8. Orges brassicoles

 

B. Monfort[1] et B. Bodson[2]

 

1       Aperçu de l’année en orge de brasserie  (2009)

 

Cet article est essentiellement centré sur les orges de brasserie de printemps.  Toutefois l’orge de brasserie d’hiver y est présent pour les informations spécifiques au caractère brassicole : les variétés et la fumure en orge brassicole d’hiver.  Vous trouverez les informations non spécifiques (caractéristiques de l’année, fongicides, régulateurs, et principes généraux de la fumure) dans les chapitres consacrés à l’escourgeon.

 

1.1    La campagne de culture 2009 en orge de brasserie

Tant en orge de brasserie d’hiver que de printemps, les rendements sont sauf exceptions, excellents et couplés avec une très bonne qualité (calibrage très élevé, basses teneurs en protéines).  La pluie n’a pas perturbé les récoltes dont les grains ont été d’une belle couleur dorée.  En orge de printemps, la moyenne record de 1999 est égalée (88 quintaux).

 

1.2    Des prix beaucoup trop bas

Le problème est que les récoltes sont, pour une deuxième année de suite, très bonnes partout dans les grands bassins de production avec pour conséquence qu’au niveau mondial on se retrouve en situation de surproduction.  En outre la crise économique et financière pendant cette même période a entraîné une baisse de consommation, mais aussi, au niveau des entreprises en mal de capital, une réduction importante des stocks (orge et malt chez le malteur, malt et bière chez le brasseur, bière en grande surface et au bistrot du coin). 

 

En bref l’offre dépasse la demande et, en production agricole, cela se traduit toujours par une forte chute de prix de la matière première (qui ne se traduit pas nécessairement par une baisse de prix du produit fini).  Après les années 2006 et 2007 où les prix étaient très élevés pour les raisons inverses (offre inférieure à la demande), les prix 2008 et 2009 sont au niveau exécrable des récoltes 2004 et 2005, et même pire encore. 

 

La situation ne devrait pas être plus favorable pour la récolte 2010 : les silos d’intervention sont pleins, de nombreux acheteurs ont couvert leur approvisionnement jusqu’en fin 2010 avec la récolte 2009, et l’intervention en orge devrait être supprimée. 

Le résultat est que les emblavements en orge d’hiver ont nettement diminué à l’avantage du froment et que, quand une alternative est possible, ceux de printemps sont annoncés encore plus en retrait.

 

Il reste toutefois des terres libres ce printemps et l’agriculteur doit bien faire les calculs entre l’orge et le froment de printemps, sans aucun doute de meilleures solutions comparées au maïs grain (ou ensilage si le débouché existe) ou encore à l’avoine dont le marché est inexistant.  La mesure agri-environnementale spécifique à l’orge de brasserie (orge 2 rangs), de même que des coûts de production relativement faibles, la possibilité d’introduire un engrais vert supplémentaire dans la rotation, l’intérêt des cultures de printemps pour casser les cycles des adventices sont aussi des arguments en faveur de l’orge de printemps.

 

2       Résultats d’expérimentations

 

2.1    Les variétés brassicoles

2.1.1       Les variétés braisscoles d’hiver : Cassate à l’avenir ?

La variété Cervoise, dont la qualité a été jugée trop irrégulière, a perdu son statut de variété brassicole recommandée depuis cet été.  Aussi productive que les meilleurs autres escourgeons, elle ne reste citée dans le tableau 8.1 que comme référence en terme de rendement.

La variété Esterel, largement dépassée en rendement, disparaît des emblavements en France, mais reste la seule variété de référence pour la qualité.

 

La filière française a proposé Azurel et Cartel, mais ces variétés ne progressent pas suite à leurs potentiels de rendement trop faibles.  La variété brassicole 2R Vanessa a été retirée des essais pour la même raison.  Depuis un an, la filière propose Arturio aux caractéristiques agronomiques proches de Cervoise, mais la malterie reproche déjà à Arturio divers défauts de qualité (viscosité élevée, faibles rendements en extraits) ce qui hypothèque déjà son avenir brassicole.  La variété Casanova est maintenant proposée, mais cette variété n’est qu’en début d’observation pour sa valeur culturale et brassicole.  Les variétés Malice et Wintmalt présentées dans le LB de septembre n’ont pas réussi leurs examens de qualité brassicole.

 

La seule alternative sérieuse à Esterel est la variété 2R Cassata, aussi productive que Cervoise dans les essais en 2007 et 2008 et reconnue variété brassicole en Angleterre.  Elle est de nouveau reprise dans les essais en 2010 et est en cours d’observation dans la malterie belge.

Tableau 8.1 – Principaux résultats à Lonzée des variétés alternatives à Esterel (essais EBC).  Rendements en quintaux/ha.

 

2009

2008

2007

2006

2005

Esterel

96

87

93

84

107

Cervoise

107

96

103

96

 

Cartel

94

88

 

 

 

Azurel

 

85

95

 

 

Cassata (2R)

 

97

103

 

 

Arturio

 

 

 

98

109

 

2.1.2       Les variétés brassicoles de printemps

Le tableau 8.2 résume les résultats des variétés brassicole en orge de printemps.  Les rendements (de l’ordre de 90 qx en Sébastian et de 95 qx en Quench) y sont excellents de même que la qualité.  Officiellement Scarlett a disparu des listes de variétés recommandées parce qu’elle n’est plus assez largement cultivée.  Chamonix est citée pour information car suite à ses rendements trop faibles, elle a été remplacée par Henley plus productive dans les essais 2007, 2006 et 2005 dans lesquels cette dernière avait démontré un potentiel de rendement du même ordre de celui de Quench.  Cette variété Quench remplace la variété Tipple en Belgique ; elle est très cultivée en Angleterre et les autres pays européens.  Elle est présente en France bien qu’elle ne soit pas reprise dans leur liste des variétés recommandées.  Les variétés Pewter et Bellini présentes sur cette liste sont reprises également pour information dans le tableau 8.2.

Tableau 8.2 – Principaux résultats en orge de printemps.  Essais EBC à Lonzée – Gx-ABT.

 

Dans la pratique on trouvera essentiellement sur le marché 2010 des semences en Belgique les variétés Henley, Quench et Sébastian.  Pour son choix, l’agriculteur doit prendre contact avec son négociant – stockeur intermédiaire.  Celui-ci, en accord avec un malteur, peut proposer une nouvelle variété non encore testée dans le réseau EBC.  Dans tous les cas, les contacts doivent être pris avec un malteur avant la mise en culture : il ne sert à rien de semer une orge de printemps et se retrouver sans débouché à la récolte.

 

2.2    La protection fongicide en orge de brasserie

La protection fongicide des orges d’hiver a été étudiée dans la partie escourgeon.  En orge de printemps et vu la rapidité de la croissance et du développement, le problème se pose différemment même si les maladies sont communes, y compris le complexe grillures- ramulariose observé pour la première fois en orge de printemps à Lonzée en 2009 et apparu après épiaison, 15 jours plus tard qu’en escourgeon.

 

La période de montaison jusqu’à l’apparition de la dernière feuille, qui souvent ne dure que quelques jours s’est, au printemps 2009, étalée sur près de 3 semaines (temps froid et pluvieux).  On a observé une forte attaque hâtive de rhynchosporiose sur la plupart des variétés (Chamonix, Sébastian, Tipple, Beatrix …. excepté Quench qui confirme sa résistance), et d’oïdium sur Scarlett et Sébastian. 

 

Cela explique sans doute l’apport plus important et inhabituel du fongicide de montaison dans l’essai 2 en 2009 du tableau 8.3.  En se reportant au tableau 8.4, on constate que ces 494 kg ne sont toutefois rentables qu’à partir d’un prix de vente de 120 €/t.  Ces 5 dernières années, le fongicide de montaison n’est pas rentabilisé à Lonzée, ce qui explique que cette modalité de culture n’a pas toujours été présente dans les essais.

Tableau 8.3 – Apports en kg/ha des traitements fongicides sur la dernière feuille (FDF) et fongicide en montaison (F1N) de 2005 à 2009.

 

 

FDF
(appliqué seul)

F1N
(qd FDF)

2009

Essai 1

1347

(*)

 

Essai 2

699

494

2008

Essai 1

707

217

 

Essai 2

1058

205

2007

Essai 1

658

(*)

 

Essai 2

558

(*)

 

Essai 3

612

(*)

2006

Essai 1

69

108

 

Essai 2

495

155

2005

Essai 1

226

158

 

Essai 2

258

47

 

Essai 3

269

1

(*) : pas d’application de fongicide montaison dans cet essai

Tableau 8.4 – Coût d’une application fongicide de 60 €/ha exprimé en kg/ha et selon le prix de vente (PV) de la culture (prix agriculteur).

PV

Fongicide de 60 € =
(en kg/ha)

85

706

100

600

115

522

130

462

145

414

160

375

 

Le fongicide de dernière feuille n’est d’ailleurs pas non plus toujours rentabilisé à Lonzée, par exemple en 2005 et 2006 dans le tableau 8.3.  Cela a justifié l’essai de comparaison de l’utilisation des fongicides à dose normale ou dose réduite du tableau 8.5.

 

Cet essai (OP09-14) a été réalisé sur la variété Sébastian dont la fumure a été maintenue à 80 N à cause d’une forte présence d’oïdium en début montaison.  C’est dans cet essai qu’on a mesuré l’apport inhabituellement élevé de 494 kg/ha du fongicide de montaison du tableau 8.3.  Les rendements sont des moyennes de diverses combinaisons de fongicides. 

Tableau 8.5Rendements (en kg/ha) et rentabilité (en euros) selon le prix de vente (PV) des itinéraires techniques en 2009 sur Sébastian à Lonzée (ES09-14).

F 1N

FDF

RDT

PV (€/t)

 

 

Kg/ha

85

100

125

150

-

-

7565

643

757

946

1135

-

Dose normale

8264

642

766

973

1180

 

Demi- dose

8184

666

788

993

1198

Dose normale

Dose normale

8758

624

756

975

1194

Demi- dose

Dose normale

8742

653

784

1003

1221

Demi- dose

Demi- dose

8582

669

798

1013

1227

 

Dans cet essai de 2009, la meilleure rentabilité est trouvée pour la conduite à double traitement à demi- dose de fongicide.  Au prix de déclassement en orge fourragère de 85 €/t, un seul traitement à demi- dose en dernière feuille présente une rentabilité équivalente. 

 

2.3    Résultats d’expérimentation sur la fumure en orge de brasserie

2.3.1       Fumure en orge de brasserie d’hiver en 2009

La fumure azotée en orge d’hiver brassicole est présentée dans le point 2.2.1 de la partie escourgeon du chapitre de la fumure azotée de ce Livre Blanc.  Pour rappel, la fumure donnant le rendement maximum dans l’essai ES09-07 mené sur Cervoise s’élevait à 189 N/ha et permettait d’atteindre 117 qx/ha, avec une teneur en protéines toujours dans les normes de qualité idéale, avec pour meilleurs fractionnements (tallage-redressement-dernière feuille) : 0-70-120N à 0-105-85N

 

2.3.2       Fumure azotée en orge de brasserie de printemps

2.3.2.1       La fumure azotée en orge de brasserie de printemps en 2009

En orge de printemps, deux essais sur le fractionnement ont été menés en 2009.  Les réponses du rendement à la fumure azotée qui y ont été observéesbsont représentées dans les figures 8.1 et 8.2 avec également leurs réponses respectives des teneurs en protéines.

 

Dans le premier essai mené sur Chamonix, le rendement maximal de 7727 kg/ha était obtenu avec la fumure de 135 N avec des teneurs en protéines se situant entre 11 et 11.5%.  Au prix d’objectif de 150 €/t, mais fictif cette année, la fumure économiquement optimale (ammonitrate 27% à 175 €/t) aurait dû être de 117 N pour un rendement de 7687 kg/ha.  En Chamonix (attaqué par les corbeaux) un meilleur rendement était obtenu en fractionnant la fumure : 60N à la levée suivi de 60N au redressement.

 

Dans le deuxième essai mené sur Quench, le rendement maximal de 9713 kg/ha était obtenu avec la fumure de 187 N, les teneurs en protéines étaient également comprises entre 11 et 11.5 % à ce niveau de fumure.  Toujours au prix d’objectif (fictif en 2009) de 150 €/t, la fumure optimale aurait dû être de 166 N pour un rendement de 9667 kg/ha.  Toute la fumure pouvait être apportée à la levée sans provoquer de verse (évidemment en absence de régulateur) ; le fractionnement entre la levée et le redressement n’affectait pas le rendement.

 

Figure 8.1 et 8.2 – Réponses des rendements et des teneurs en protéines à la fumure azotée en orge de printemps Chamonix et Quench en 2009 à Lonzée.

L’essai fumure OP09-12 était réalisé sur 5 variétés.  La figure 8.3 donne les réponses moyennes des rendements et des teneurs en protéines.  Le rendement maximal moyen est de 8415 kg/ha et est atteint avec une fumure de 134 N/ha.  La fumure optimale moyenne est à 129N donnant un rendement de 8412 kg/ha lorsque le prix de vente d’objectif (mais fictif) est de 150 €/t, l’engrais étant à 175€/t.

 

Dans cet essai où le complexe grillures- ramulariose n’a pas été maîtrisé, Quench n’atteint pas les rendements observés dans les autres essais, tout en y étant la variété la plus productive avec la variété Sébastian.  Le tableau 8.6 donne les fumures caractéristiques de l’essai pour chacune des variétés de l’essai.

Figure8.3 – Réponses moyennes des rendements et teneurs en protéines à la fumure azotée des 5 variétés de l’essai OP09-12.

Tableau 8.6 – Détail des fumures caractéristiques pour chacune des variétés de l’essai OP09-12 à Lonzée (Gx-ABT).

OP09-12

Nmax

Rdt max

Nopt

Rdt opt

Beatrix

142

8131

135

8127

Tipple

138

8372

134

8369

Chamonix

119

7669

116

7667

Quench

122

9119

118

9117

Sebastian

190

9070

181

9065

Moyenne

134

8415

129

8412

 

3       Recommandations pratiques

L’orge de printemps cultivée pour la malterie se caractérise par une utilisation optimale des intrants à un niveau faible et bénéficie de la prime agri-environnementale MAE 5 : cultures extensives de céréales. La valorisation de l’orge de printemps en malterie exige des soins à la récolte et une qualité de stockage particuliers (points 3.10 et 3.11).

 

3.1    Choix des parcelles

Les parcelles riches en humus actif (anciennes prairies, restitutions organiques abondantes ...) sont déconseillées pour une production brassicole

 

D’autre part les parcelles trop filtrantes (séchantes et donc comportant des risques plus élevés d’échaudage) ou présentant des défauts de structure ne conviennent pas (les orges y sont plus sensibles que les froments).  La place normale de l’orge de printemps est en 2ème paille après un froment mais l’orge de printemps peut aussi venir après une tête de rotation.  Dans cette situation, les précédents à forts reliquats azotés (pomme de terre, pois, légumes..) ne sont pas indiqués pour un débouché brassicole.  L’orge de printemps peut revenir sur elle-même.

 

Bien que théoriquement l’orge de printemps s’accommode aussi des « petites terres », il est préférable, pour un débouché brassicole, de lui réserver les bonnes terres à betteraves.  Il ne faut évidemment pas espérer obtenir les meilleurs revenus financiers sur les plus mauvaises terres de la ferme.

 

3.2    Date de semis en orge de printemps

La bonne date moyenne se situe autour du 15 mars. 

 

Semer plus tôt (jamais avant le 10 février) dans de très bonnes conditions de ressuyage et d’ensoleillement devrait théoriquement permettre d’assurer une plus longue période de végétation, un meilleur enracinement et une meilleure résistance à une sécheresse éventuelle.  Le principal avantage avéré des semis de février est d’atteindre le stade 1er nœud avant les premiers vols de pucerons vecteurs de jaunisse nanisante au printemps. 

Par contre, on rate beaucoup plus souvent un semis hâtif qui lève plus lentement et risque plus d'être ravagé par les pigeons et corvidés.  En outre, dans ces semis, les vulpins peuvent être plus envahissants. 

 

Il n’y a aucune raison de se presser avant le 15 mars si les conditions de semis ne sont pas très bonnes.  Par contre si les conditions sont très bonnes dans la seconde quinzaine de février, il ne faut pas hésiter si on ne craint pas les corbeaux.  Plus le semis est tardif, plus la préparation du sol devra être affinée pour favoriser une levée rapide. 

 

Dans toutes les situations, mais surtout si la préparation du sol ou la levée ne semblent pas satisfaisantes, il ne faut pas hésiter à rouler le semis (le plus tôt est le mieux, mais le roulage peut être fait sans aucun problème jusqu’au stade 1er nœud).

 

En mai, on ne mettra de l’orge de printemps que s’il n’y a pas d’autre choix.

 

3.3    Densité de semis

Il faut semer sans jamais dépasser 250 grains au m2.  Les dégâts de pigeons ou de corvidés ne sont pas moindres avec de fortes densités de semis; par contre les oiseaux font plus difficilement des dégâts quand la parcelle est roulée.

 

 

3.4    Protection des semences et des jeunes semis

Les semences doivent être désinfectées, en particulier contre le charbon.  Le répulsif contre les oiseaux n’est plus autorisé en orge de printemps.  Pendant la levée, le placement dans la culture de bandelettes colorées de type « travaux routiers » s’est révélé efficace pour effrayer de passage, mais pas les locaux résidents.  Une parcelle roulée est également moins attractive pour les oiseaux.

 

3.5    Insecticide contre les pucerons jusqu’au stade 1er nœud

Les céréales de printemps sont très sensibles aux viroses transmises par les pucerons.  Surtout après un hiver clément pendant lequel les pucerons ont survécu, il faut rester très vigilant jusqu'à la montaison et traiter si nécessaire, selon les avertissements.  Il est rare de devoir traiter les semis réalisés avant le 15 mars.

 

3.6    Fumure azotée

Il ne faut pas mettre la fumure au semis pour les semis de février, il faut attendre la levée qui peut prendre plusieurs semaines.  Par contre, on peut mettre la fumure de base au moment des semis de la mi-mars ou après. 

 

Dans les conditions de référence et si les reliquats azotés moyens en sortie d’hiver sont de l’ordre de 80 N sur 1,5 m (ou 60N sur 90 cm)(voir l’article « azote minéral du sol »), la fumure conseillée est de 60 N dès le début de la végétation renforcée par 20 à 40 N au stade redressement si la culture paraît carencée.  Si le climat est trop sec pendant la levée, il faut mettre la fumure de base le plus vite possible pour favoriser l’installation de la culture.  Dans ces conditions, il ne faut pas hésiter à rouler la parcelle si cela n’a pas été fait au semis.

 

Appliquer la fumure en deux applications permet de bien maîtriser la fumure et de l'adapter en fonction de la végétation. 

 

Le calibre des grains diminue avec l'augmentation de la fumure, surtout les années de sécheresse pendant le remplissage des grains.  Dépasser la fumure de référence n’est pas prudent lorsqu’on cultive pour la première fois de l’orge de printemps.  Avec de l’expérience, on pourra éventuellement prendre ce risque en connaissance de cause.

 

Pour plus de détail, lire le point 2.3.2 sur les résultats des expérimentations sur la fumure.

 

3.7    Désherbage : normalement pas de lutte contre le vulpin

Pour rappel, il faut éviter tout stress inutile à l’orge de printemps.  Excepté pour les parcelles que l'on sait envahies par la folle-avoine ou le jouet du vent et qu'il convient de traiter avec le triallate, il n’est généralement pas nécessaire de traiter les orges de printemps contre les graminées.  Pour lutter contre les graminées (le problème se pose plus souvent pour les semis de février), de nombreux produits agréés en escourgeon ont été testés sans aucun dommage pendant le tallage quand la céréale est bien vigoureuse et non stressée.  Contre les dicotylées, la gamme des produits est très large (consulter la liste dans les pages jaunes).

 

3.8    Stratégie de lutte contre les maladies en orge de printemps

Excepté en 2009, où vient en outre d’apparaître le complexe grillures-ramulariose, les dernières années n’ont pas été très favorables à l’emploi des fongicides.  Aucun traitement fongicide n’est nécessairement indispensable en orge de printemps, contrairement aux orges d’hiver et escourgeons où le traitement au stade dernière feuille doit systématiquement être appliqué.

 

Il convient, au moment de décider l’application d’un traitement fongicide, de tenir compte à la fois de la présence et de la pression des maladies sur les nouvelles feuilles formées, du climat annoncé les jours suivants, et des variétés (on fera plus facilement l’impasse sur les variétés résistantes).

 

Les 2 dernières feuilles de l’orge sont pratiquement les seules importantes pour le remplissage des grains.  Le rôle du fongicide de dernière feuille est de maintenir ces feuilles en activité le plus longtemps possible.  Le rôle du fongicide de montaison est d’empêcher les maladies présentes sur les nouvelles feuilles développées pendant la montaison d’atteindre les 2 dernières feuilles.  Le problème des mycotoxines n’est pas préoccupant en orge de printemps, à l’inverse des grains fusariés et moisis souvent présents quand les récoltes matures sont retardées par les pluies au mois d’août et qui peuvent provoquer le gushing (désagréable et surprenante sortie explosive de la bière hors de la bouteille lors du décapsulage de celle-ci).

 

Fongicide au stade Dernière feuille : il faut traiter systématiquement les variétés classées sensibles aux maladies au stade dernière feuille (même en absence de maladie).  Le choix des produits (idéalement à base de strobilurine pour la rémanence) sera fait en fonction de la maladie dominante et des maladies accompagnantes (oïdium par exemple).  Le fongicide doit être appliqué à la dose pleine agréée de matières actives contre les maladies visées ; dans les mélanges, chaque m.a. est diminuée mais leur total doit correspondre à une dose pleine de produit agréé.

 

On peut ne pas traiter systématiquement les variétés très résistantes (Pewter, Tipple, Quench …) au stade dernière feuille, si les feuilles formées pendant la montaison sont indemnes de maladie et que le climat annoncé pendant les jours suivants n’est pas favorable aux maladies (un traitement réduit à ½ dose est toutefois conseillé dans ces conditions).  Si la situation devait évoluer défavorablement pendant le début de la phase de remplissage des grains, il sera encore possible d’intervenir contre la maladie envahissante.

 

Si on a dû traiter au stade montaison, il faut absolument retraiter au stade Dernière feuille !

 

Fongicide au stade montaison : en montaison, il ne faut jamais traiter préventivement ; la décision de traiter ou non en montaison est à prendre à la parcelle en fonction de la présence des maladies, de leur importance, de la variété, du climat annoncé les jours suivants ….  Le potentiel de développement des maladies matérialisé par la présence d’inoculum sur les vieilles feuilles visibles pendant le tallage n’est pas suffisant pour décider le traitement.  La présence de maladies sur les nouvelles feuilles développées en cours de montaison est seul déterminant : il faut traiter avant que ces maladies n’envahissent ces nouvelles feuilles, ce qui n’arrivera pas si les météorologues annoncent une période sèche prolongée, qui devrait en outre accélérer l’apparition du stade dernière feuille.

Vu que la rémanence du produit n’est pas importante (il faudra retraiter en dernière feuille), et pour éviter les applications répétées de strobilurines (il faut éviter de favoriser l’apparition de souches résistantes), le conseil est de faire le choix, en montaison, parmi les fongicides à base de triazole efficace sur les maladies présentes.

 

3.9    Les régulateurs de croissance

En culture d’orge de printemps brassicole, l’emploi d’un régulateur n’est normalement pas nécessaire ; il est d’ailleurs souvent phytotoxique (avec parfois de fortes chutes de rendement). 

Si le traitement est jugé nécessaire, les régulateurs utilisés en escourgeon sont agréés en orge de printemps mais à 2/3 de la dose agréée en escourgeon (voir les pages jaunes).

 

3.10   Récolte des orges de brasserie

L'orge va subir en malterie une mise en germination pendant 3 à 5 jours.  L'orge devra donc avoir un pouvoir germinatif intact et une énergie germinative maximale.

La récolte ne peut commencer que lorsque le grain est bien mûr, avec, si possible, une teneur en eau inférieure à 15 %.  Les récoltes sont déclassées d’office si l’humidité est supérieure à 18 %.

La moissonneuse doit être réglée pour éviter de casser les grains, plus gros en orge deux rangs qu’en escourgeon.

 

Problème de montée tardive d’épis et de présence de grains verts.  Il arrive certaines années (comme en 2001 pour les derniers semis d’orge de printemps), que de fortes minéralisations tardives provoquent le développement de tardillons.  Ces épis ne peuvent améliorer les rendements, et ils empêchent de moissonner à bonne maturité et correcte humidité de la récolte.  En saison humide, des moisissures peuvent se développer sur les grains mûrs, avec pour conséquences des risques de développement de mycotoxines et de déclassement.  Il est conseillé dans cette situation d’essayer de sauver la récolte en appliquant du glyphosate en « pré-récolte » quand les bons grains sont en phase terminale de maturation, et de moissonner dix jours après.  Les grains verts des tardillons seront pour la plupart éliminés lors de l’opération de calibrage de la récolte.  Cette pratique n’altère en rien la capacité germinative des bons grains, l’expérience démontrant plutôt l’inverse car les silos sont plus faciles à conserver.

 

3.11   Stockage des orges de brasserie

Vu les volumes des lots à livrer en malterie, le négociant stockeur est pratiquement incontournable, mais les exigences de qualité en malterie sont telles que seuls les stockeurs qui ont misé sur cette politique de qualité sont acceptés en tant que fournisseurs des malteries belges.

 

Au point de vue infrastructure, le négociant-stockeur doit au minimum être équipé :

·        de trémies de réception séparées permettant de rentrer des variétés en lots purs ;

·        de silos parfaitement équipés en ventilation permettant d’abaisser la température autour de 20 °C  le jour même de la réception ;

·        de nettoyeur pour pouvoir éliminer dès la réception un maximum de poussières, impuretés et grains moisis incompatibles avec une bonne conservation ;

·        de calibreur permettant d’éliminer les orgettes (grains < 2.2 mm) des récoltes ;

·        d’un séchoir performant à utiliser dans les jours suivants la récolte pour sécher toutes les livraisons moissonnées à plus de 16 % (mesure de l’humidité 24 heures après mise en silo, après stabilisation : en début de moisson, l’humidité réelle des grains est très souvent sous-estimée de 1 à 2 %).

 

Le négociant doit être aux normes HACCP (obligatoire depuis 1997), et le personnel doit être sensibilisé et motivé à une politique de qualité.

 

Tous les négociants ne sont donc pas également compétents pour pouvoir espérer une bonne valorisation de l’orge de brasserie.

 

Le stockage de l'orge de brasserie est très délicat et bien plus contraignant que celui des autres céréales, y compris des semences, puisque la garantie d’énergie germinative est de 95 % en 3 jours en orge de brasserie, ce qui est beaucoup plus drastique que le pouvoir germinatif exigé des semences.

 

A la récolte, l'orge a une dormance plus ou moins forte selon l'année (climat pendant la maturation du grain), le type d’orge, la variété, ...  Ainsi, les orges de printemps originaires de nos régions septentrionales ne sont généralement maltées qu'à partir de la fin de l'automne, et les orges d'hiver à partir du printemps.  Entre-temps, l'orge de brasserie doit être stockée; les livraisons ne se font jamais à la moisson, ce qui n'est pas le cas de l'escourgeon ou du froment.

 

Une directive européenne a introduit de nouvelles normes sanitaires qui concernent les teneurs maximales autorisées en mycotoxines : les aflatoxines B1, B2, G1, G2 et l’ochratoxine A.  Ces mycotoxines sont produites par les Pénicillium et Aspergillus se développant en cours de stockage pas assez soigné.

 

Des normes existent aussi pour les DON, mycotoxines dont l’origine provient des fusarium se développant au champ ; mais dans notre climat tempéré d’Europe Occidentale, les DON ne se retrouvent que rarement et en quantités négligeables sur orge, contrairement aux orges nord américaines.  Néanmoins les grains moisis et/ou fusariés sont indésirables en malterie et ils doivent être éliminés de la récolte. 

 

Pour parvenir à conserver les pouvoir et énergie germinatifs et la qualité sanitaire pendant ces périodes obligatoires de stockage, le stockeur doit ramener le plus rapidement possible la température du grain dans les silos sous 15°C, mais surtout l'humidité du grain autour de 14 %: d'où la nécessité de récolter quand le grain est sec, et de pouvoir, en années humides, sécher les récoltes sans que les températures ne dépassent 38°C dans le grain.  Au-delà de 16 % d’humidité dans le silo, il n’est pas possible de maintenir une qualité parfaite de la récolte par la ventilation seule ; il faut aussi sécher. 

 

 

[1] Projet APE 2242 (FOREM) et projet CePiCOP (DGA – Ministère de l’Agriculture et de la Ruralité de la RW)

[2] Gembloux Agro-Bio Tech – Unité de Phytotechnie des Régions Tempérées