Orge de brasserie

B. Monfort[1] [2], B.Bodson 2

1.   La campagne 2008

La campagne a pu démarrer à la mi-février sur les terres à bon ressuyage et quand on disposait des semences.  Par la suite, à cause du retour des pluies, les semis n’ont pu reprendre qu’à la mi-avril, ce qui était relativement tard mais toujours dans les dates normales. 

En général la culture était facile à conduire : pas ou très peu de pucerons potentiellement virulifères, très peu de maladies jusqu’à la dernière feuille sur laquelle on applique systématiquement un fongicide.  Dans certaines parcelles, on a observé une forte attaque de rhynchosporiose autour du stade dernière feuille pour les semis de février, en début montaison dans certains semis d’avril, ce qui y a justifié une double intervention fongicide.

Excepté une partie du Hainaut où il n’y a jamais eu de période suffisamment sèche, la plupart des récoltes ont pu être réalisées en bonnes conditions en début août.  Pour les variétés tardives des semis d’avril, par contre, le climat froid et humide du mois d’août n’a pas permis d’arriver à maturité avant la fin du mois.  Comme en froment, la majorité des récoltes ont dû être séchées.

La qualité est très bonne cette année en moyenne : grains de belle couleur, de bons calibres et des teneurs en protéines dans les normes (moyennes pour les agriculteurs de 11,2 % en orge d’hiver, 10,9 % en orge de printemps, selon les analyses réalisées en pré-récolte).

 

 

2.   Résultats des essais EBC

Les essais EBC (réseau européen organisé par les malteurs et les brasseurs) recherchent parmi les nouvelles variétés d’orges de potentiel brassicole, celles qui, tout en maintenant une qualité au moins équivalente aux variétés témoins, pourraient satisfaire les agriculteurs par de meilleures performances agronomiques (résistances aux maladies, hauts rendements).

Les essais 2008 se trouvaient dans une terre de fertilité azotée un peu trop grande pour une culture brassicole (précédent froment de jachère enfouie avec gros apport de matière organique).

 

 

 

2.1.           Les orges d’hiver brassicoles : Cervoise confirme.

La variété Cervoise reste la seule alternative actuelle à la variété Esterel (variété trop sensible au froid pour la Belgique).  Azurel et Cartel annoncées brassicoles en France confirment leur trop faible potentiel de rendement.  Cervoise l’an dernier a montré une forte dormance et les tests de micromaltage n’étaient pas idéaux, ce qui explique que les cotations en bourse ont été pour la campagne de la récolte 2007, significativement inférieures à celles d’Esterel.  En variété 2 rangs d’hiver, Cassata, et dans une moindre mesure Malice et Wintmalt ont montré un potentiel de rendement intéressant, mais devront confirmer leur éventuel potentiel de valorisation en malterie.

 

Tableau 1 : Principaux résultats en orge d’hiver en 2008 et 2007.

Orges hiver

Récolte EBC 2008

Récolte EBC 2007

variétés

Rdt

Prot

Calib %

Rdt

Prot

Calib %

 

Kg/ha

%

>2.5 mm

Kg/ha

%

>2.5 mm

Variétés témoins

Esterel (6R)

8695

11.93

88.6

9294

9.8

90.3

Régina (2R)

8587

12.30

95.2

9604

10.7

97.0

Variétés en observation

Cervoise (6R)

9646

11.25

98.1

10256

10.8

94.1

Azurel (6R)

8542

12.69

94.0

9508

11.7

93.6

Cartel (6R)

8855

12.04

97.2

 

 

 

Source : essais ES08-03 & ES07-02 (essais EBC) à Lonzée F.U.S.A.Gx

Données techniques :        en 2008 : fumure = 0-90-40 = 130 N, 2 fongicides, 0 régulateur

                                               En 2007 : fumure = 0-90-35 = 125 N, moy 1-2 fong, 0 régulateur

 

La figure 1 confirme le tassement des rendements en 2008 à Lonzée.  L’augmentation de 1.5 % des teneurs en protéines est en grande partie liée à la parcelle, et rappelle qu’il faut rester prudent avec la fumure azotée.  Cervoise est toutefois la variété présentant le moins de risque de déclassement pour cette norme.

 

 

Figure 1 : Réponses des rendements et des protéines ( variété Cervoise) à la fumure croissante en 2007 & 2008.

 

2.2.           Les orges de printemps brassicoles

L’essai EBC sur orge de printemps a été installé plus tard que les autres années pour diverses raisons : livraison tardive des semences après la première bonne période de semis de la deuxième quinzaine de février, pluies incessantes en mars jusque début avril, parcelle difficile d’accès (freschaux) …  C’était aussi l’occasion de voir ce que pouvait donner un semis du 21 avril.  La plus grosse crainte était l’envahissement précoce par les pucerons, mais il n’a pas été nécessaire de traiter contre eux.  L’autre crainte était une sécheresse fin juillet avant l’arrivée de l’orge à maturité, elle n’a pas eu lieu.  Le temps froid avec air humide du mois d’août a permis aux variétés tardives de terminer normalement leur cycle mais a prolongé la moisson jusqu’en fin août (il a quand même fallu sécher la récolte).  Le principal enseignement est que pour les semis tardif, il vaut mieux choisir des variétés précoces.

 

Les rendements 2008 à Lonzée sont meilleurs que les deux années précédentes, sans être vraiment bons ; cela est peut être lié à la parcelle sur laquelle la fumure a dû être limitée à 60N cette année.  Le manque d’ensoleillement durant l’été ne semble pas devoir être impliqué car les grains sont très bien remplis (très gros calibre et poids de 1000 grains très élevé) et la qualité est excellente : grains de belle couleur et protéines tout juste dans les normes. Les rendements des premiers semis sont annoncés meilleurs, mais on attend confirmation ; on parle de records autour de 100 quintaux dans certaines régions de France.

 

Tableau 2 : Principaux résultats en orge de printemps.  Essais EBC à Lonzée – FUSAGx.

 

Contrairement aux autres années, aucune variété ne se distingue vraiment ; on a plutôt assisté à un nivellement des potentiels en 2008, y compris celui de la nouveauté Quench, maintenant classée de très bonne qualité, qui n’a pas confirmé en 2008 ses très bons rendements comparatifs précédents.  Trois variétés, Belgravia, Quench et Pewter sont apparues très fortement résistantes à la rhynchosporiose, mais cette qualité ne s’est pas traduite en avantage pour les rendements en 2008 malgré la forte présence de la maladie.

 

Les variétés et leur réponse aux fongicides.

En 2008, on a observé généralement peu de maladies dans les semis de février, jusqu’à la fin montaison, où dans certaines parcelles une forte poussée de rhynchosporiose s’est manifestée.  Pour le semis d’avril à Lonzée l’orge se trouvait à ce moment en début montaison, et un premier traitement a été appliqué en urgence.  La montaison étant très rapide, le deuxième traitement sur la dernière feuille fut appliqué 8 jours plus tard.  Le fongicide de montaison, qui n’a apporté en moyenne que 2 quintaux, a été très bénéfique pour Béatrix et Scarlett, et bien rentabilisé pour Chamonix et Prestige. Sébastian et Tipple n’ont pas valorisé un double traitement.  L’avantage des variétés résistantes à la rhynchosporiose Quench et Pewter a été finalement qu’on savait que le fongicide en montaison ne pouvait pas leur apporter grand chose.  Avec les autres variétés on ne pouvait décemment pas prendre le risque de ne pas traiter en montaison à Lonzée.

 

Le tableau 3 compare les variétés du tableau 2 en tenant compte de l'intensité de la protection fongicide appliquée à la culture.  Les  rendements sont donnés en Kg/ha et en pourcent de la moyenne non traitée.  Les traitements fongicides de l’essai coûtent chacun de l’ordre de 50 €/ha ; le tableau transforme en % le coût de un fongicide selon la valeur de la récolte.

Tableau 3 : Comparaisons variétales prenant en compte la réponse aux fongicides.

source : essai EBC OP08-20 à Lonzée – FUSAGx

 

 

3      Conseils de culture en orge de printemps

Choix des parcelles pour de l’orge de printemps : d’une manière générale, il faut éviter les parcelles riches en humus actif (jachères ou prairies avec légumineuses retournées récemment, fortes restitutions organiques).  Les bonnes terres « à betteraves » faciles d’accès en sortie d’hiver doivent être choisies en priorité.  D’autre part les parcelles trop filtrantes (séchantes et donc avec des risques plus élevés d’échaudage) ou présentant des défauts de structure ne conviennent pas (les orges y sont plus sensibles que les froments).  La place idéale de l’orge de printemps est en 2ème paille après un froment, où la maîtrise de la fumure azotée est plus facile. 

 

Date de semis en orge de printemps : il est conseillé de semer entre le 10 février et le 15 mars dans un sol suffisamment ressuyé, « quand il fait bon labourer ».  Ne semer que si on est assuré d’avoir suffisamment de soleil que pour blanchir le lit de semences.  Les semis précoces sont souvent plus favorables à l’enracinement et la résistance à la sécheresse lorsque le semis est réussi.  Le principal avantage des semis de février est d’atteindre le stade 1er nœud avant les premiers vols de pucerons vecteurs de jaunisse nanisante au printemps.  Un semis hâtif lève lentement et risque plus d'être ravagé par les pigeons et corvidés.  En outre dans ces semis, les vulpins peuvent être plus envahissants.

Il n’y a donc aucune raison de se presser avant le 15 mars si les conditions de semis ne sont pas très bonnes.

Par contre, plus le semis est tardif et plus la préparation du sol devra être affinée pour une levée rapide  (plus le semis est tardif et plus les variétés précoces sont recommandées). 

Dans toutes les situations, mais surtout si la préparation du sol ou la levée ne semblent pas satisfaisantes, ne pas hésiter à rouler le semis (le plus tôt est le mieux, mais le roulage peut être fait sans aucun problème jusqu’au stade 1er noeud).

En mai, on ne mettra de l’orge de printemps que s’il n’y a pas d’autre choix.

 

Densités de semis : semer sans jamais dépasser 250 grains au m2.  Des dégâts de pigeons ou de corvidés ne sont pas moindres avec de fortes densités de semis; par contre les oiseaux font plus difficilement des dégâts quand la parcelle est roulée.

 

Fumure et désherbage en orge de printemps : attendre le plein tallage avant de désherber.  Sur une parcelle dont la fertilité est supérieure à la moyenne, attendre également le plein tallage avant d’appliquer la fumure azotée qui sera adaptée en fonction des reliquats azotés en sortie d’hiver et de la vigueur de la culture.  Lorsque la fertilité de la parcelle est moyenne ou faible, la fumure adaptée en fonction des reliquats azotés en sortie d’hiver pourra être apportée dès la levée.

 

Mesure agri-environnementale en orge de printemps : depuis 2007, la prime agri-environnementale « réduction des intrants » n’est plus accessible qu’ aux cultures d’orges de printemps brassicole ou de seigle (sauf exceptions très locales pour l’épeautre).  Cette prime de 100 €/ha n’exige plus de contrainte technique (densité de semis, régulateur), la fumure raisonnée et nécessairement peu intensive étant une contrainte naturelle suffisante.

 

Renseignements complémentaires :

Bruno Monfort, responsable technique de l’asbl Promotion de l’Orge de Brasserie

                                                Tel : 081/62 21 39       Fax : 081/62 24 07      monfort.b@fsagx.ac.be


 

[1]              Projet APE 2242 (FOREM) et projet CéPiCOP (DGA du Ministère de l'Agriculture de la Région Wallonne)

[2]              F.U.S.A.Gembloux – Unité de Phytotechnie des régions tempérées