Orges brassicoles             (article paru dans le Livre Blanc de février 2015)

B. Monfort[1]

 

1       Introduction : la production belge d’orges de brasserie en circuits courts. 2

2       Résultats d’expérimentations. 3

2.1        Les variétés brassicoles. 3

2.1.1        Les variétés brassicoles d’hiver : la variété Etincel est brassicole et a un très gros potentiel ! 3

2.1.2        Les variétés brassicoles de printemps. 4

2.2        Résultats d’expérimentation sur la fumure en orge de brasserie de printemps. 5

2.2.1        Fumure azotée en orge de brasserie de printemps. 5

2.2.2        Réponses variétales à la fumure azotée des orges de printemps. 5

2.2.3        Formes de l’engrais azoté et efficacité pour les rendements. 6

2.2.4        Réponses moyennes des rendements et des protéines à la fumure azotée en orge de printemps à Lonzée, de 2003 à 2014. 7

2.3        La protection fongicide en orge de brasserie. 7

3       Recommandations pratiques. 9

3.1        Choix des parcelles. 9

3.2        Date de semis en orge de printemps. 9

3.3        Densité de semis. 10

3.4        Protection des semences et des jeunes semis. 10

3.5        Insecticide contre les pucerons jusqu’au stade 1er nœud. 10

3.6        Fumure azotée. 10

3.7        Désherbage : normalement pas de lutte contre le vulpin. 11

3.8        Stratégie de lutte contre les maladies en orge de printemps. 11

3.9        Les régulateurs de croissance. 12

3.10     Récolte des orges de brasserie. 12

3.11     Stockage des orges de brasserie. 13

 


 

Cet article est essentiellement centré sur les orges de brasserie de printemps.  Toutefois l’orge de brasserie d’hiver y est présent pour les informations sur les variétés.  Vous trouverez les informations non-spécifiques des orges brassicoles hiver (caractéristiques de l’année, fongicides, régulateurs, et principes généraux de la fumure) dans les chapitres consacrés à l’escourgeon.

 

 

1        Introduction : la production belge d’orges de brasserie en circuits courts

Dans la figure 8.1, depuis plus de 3 ans, l’évolution des cotations en orge de brasserie ne s’améliore pas même si les prix se sont mieux maintenus que ceux des céréales fourragères (escourgeons et froments).  En orge d’hiver il n’y a actuellement que 5 €/t de différence entre le brassicole Etincel et l’escourgeon fourrager alors que les surcoûts pour la traçabilité et un stockage de qualité sont déjà de l’ordre de 10 €/t.  Pour l’orge de printemps brassicole, le prix (mondial) agriculteur est de 185 €/t sur base du FOB Creil rendu Belgique. 

 

Figure 8. 1 – Evolutions des cotations des céréales depuis 2006.

Si on accepte sur base de comptabilité en ferme qu’il faut un prix culture de 160 €/t pour 9 tonnes/ha d’une céréale fourragère (escourgeon ou froment) pour permettre à l’agriculteur d’obtenir un revenu décent de sa culture, il devrait recevoir un prix de 250 €/t quand le rendement est de 6 tonnes/ha en orge de printemps.  En moyenne si on atteint cet objectif en froment (165 €/t), l’escourgeon avec 148 €/t en moyenne ne permet pas de l’atteindre et on est loin du compte en orge de printemps d’autant que les prix parfois favorables correspondent à des années caractérisées par de faibles rendements ou de très nombreux déclassements.

 

Dans ce cadre de prix mondial insuffisant alors que les prévisions de stock ne sont pas optimistes, le marché ne s’attend pas à une reprise de la production, bien au contraire dans la plupart des grosses régions productrices y compris en Australie qui pourtant bénéficie du marché chinois très demandeur.

 

Face à ces perspectives peu encourageantes, la volonté de l’asbl Promotion de l’orge de brasserie est de développer une production rentable pour l’agriculteur, à l’abri du marché mondial spéculatif en mettant en valeur les circuits courts auprès des brasseurs soucieux du caractère « terroir » de leurs bières et donc de leur approvisionnement.  A 165 €/t (prix culture de la récolte 2013 et sans compter les récentes augmentations de marges et d’accises), le coût de l’orge de brasserie représente 2,17 % du prix payé par le consommateur pour de la « pils », ou 1,6 % du prix d’une bière spéciale ».  Fixer un prix culture de l’ordre de 250 €/tonne d’orge de brasserie (avec une fourchette de +/- 10 %) satisferait tous les partenaires de la filière, du producteur aux transformateurs, sans que l’impact sur le prix de la bière ne soit sensible pour le consommateur : augmentation d’à peine 0,9 % du prix, soit de l’ordre du centime d’Euro le litre.  Quelques brasseurs-distillateurs belges ont déjà fait le pas et conclu des marchés.

2        Résultats d’expérimentations

2.1      Les variétés brassicoles

2.1.1    Les variétés brassicoles d’hiver : la variété Etincel est brassicole et a un très gros potentiel !

Etincel se trouve dans le peloton des variétés les plus performantes en escourgeon (voir le Livre Blanc de septembre 2014) dépassant même les meilleures variétés hybrides si on tient compte du surcoût des semences de ces hybrides (-6 % des rendements).  Cette variété, maintenant la plus cultivée en France, est moyennement sensible à la verse et à toutes les maladies.

 

Sa faible propension à accumuler les protéines permet d’appliquer les mêmes calculs de fumure azotée qu’en escourgeon fourrager, sans plus devoir restreindre celle-ci par crainte de dépassement des normes de protéines.

Tableau 8. 1 – Résultats de l’essai de comparaison des variétés d’orges d’hiver brassicoles à Gembloux en 2014.

Etincel est la seule variété recommandée pour un débouché brassicole à condition d’en assurer préalablement la rentabilité auprès de la malterie – brasserie.

 

2.1.2    Les variétés brassicoles de printemps

En orge de printemps, la moisson 2014 réalisée à Gembloux juste à maturité avant la longue période pluvieuse du mois d’août est tout à fait satisfaisante en quantité et en qualité.  Ceci ne fut plus toujours le cas avec les moissons récoltées plus tardivement.

 

Dans le tableau suivant déjà commenté dans le Livre Blanc de septembre 2014, les variétés brassicoles reconnues Explorer, Irina et Quench sont en moyenne les plus productives.  De ces variétés, Irina sera en 2015, la variété principalement recommandée en Belgique pour le débouché de la brasserie.  Dans nos essais de Lonzée en 2014, elle n’a pas reproduit ses excellents résultats de 2013, au contraire des essais chez nos voisins français où elle est restée très performante.  Irina semble être une variété à faibles teneurs en protéines, de bonne résistance à la verse, un peu sensible à la rhynchosporiose et à la ramulariose en 2013 et 2014.

Tableau 8.2– Principaux résultats en orge de printemps.  Essais EBC à Lonzée – Gx-ABT.

 

Odyssey a déçu en 2014 tout comme en France, à l’inverse de la variété Concerto.  Ces deux variétés sensibles à la verse sont cultivées en Grande Bretagne pour la distillerie en raison de leur caractère non GN (glucosil-nitrile).  Les autres variétés du tableau ne devraient pas se trouver sur le marché des semences ce printemps.

 

Pour son choix variétal, l’agriculteur doit prendre contact avec son négociant – stockeur intermédiaire.  En absence de marché à terme fonctionnel, les contacts doivent être pris avec un malteur ou idéalement un brasseur avant la mise en culture : il ne sert à rien de semer une orge de printemps et se retrouver sans débouché lors de la récolte.

 

2.2      Résultats d’expérimentation sur la fumure en orge de brasserie de printemps

2.2.1    Fumure azotée en orge de brasserie de printemps

Le tableau 8.3 présente les résultats de l’essai fumure azotée réalisé sur la variété Odyssey.

 

Le meilleur rendement 2014 d’un point de vue économiquement optimal (avec un prix de vente de 220 €/t et un prix d’achat de l’engrais N27% de 300 €/t) se situe à 93 qx/ha obtenus avec une fumure de 122 kgN/ha.  Les meilleurs fractionnements étaient soit d’appliquer toute la fumure azotée à la levée, soit de répartir la fumure azotée en 90 kgN/ha à la levée et le solde de 32 kgN/ha au redressement. 

Tableau 8.3 – Fractionnement de la fumure azotée en orge de printemps.  Essais OP14-24 à Lonzée – Gx-ABT.

 

En 2014, il ne fallait pas apporter moins que ces 90 kg/ha à la levée alors qu’en 2013 sur Quench un total de 135 kgN/ha devait être réparti en 60 kgN/ha à la levée et 75 kgN/ha au redressement.  Appliquer toute la fumure à la levée ne permettait pas d’atteindre le meilleur potentiel en 2013 dans cet essai.

 

En 2012 sur Quench, l’optimum de 76,5 qx/ha était atteint avec 105 kgN/ha appliquées totalement à la levée ou avec un fractionnement de 60 kgN/ha à la levée suivi de 45 kgN/ha au redressement.

 

Ces trois dernières années au niveau optimal de fumure azotée, les teneurs en protéines se situent dans la fourchette idéale de la norme entre 10 et 11%.

 

2.2.2    Réponses variétales à la fumure azotée des orges de printemps

Les variétés peuvent – elles être regroupées par classe de réponses variétales à la fumure azotée, les unes étant plus exigeantes que d’autres ?  Et le classement observé une année se maintient-il les années suivantes ?  En observant les classements obtenus dans les essais de ces dernières années Quench et Bellini semblent se classer souvent dans le groupe des variétés plus exigeantes d’une vingtaine d’unités d’azote par rapport à la moyenne des variétés.

D’autres variétés comme Overture et Explorer se comportent plus aléatoirement et sont classées moins exigeantes en 2014 mais  plus exigeantes en 2013.  Concerto se montre moyennement exigeante en 2013 et 2014, tout comme Sunshine, mais décroche tout à fait en 2012 à la fois en exigence azotée et en potentiel de rendement.  Irina a montré en 2014 une exigence azotée parfaitement dans la moyenne.

 

Il n’est donc pas évident de classer les variétés par groupe d’exigence vis-à-vis de la fumure azotée.  Pour fiabiliser ce type de classement de manière à en tirer une aide pratique pour le choix de la fumure azotée, il conviendrait de multiplier ces essais et observations dans le temps et dans l’espace.

 

2.2.3    Formes de l’engrais azoté et efficacité pour les rendements

Figure 8.2 – Efficacités de la forme de l’engrais azoté orge de printemps.  Essais OP13-24 à Lonzée – Gx-ABT.

Alors qu’en 2011, 2012 et 2013 on avait constaté par rapport à l’ammonitrate 27% une moindre efficacité de l’engrais azoté apporté sous forme de solution N39 %, en 2014 aucune différence d’efficacité n’a été constatée entre les 2 formes d’engrais azoté.  Les engrais spéciaux NF100, Fertigofol et Appetizer qui étaient également étudiés dans ces essais n’ont apporté aucune amélioration au rendement de la culture.

 

2.2.4    Réponses moyennes des rendements et des protéines à la fumure azotée en orge de printemps à Lonzée, de 2003 à 2014

La figure 8.3 suivante donne la réponse moyenne des rendements de l’orge de printemps à la fumure azotée observée dans les essais à Lonzée depuis 2003 jusqu’à 2013.

Tenant compte d’un prix de vente de la céréale à 220 €/t et un coût de l’engrais à 300 €/t, la fumure optimale moyenne est de 112 kgN/ha permettant d’obtenir une récolte moyenne de 8047 kg/ha à 11,1 % de protéines.  Cette fumure peut être amenée entièrement en solide pendant la levée, mais par prudence il est conseillé de la fractionner en n’apportant que 60 kg N/ha pendant la levée et d’apporter le complément au redressement si on n’observe pas de présence importante de maladies, ce qui serait un indice de fumure déjà excessive.

 

Figure 8.3 – Réponses moyennes des rendements et des teneurs en protéines à la fumure azotée croissante de 2003 à 2014 (Lonzée – Gx-ABT).

2.3      La protection fongicide en orge de brasserie

En orge de printemps, vu la rapidité avec laquelle se déroule la montaison, le problème se pose différemment par rapport aux escourgeons alors qu’on est confronté aux mêmes types de maladies.  En moyenne, sur les 10 dernières années, la période de montaison (entre le stade épi 1 cm et le stade dernière feuille étalée) a duré 13 jours en orge de printemps (18 jours en 2014) contre 30 jours en escourgeon (31 jours en 2014).  Il en résulte que la montaison se déroule le plus souvent en absence de symptômes préoccupants de maladies et que le traitement en montaison est rarement justifié.  Pourtant un climat défavorable durant cette période peut permettre aux maladies de s’installer sans que les symptômes soit observables, ce qui explique les efficacités parfois inattendues de ce traitement.  Ce fut particulièrement le cas en 2012 et 2009 avec les variétés les plus sensibles à la rhynchosporiose.

 

En 2014 durant la montaison, seules quelques pustules d’oïdium ont été observées sur les variétés sensibles.  A l’analyse des résultats de la comparaison variétale une seule variété (sous n°) plus sensible à cette maladie a rentabilisé un traitement à ce stade.

Par la suite la rhynchosporiose, l’oïdium, les symptômes de taches de guépard et la ramulariose furent plus ou moins présentes selon la sensibilité des variétés. Contrairement aux escourgeons, la rouille fut peu présente dans les essais d’orge de printemps. Selon les variétés, les traitements fongicides ont amélioré les rendements de 4 à 11 qx/ha en 2014.

Le tableau 8.4 renseigne les gains de rendements liés aux fongicides appliqués sur la dernière feuille et en montaison de 2005 à 2014. 

Tableau 8.4 – Apports en kg/ha du traitement fongicide appliqué seul sur la dernière feuille (FDF) et du fongicide appliqué en plus en montaison (F1N) dans les essais de 2005 à 2014.  Lonzée – Gx-ABT.

 

 

FDF
(appliqué seul)

F1N
(qd FDF)

2014

Essai 1

561

175

 

Essai 2

453

0

 

Essai 3

465

80

 

Essai 4

561

201

moy 2014

 

510

114

2013

Essai 1

573

87

 

Essai 2

1100

80

 

Essai 3

570

242

 

Essai 4

54

71

moy 2013

 

574

120

2012

Essai 1

1050

90

 

Essai 2

1543

530

 

Essai 3

1070

462

moy 2012

 

1221

361

moy 2005-2011

 

518

168

 

Le tableau 8.5 suivant donne les gains moyens apportés par les traitements fongicides en Euros/ha dans les essais « programmes de traitements » menés à Lonzée de 2009 à 2014. 

Tableau 8.5 – Gains (€/ha) apportés à la culture d’orge de printemps par les différents programmes de traitements fongicides - (Lonzée : 2009 à 2014).  En caractère gras le programme le plus économique de l’année (ou en moyenne des années) quand une dose pleine de fongicide montaison coûte 68 €/ha, celle du fongicide dernière feuille 76 €/ha, un passage coûtant 15 € et que le prix de vente est de 220 €/t.

 

Les conclusions sont qu’en moyenne en orge de printemps un traitement fongicide à ½ dose sur la dernière feuille étalée est généralement suffisant.  Quand les maladies sont plus présentes comme en 2012 et 2009 (maladies présentes sur les nouvelles feuilles pendant la montaison) le double traitement à ½ dose d’abord en montaison puis au stade dernière feuille est recommandé.

Pour rappel, ces essais avaient été réalisés avec les variétés les plus sensibles aux maladies.

 

3        Recommandations pratiques

L’orge de printemps cultivée pour la malterie se caractérise par une utilisation optimale des intrants à un niveau faible.  La valorisation de l’orge de printemps en malterie exige des soins à la récolte et une qualité de stockage particuliers (points 3.10 et 3.11).

 

3.1      Choix des parcelles

Les parcelles riches en humus actif (anciennes prairies, restitutions organiques abondantes ...) sont déconseillées pour une production brassicole

 

D’autre part les parcelles trop filtrantes (séchantes et donc comportant des risques plus élevés d’échaudage) ou présentant des défauts de structure ne conviennent pas (les orges y sont plus sensibles que les froments). 

 

La place normale de l’orge de printemps est en 2ème paille après un froment mais l’orge de printemps peut aussi suivre une tête de rotation.  Dans cette situation, les précédents à forts reliquats azotés (pomme de terre, pois, légumes...) ne sont pas indiqués pour un débouché brassicole.  Il convient alors aussi de tenir compte d’éventuelle présence de mouches nuisibles au semis : suivre alors les avis de surveillance donnés pour les froments et utiliser des semences traitées ad hoc si nécessaire.

 

L’orge de printemps peut aussi revenir sur elle-même.  Bien que théoriquement l’orge de printemps s’accommode aussi des « petites terres », il est préférable, pour un débouché brassicole, de lui réserver les bonnes terres à betteraves.  Il ne faut évidemment pas espérer obtenir les meilleurs revenus financiers sur les plus mauvaises terres de la ferme.

 

3.2      Date de semis en orge de printemps

La date idéale de semis se situe autour du 15 mars. 

Semer plus tôt (jamais avant le 10 février) dans de très bonnes conditions de ressuyage et d’ensoleillement devrait théoriquement permettre d’assurer une plus longue période de végétation, un meilleur enracinement et une meilleure résistance à une sécheresse éventuelle.  Le principal avantage avéré des semis de février est d’atteindre le stade 1er nœud avant les premiers vols de pucerons vecteurs de jaunisse nanisante au printemps. 

Par contre, on rate beaucoup plus souvent un semis hâtif qui lève plus lentement et risque plus d'être ravagé par les pigeons et corvidés.  En outre, dans ces semis, les vulpins peuvent être plus envahissants. 

 

Il n’y a aucune raison de se presser avant le 15 mars si les conditions de semis ne sont pas vraiment bonnes.  Par contre si les conditions sont très bonnes dans la seconde quinzaine de février, il ne faut pas hésiter si on ne craint pas les corbeaux.  Plus le semis est tardif, plus la préparation du sol devra être affinée pour favoriser une levée rapide. 

 

Dans toutes les situations, mais surtout si la préparation du sol ou la levée ne semblent pas satisfaisantes, il ne faut pas hésiter à rouler le semis (le plus tôt est le mieux, mais le roulage peut être fait sans aucun problème jusqu’au stade 1er nœud).

 

En mai, on ne mettra de l’orge de printemps que s’il n’y a pas d’autre choix.

 

3.3      Densité de semis

Il faut semer sans jamais dépasser 250 grains au m2.  Les dégâts de pigeons ou de corvidés ne sont pas moindres avec de fortes densités de semis ; par contre les oiseaux font plus difficilement des dégâts quand la parcelle est roulée.

 

3.4      Protection des semences et des jeunes semis

Les semences doivent être désinfectées, en particulier contre le charbon.  Le répulsif contre les oiseaux n’est plus autorisé en orge de printemps.  Pendant la levée, le placement dans la culture de bandelettes colorées de type « travaux routiers » s’est révélé efficace pour effrayer les oiseaux de passage, mais pas les locaux résidents.  Une parcelle roulée est également moins attractive pour les oiseaux.

 

3.5      Insecticide contre les pucerons jusqu’au stade 1er nœud

Les céréales de printemps sont très sensibles aux viroses transmises par les pucerons.  Surtout après un hiver clément pendant lequel les pucerons ont survécu, il faut rester très vigilant jusqu'à la montaison et traiter si nécessaire, selon les avertissements.  Il est rare de devoir traiter les semis réalisés avant le 15 mars.

 

3.6      Fumure azotée

Il n’est pas recommandé d’apporter une fumure au semis pour les semis de février, il faut attendre la levée qui peut prendre plusieurs semaines.  Par contre, on peut mettre la fumure de base au moment des semis effectués à partir de la mi-mars ou après. 

 

Dans les conditions de référence, et si les reliquats azotés moyens en sortie d’hiver sont de l’ordre de 80 kg d’azote sur 1,5 m (ou 60 kgN/ha sur 90 cm) (voir l’article « azote minéral du sol »), la fumure conseillée est de 60 kgN/ha dès le début de la végétation renforcée par 20 à 40 kgN/ha au stade redressement si la culture paraît carencée.  Si le climat est trop sec pendant la levée, il faut mettre la fumure de base le plus vite possible dès les premières pluies pour favoriser l’installation de la culture.  Dans ces conditions, il ne faut pas hésiter à rouler la parcelle si cela n’a pas été fait au semis.

 

Appliquer la fumure en deux applications permet de bien maîtriser la fumure et de l'adapter en fonction du développement de la végétation. 

 

Le calibre des grains diminue avec l'augmentation de la fumure, surtout les années de sécheresse pendant le remplissage des grains.  Dépasser la fumure de référence n’est pas prudent lorsqu’on cultive pour la première fois de l’orge de printemps.  Avec de l’expérience, on pourra éventuellement prendre ce risque en connaissance de cause.

 

Pour plus de détail, lire le point 2.2.2 sur les résultats des expérimentations sur la fumure.

 

3.7      Désherbage : normalement pas de lutte contre le vulpin

Il faut éviter de stresser inutilement l’orge de printemps.  Excepté pour les parcelles que l'on sait envahies par la folle-avoine ou le jouet du vent et qu'il convient de traiter au triallate, il n’est généralement pas nécessaire de traiter les orges de printemps contre les graminées.  Pour lutter contre les graminées (le problème se pose plus souvent pour les semis de février), de nombreux produits agréés en escourgeon ont été testés sans aucun dommage pendant le tallage quand la céréale est bien vigoureuse et non stressée.  Contre les dicotylées, la gamme des produits est très large (consulter la liste dans les pages jaunes).

 

3.8      Stratégie de lutte contre les maladies en orge de printemps

Il arrive régulièrement en orge de printemps qu’aucun traitement fongicide ne soit rentabilisé, contrairement aux orges d’hiver et escourgeons où le traitement au stade dernière feuille doit systématiquement être appliqué.

 

Il convient, au moment de décider l’application d’un traitement fongicide, de tenir compte à la fois de la présence et de la pression des maladies sur les nouvelles feuilles formées, du climat annoncé les jours suivants, et des variétés (on fera plus facilement l’impasse sur les variétés résistantes). 

 

Les 2 dernières feuilles de l’orge sont pratiquement les seules importantes pour le remplissage des grains.  Le rôle du fongicide de dernière feuille est de maintenir ces feuilles en activité le plus longtemps possible.  Le rôle du fongicide de montaison est d’empêcher les maladies présentes sur les nouvelles feuilles développées pendant la montaison d’atteindre les 2 dernières feuilles.  Le problème des mycotoxines n’est pas préoccupant en orge de printemps, à l’inverse des grains fusariés et moisis souvent présents quand les récoltes matures sont retardées par les pluies au mois d’août et qui peuvent provoquer le gushing (désagréable et surprenante sortie explosive de la bière hors de la bouteille lors du décapsulage de celle-ci).

 

Fongicide au stade dernière feuille : il faut traiter systématiquement les variétés classées sensibles aux maladies au stade dernière feuille (même en absence de maladie).  Le choix des produits (idéalement à base de SDHI et/ou strobilurine pour la rémanence) sera fait en fonction de la maladie dominante et des maladies accompagnantes (oïdium par exemple).  Un fongicide à moitié de la dose pleine agréée de matières actives contre les maladies visées semble pouvoir suffire.  Il faut tenir compte que le complexe grillures-ramulariose peut sévir en orge de printemps (notamment en 2009 dans les essais à Lonzée).

 

On peut ne pas traiter systématiquement les variétés très résistantes (Odyssey, Sunshine, Quench …) au stade dernière feuille, si les feuilles formées pendant la montaison sont indemnes de maladie et que le climat annoncé pendant les jours suivants n’est pas favorable aux maladies (un traitement réduit à ½ dose est toutefois conseillé dans ces conditions).  Si la situation devait évoluer défavorablement pendant le début de la phase de remplissage des grains, il sera encore possible d’intervenir contre la maladie envahissante.

 

Si on a dû traiter au stade montaison, il faut absolument retraiter au stade dernière feuille !

 

Fongicide au stade montaison : en montaison, il ne faut jamais traiter préventivement ; la décision de traiter ou non en montaison est à prendre à la parcelle en fonction de la présence des maladies, de leur importance, de la variété, du climat annoncé les jours suivants ….  Le potentiel de développement des maladies matérialisé par la présence d’inoculum sur les vieilles feuilles visibles pendant le tallage n’est pas suffisant pour décider le traitement.  La présence de maladies sur les nouvelles feuilles développées en cours de montaison est seul déterminant : il faut traiter avant que ces maladies n’envahissent ces nouvelles feuilles, ce qui n’arrivera pas si les météorologues annoncent une période sèche prolongée qui devrait en outre accélérer l’apparition du stade dernière feuille.

 

Vu que la rémanence du produit n’est pas importante (il faudra retraiter en dernière feuille), et pour éviter les applications répétées de strobilurines (il faut éviter de favoriser l’apparition de souches résistantes), le conseil est de faire le choix, en montaison, parmi les fongicides à base de triazole efficace sur les maladies présentes. Il semble que la moitié de la dose pleine agréée soit toujours suffisante à ce stade.

 

3.9      Les régulateurs de croissance

En culture d’orge de printemps brassicole, l’emploi d’un régulateur n’est normalement pas nécessaire ; il est d’ailleurs souvent phytotoxique (avec parfois de fortes chutes de rendement). 

Si le traitement est jugé nécessaire, les régulateurs utilisés en escourgeon sont agréés en orge de printemps mais à 2/3 de la dose agréée en escourgeon (voir les pages jaunes).

 

3.10     Récolte des orges de brasserie

L'orge va subir en malterie une mise en germination pendant 3 à 5 jours.  L'orge devra donc avoir un pouvoir germinatif intact et une énergie germinative maximale.

 

La récolte ne peut commencer que lorsque le grain est bien mûr, avec, si possible, une teneur en eau inférieure à 15 %.  Les récoltes sont déclassées d’office si l’humidité est supérieure à 18 %.

 

La moissonneuse doit être réglée pour éviter de casser les grains, plus gros en orge deux rangs qu’en escourgeon.

 

Problème de montée tardive d’épis et de présence de grains verts.  Il arrive certaines années, que de fortes minéralisations tardives provoquent le développement de tardillons.  Ces épis ne peuvent améliorer les rendements, et ils empêchent de moissonner à bonne maturité et correcte humidité de la récolte.  En saison humide, des moisissures peuvent se développer sur les grains mûrs, avec pour conséquences des risques de développement de mycotoxines et de déclassement.  Il est conseillé dans cette situation d’essayer de sauver la récolte en appliquant du glyphosate en « pré-récolte » quand les bons grains sont en phase terminale de maturation, et de moissonner dix jours après.  Les grains verts des tardillons seront pour la plupart éliminés lors de l’opération de calibrage de la récolte.  Cette pratique n’altère en rien la capacité germinative des bons grains, l’expérience démontrant plutôt l’inverse car les silos sont plus faciles à conserver.

 

3.11     Stockage des orges de brasserie

Vu les volumes des lots à livrer en malterie, le négociant stockeur est pratiquement incontournable, mais les exigences de qualité en malterie sont telles que seuls les stockeurs qui ont misé sur cette politique de qualité sont acceptés en tant que fournisseurs des malteries belges.

 

Au point de vue infrastructure, le négociant-stockeur doit au minimum être équipé :

·        de trémies de réception séparées permettant de rentrer des variétés en lots purs ;

·        de silos parfaitement équipés en ventilation permettant d’abaisser la température autour de 20 °C  le jour même de la réception ;

·        de nettoyeur pour pouvoir éliminer dès la réception un maximum de poussières, impuretés et grains moisis incompatibles avec une bonne conservation ;

·        de calibreur permettant d’éliminer les orgettes (grains < 2.2 mm) des récoltes ;

·        d’un séchoir performant à utiliser dans les jours suivants la récolte pour sécher toutes les livraisons moissonnées à plus de 16 % (mesure de l’humidité 24 heures après mise en silo, après stabilisation : en début de moisson, l’humidité réelle des grains est très souvent sous-estimée de 1 à 2 %).

Le négociant doit être aux normes HACCP (obligatoire depuis 1997), et le personnel doit être sensibilisé et motivé à une politique de qualité.

 

Tous les négociants ne sont donc pas également compétents pour pouvoir espérer une bonne valorisation de l’orge de brasserie.

 

Le stockage de l'orge de brasserie est très délicat et bien plus contraignant que celui des autres céréales, y compris des semences, puisque la garantie d’énergie germinative est de 95 % en 3 jours en orge de brasserie, ce qui est beaucoup plus drastique que le pouvoir germinatif exigé des semences.

 

A la récolte, l'orge a une dormance plus ou moins forte selon l'année (climat pendant la maturation du grain), le type d’orge, la variété, ...  Ainsi, les orges de printemps originaires de nos régions septentrionales ne sont généralement maltées qu'à partir de la fin de l'automne, et les orges d'hiver à partir du printemps.  Entre-temps, l'orge de brasserie doit être stockée; les livraisons ne se font jamais à la moisson, ce qui n'est pas le cas de l'escourgeon ou du froment.

Une directive européenne a introduit de nouvelles normes sanitaires qui concernent les teneurs maximales autorisées en mycotoxines : les aflatoxines B1, B2, G1, G2 et l’ochratoxine A.  Ces mycotoxines sont produites par les Pénicillium et Aspergillus se développant lorsque le stockage n’est pas assez soigné.

 

Des normes existent aussi pour les DON, mycotoxines dont l’origine provient des fusarium se développant au champ ; mais dans notre climat tempéré d’Europe Occidentale, les DON ne se retrouvent que rarement et en quantités négligeables sur orge, contrairement aux orges nord-américaines.  Néanmoins les grains moisis et/ou fusariés sont indésirables en malterie et ils doivent être éliminés de la récolte. 

 

Pour parvenir à conserver les pouvoir et énergie germinatifs et la qualité sanitaire pendant ces périodes obligatoires de stockage, le stockeur doit ramener le plus rapidement possible la température du grain dans les silos sous 15°C, mais surtout l'humidité du grain autour de 14 % : d'où la nécessité de récolter quand le grain est sec, et de pouvoir, en années humides, sécher les récoltes sans que les températures ne dépassent 38°C dans le grain.  Au-delà de 16 % d’humidité dans le silo, il n’est pas possible de maintenir une qualité parfaite de la récolte par la ventilation seule ; il faut aussi sécher. 

 

 


[1] Projet APE 2242 (FOREM) et projet CePiCOP (DGA – Ministère de l’Agriculture et de la Ruralité de la RW)