles.  Toutes les variétés ont été sensibles au complexe grillures-ramulariose (apparu 15 jours plus tard qu’en escourgeon).  Sébastian en outre a été la plus sensible à l’oïdium dès le début montaison.  Dans l’essai fongicide sur Sébastian, le traitement sur la dernière feuille a apporté 7 quintaux, le traitement de montaison apportant en sus 5 quintaux.  Tous les essais ont été cultivés sans régulateur, sans qu’aucune variété ne manifeste de verse en 2009.

 

Choix des variétés et réponses à la fumure azotée

En comparant les essais OP09-11 consacré à Chamonix et OP-09-13 consacré à Quench, Quench confirme un potentiel très supérieur à Chamonix tout en faisant moins de protéines. 

Dans l’essai 0P09-12 comparant 5 variétés, Sébastian atteint les même rendements que Quench mais avait besoin pour cela d’une fumure azotée plus élevée (à laquelle les protéines de Sébastian étaient plus élevées d’1 % tout en restant toutefois dans les normes).

 

Pour ce critère fumure – rendement – qualité, Quench, selon les essais 2009, est un maître choix sur Chamonix et Sébastian.

 

 

Figure 2 : Réponses des rendements et des protéines à la fumure croissante en 2009 - variétés Quench (OP09-13) et Chamonix (OP09-11).

 

 

Figure 3 : Réponses des rendements à la fumure croissante en 2009 des variétés Quench , Sébastian et Chamonix (OP09-12).

3.3. Conseils de culture en orge de printemps

Choix des parcelles pour de l’orge de printemps : d’une manière générale, il faut éviter les parcelles riches en humus actif (jachères ou prairies avec légumineuses retournées récemment, fortes restitutions organiques).  Les bonnes terres « à betteraves » faciles d’accès en sortie d’hiver doivent être choisies en priorité.  D’autre part les parcelles trop filtrantes (séchantes et donc avec des risques plus élevés d’échaudage) ou présentant des défauts de structure ne conviennent pas (les orges y sont plus sensibles que les froments).  La place idéale de l’orge de printemps est en 2ème paille après un froment, où la maîtrise de la fumure azotée est plus facile. 

 

Date de semis en orge de printemps : il est conseillé de semer entre le 10 février et le 15 mars dans un sol suffisamment ressuyé, « quand il fait bon labourer ».  Ne semer que si on est assuré d’avoir suffisamment de soleil que pour blanchir le lit de semences.  Les semis précoces sont souvent plus favorables à l’enracinement et la résistance à la sécheresse lorsque le semis est réussi.  Le principal avantage des semis de février est d’atteindre le stade 1er nœud avant les premiers vols de pucerons vecteurs de jaunisse nanisante au printemps.  Un semis hâtif lève lentement et risque plus d'être ravagé par les pigeons et corvidés.  En outre dans ces semis, les vulpins peuvent être plus envahissants.

Il n’y a donc aucune raison de se presser avant le 15 mars si les conditions de semis ne sont pas très bonnes.

Par contre, plus le semis est tardif et plus la préparation du sol devra être affinée pour une levée rapide  (plus le semis est tardif et plus les variétés précoces sont recommandées). 

Dans toutes les situations, mais surtout si la préparation du sol ou la levée ne semblent pas satisfaisantes, ne pas hésiter à rouler le semis (le plus tôt est le mieux, mais le roulage peut être fait sans aucun problème jusqu’au stade 1er nœud).

En mai, on ne mettra de l’orge de printemps que s’il n’y a pas d’autre choix.

 

Densités de semis : semer sans jamais dépasser 250 grains au m2.  Des dégâts de pigeons ou de corvidés ne sont pas moindres avec de fortes densités de semis; par contre les oiseaux font plus difficilement des dégâts quand la parcelle est roulée.

 

Fumure et désherbage en orge de printemps : attendre le plein tallage avant de désherber.  Sur une parcelle dont la fertilité est supérieure à la moyenne, attendre également le plein tallage avant d’appliquer la fumure azotée qui sera adaptée en fonction des reliquats azotés en sortie d’hiver et de la vigueur de la culture.  Lorsque la fertilité de la parcelle est moyenne ou faible, la fumure adaptée en fonction des reliquats azotés en sortie d’hiver pourra être apportée dès la levée.

 

Mesure agri-environnementale en orge de printemps : depuis 2007, la prime agri-environnementale « réduction des intrants » n’est plus accessible qu’aux cultures d’orges de printemps brassicole ou de seigle (sauf exceptions très locales pour l’épeautre).  Cette prime de 100 €/ha n’exige plus de contrainte technique (densité de semis, régulateur), la fumure raisonnée et nécessairement peu intensive étant une contrainte naturelle suffisante.

 

[1]              Projet APE 2242 (FOREM) et projet CéPiCOP (DGA du Ministère de l'Agriculture de la Région Wallonne)

[2]              F.U.S.A.Gembloux – Unité de Phytotechnie des régions tempérées