Orges brassicoles

 

B. Monfort[1],2, A. Falisse[2]

1      Aperçu de l’année.  

2      Résultats d’expérimentations.

2.1       Résultats d’expérimentation sur les variétés brassicoles.

·        2.1.1 les variétés d'orge d'hiver brassicoles................................................................... 4

·        2.1.2 les variétés d'orge de printemps brassicoles.......................................................... 4

2.2       Résultats d’expérimentation sur les densités de semis, les fongicides et les régulateurs en orge de printemps 

2.3       Résultats d’expérimentation sur la fumure en orge de brasserie.

 

3      Recommandations pratiques en orge de printemps.

 

choix des parcelles, dates de semis, densités de semis, protection des semences et des jeunes semis, insecticide contre les pucerons, fumure azotée, désherbage, lutte contre les maladies, régulateurs de croissance, récolte, stockage.

 

1       Aperçu de l’année en orge de brasserie

Cet article est essentiellement centré sur les orges de brasserie de printemps. Toutefois l’orge de brasserie d’hiver y est présent pour les informations spécifiques au caractère brassicole : les variétés et la fumure en orge brassicole d’hiver.  Vous trouverez les informations non spécifiques (caractéristiques de l’année, fongicides, régulateurs, et principes généraux de la fumure) dans les chapitres consacrés à l’escourgeon.

 

1.1    La campagne  de culture 2008 en orge de printemps

Un petite fenêtre de quelques jours autour du 20 février a permis de démarrer les semis en orge de printemps dans les terres à bon ressuyage.  Puis le retour des pluies a reporté la suite des semis à la mi- avril, ce qui était relativement tard mais toujours dans les dates normales.

 

Les reliquats azotés en sortie d’hiver étaient pour rappel plus élevés de 20 N en moyenne : il convenait donc d’être prudent avec la fumure azotée, particulièrement à Lonzée où le précédent était un froment ayant reçu un important apport organique (il ne fallait pas y dépasser une fumure de 50-60 N alors que habituellement des fumures de 90 à 100N sont généralement optimales sur le site).

 

Les pucerons étant absents des parcelles durant le tallage, y compris dans les semis plus tardifs le traitement insecticide n’était donc pas justifié.  De même les maladies ont été très souvent peu présentes jusqu’au stade du traitement systématique sur la dernière feuille.  Dans certaines parcelles, on a observé une forte attaque de rhynchosporiose autour de ce stade dernière feuille pour les semis de février mais en cours de montaison dans certains semis d’avril où la décision d’une double intervention fongicide se justifiait.

 

Excepté une partie du Hainaut où il n’y a jamais eu de période suffisamment sèche, la plupart des récoltes ont pu être réalisées en bonnes conditions en début août.  Pour les variétés tardives des semis d’avril, par contre, le climat froid et humide du mois d’août n’a pas permis de récolter avant la fin du mois.  Comme en froment, la majorité des récoltes ont dû être séchées.

 

La qualité était très bonne cette année en moyenne : grains de belle couleur, de bons calibres et des teneurs en protéines dans les normes (moyennes pour les agriculteurs de 11,2 % en orge d’hiver, 10,9 % en orge de printemps, selon les analyses réalisées en pré- récolte).  On a noté toutefois en orge de printemps, la présence de quelques grains développant des moisissures durant les tests de germination.

 

1.2    Le retour des prix beaucoup trop bas

Finalement, les rendements en orge de printemps sont meilleurs qu’en 2007, tout en restant moyens.  La mauvaise surprise vient plutôt du marché pour les agriculteurs qui n’étaient pas sous contrat.  Une belle unanimité s’accordait pour proclamer que le grand marasme des prix des campagnes 2004 et 2005 était à oublier.  Le retour de prix aussi peu motivants a pour le moins été rapide, malgré l’absence de stocks, les cultures énergétiques, la demande alimentaire croissante, la faim dans le monde … C’est d’autant plus démotivant que les coûts de production ont augmenté, de même que les frais liés au stockage qui, en plus, sont souvent plus importants qu’en culture fourragère.  Pour diminuer l’insécurité liée à la volatilité des prix, certains re-proposent de lier les prix brassicoles au prix du fourrager amélioré d’une prime fixe.  La mesure agri-environnementale spécifique à l’orge de brasserie (orge 2 rangs), de même que des coûts de production relativement faibles, la possibilité d’introduire un engrais vert supplémentaire dans la rotation, l’intérêt des cultures de printemps pour casser les cycles des adventices sont aussi des arguments en faveur de l’orge de printemps.

 

2       Résultats d’expérimentations

2.1    Les variétés brassicoles

2.1.1       Les variétés brassicoles d’hiver : Cervoise en chute de reconnaissance

Voici deux ans que se développe la variété Cervoise dont tous les tests préliminaires promettaient un bel avenir dans le débouché de la malterie brasserie.  Cervoise est maintenant la 1ère variété cultivée en France et était la seule alternative actuelle à Esterel en Belgique. Mais, avec des prix à peine différents des escourgeons, l’industrie ne montre pas assez d’intérêt que pour continuer à conduire la culture de Cervoise pour la brasserie.  Les défauts reprochés à la variété seraient une trop grande dormance, et des problèmes de filtration du moût en brasserie.

Cervoise reste un bon escourgeon pouvant être très productif, mais un peu sensible aux maladies.  Pour la récolte, il est toutefois conseillé de prévoir de la réceptionner en variété pure au cas où le marché montrait un changement de l’intérêt financier dans les prochains mois.  Le tableau 1 présente les alternatives à Esterel et Cervoise

 

Tableau 1 : Principaux résultats à Lonzée des alternatives à Esterel (essais EBC). Rendements en quintaux (teneurs en protéines en %)

 

2008

2007

2006

2005

Esterel

87   (11.9 %)

93   (9.8 %)

84   (12.1 %)

107   (11.0 %)

Cervoise

96   (11.2 %)

103  (10.8 %)

96   (12.2 %)

 

Azurel

85   (12.7 %)

95  (11.7 %)

 

 

Cartel

88   (12.0 %)

 

 

 

Arturio

 

 

98   (12.1 %)

109  (11.4 %)

 

La filière propose la culture des variétés Azurel et Cartel, mais les essais ont révélé leur potentiel de rendement beaucoup trop faible et leur tendance excessive à faire trop de protéine que pour avoir de l’intérêt en absence de plus fortes plus-values financières.  Cartel présentait par rapport à Azurel de meilleures résistances aux maladies et à la verse. 

La filière propose aussi Arturio qui avait été testée dans le réseau EBC en 2005 et 2006.  Cette variété présente des caractéristiques agronomiques proches de Cervoise : bon potentiel, aussi sensible aux maladies et un peu plus à la verse, faible propension à faire de la protéine.  Les micro- maltages de l’époque montraient comme défaut un faible rendement en extraits et une viscosité élevée.  L’avenir dira si l’intérêt des malteries pour Arturio (non présente actuellement sur le marché belge) se concrétise par une plus value financière attractive pour l’agriculteur.  Arturio, Azurel, Cartel ont des calibrages proches de Cervoise, nettement supérieurs à Esterel.

 

2.1.2       Les variétés brassicoles de printemps

Le tableau suivant résume les résultats des variétés présentés dans le Livre Blanc de septembre passé.  Les teneurs en protéines, parfois trop élevées, sont, malgré une fumure réduite, la conséquence d’une parcelle à statut organique trop élevé pour le débouché.  Concernant le pouvoir germinatif, aucune variété n’a montré de déficience.  Pour rappel, les résultats 2008 proviennent de l’essai EBC semé tardivement en fin avril.

Tableau 2 : Principaux résultats en orge de printemps.  Essais EBC à Lonzée – FUSAGx.

 

Dans la pratique on trouvera essentiellement les variétés Chamonix et Sébastian en 2009, et peut être aussi Quench, variété promise vraisemblablement au meilleur avenir brassicole et dans le trio de tête européen des variétés multipliées.

 

Les variétés reconnues brassicoles ne sont pas nécessairement assurée d’un débouché facile en malterie.  Pour le choix de la variété à semer ce printemps, l’agriculteur doit prendre contact avec son négociant – stockeur intermédiaire.  Celui-ci, en accord avec un malteur, peut proposer une nouvelle variété non encore testée dans le réseau EBC. Dans tous les cas, les contacts doivent être pris avec un malteur avant la mise en culture : il ne sert à rien de semer une orge de printemps et se retrouver sans débouché à la récolte.

 

2.2    Résultats d’expérimentation

2.2.1       Densité de semis

La MAE réduction d’intrants, adaptée à l’orge de printemps brassicole, n’impose plus de contraintes de densités de semis ; ce qui ne diminue pas l’intérêt des faibles densités de semis réalisés en conditions climatiques normales. 

Tableau 3 – Densités au semis et rendements (kg/ha) (moyennes) – semoir Nodet.

Densité (grains/m2)

175

200

250

Rendements (moy.) en 2000

5722

5510

5496

Rendements (moy.) en 2001

4999

5224

5539

Rendements (moy) en 2002

7562

7669

7844

Rendements (moy) en 2003

7605

7486

7403

Rendements (moy) en 2004

7448

7120

7459

Rendements (moy) en 2005

7739

8016

7968

Rendements (moy) en 2006

7478

7642

7559

Rendements (moy) en 2007

6371

6320

6533

moyennes

6866

6873

6975

Source: Lonzée F.U.S.A.Gx,  

OP00-32, OP01-22, OP02-12, OP03-20, OP04-12, OP05-21, OP06-21, OP07-22

 

La dose normale et à ne pas dépasser est de 250 grains au m2. Avec un bon semoir et de bonnes conditions de semis, il ne faut pas hésiter à rester en dessous de 200 grains au m2.  Si la préparation du sol se révèle trop motteuse et/ou la levée semble pénalisée par un climat trop sec, il ne faut pas hésiter à rouler la parcelle le plus vite possible par temps sec.

 

2.2.2       La protection fongicide, et le régulateur

L’orge de printemps a subi à Lonzée une très forte attaque de rhynchosporiose dès la montaison. 

Tableau 4 : Réponses variétales aux maladies et traitements fongicides en 2008 à Lonzée.

Celle-ci ne s’est pourtant pas révélée très dommageable pour les rendements. Le tableau 4 compare les variétés en tenant compte de l'intensité de la protection fongicide appliquée à la culture.  Les  rendements sont donnés en Kg/ha et en pourcent de la moyenne non traitée.  Les traitements fongicides de l’essai coûtent chacun de l’ordre de 50 €/ha ; le tableau transforme en % (1 % = 60 kg/ha) le coût d’un traitement fongicide selon la valeur de la récolte.

 

Deux variétés, Quench et Pewter, sont apparues très résistantes à la rhynchosporiose, mais cette qualité ne s’est pas traduite en avantage au niveau les rendements.  La montaison étant très rapide, le deuxième traitement sur la dernière feuille fut appliqué 8 jours plus tard.  Le fongicide de montaison, qui n’a apporté en moyenne que 2 quintaux, a été très bénéfique pour Béatrix et Scarlett (+10 et +7 % de rendement), et bien rentabilisé (+5 et +6 %) pour Chamonix et Prestige. L’absence de maladie préoccupante sur Quench et surtout Pewter justifiait de ne pas traiter en montaison.  Avec les autres variétés, au vu de la présence de la rhynchosporiose, on ne pouvait décemment pas prendre le risque de ne pas traiter en montaison à Lonzée, bien que Sébastian et Tipple n’ont pas valorisé ce double traitement. 

 

L’essai résumé dans le tableau 5 apporte quelques renseignements concordants et complémentaires.

 

Tableau 5 : intensification moyenne sur 5 variétés à Lonzée en 2008 (essai OP08-21)

 

Apport en kg/ha

Apport fongicide « Dernière feuille » appliqué seul

707

Apport complémentaire du fongicide de montaison

217

Apport du fongicide montaison appliqué seul

371

Apport du fongicide dernière feuille à 60 N

477

Apport du fongicide dernière feuille à 100 N

784

Apport du fongicide montaison à 60 N

183

Apport du fongicide montaison à 100 N

405

Apport moyen d’un régulateur

178

 

Cet essai confirme en effet que le fongicide montaison n’a guère amélioré les rendements malgré la forte attaque de rhynchosporiose, freinée sans doute par les conditions climatiques.  L’intérêt des fongicides s’accentue avec l’intensité de la fumure azotée.  L’application d’un fongicide montaison à un stade proche du stade « dernière feuille » (8 jours en 2008) ne permet pas de se passer de ce deuxième traitement (manque de protection sur les dernières feuilles et manque de rémanence).

 

Le régulateur appliqué sur la dernière feuille n’a pas eu d’effet négatif, contrairement à 2007 où une chute de rendement liée au régulateur avait été de 12 quintaux

 

2.3    Résultats d’expérimentation sur la fumure en orge de brasserie

2.3.1       Fumure en orge de brasserie d’hiver en 2008

La figure 1 confirme le tassement des rendements en 2008 à Lonzée.  L’augmentation de 1.5 % des teneurs en protéines est en grande partie liée à la parcelle (trop de restitutions organiques), et rappelle qu’il faut rester prudent avec la fumure azotée et le choix de la parcelle.  En 2008, la fumure azotée ne devait pas dépasser le total de 100N, alors que cette fumure pouvait monter à 150N tout en restant dans les normes de protéines en 2007. Cette fumure de 100 N en 2008 correspond à la fumure conseillée en tenant compte des reliquats azotés en sortie d’hiver (+30N par rapport à la normale où la fumure conseillée sur le site est de 120 N). Cervoise est toutefois la variété présentant le moins de risque de déclassement pour cette norme.

 

Figure 1 : Réponses des rendements et des protéines (variété Cervoise) à la fumure croissante en 2007 & 2008.

 

2.3.2       Fumure azotée en orge de brasserie de printemps

2.3.2.1       La fumure azotée en orge de brasserie de printemps en 2008.

Le site d’expérimentation 2008 en orge de printemps comportait des zones de fertilité très variables avec pour une même variété des essais où les rendements à zéro d’azote variaient de 36 à 54 qx ; les rendements à 120 N variant de 55 à 79 quintaux.  La fumure à ne pas dépasser pour rester dans les normes de protéines va de 30 à 120 N selon les essais (tableau 6). 

 

Les essais étaient repartis en tenant compte du passé des restitutions organiques, mais ces zones n’étant pas elles même très homogènes, les coefficients de variation des essais sont donc souvent élevés et les interprétations doivent être prudentes.

 

Tableau 6 : variabilité des résultats en 2008

Var Tipple

Rdt à 0 N

Rdt à 120 N

11.5 % (1)

CV (2)

OP08-22

54 qx

79 qx

120 N = 79 qx

3.04

OP08-24

36 qx

55 qx

90 N = 51 qx

8.29

OP08-25

53 qx

65 qx

30 N = 57 qx

7.07

(1)   : fumure à ne pas dépenser pour rester sous la norme de 11.5 % de protéines

(2)    : coefficient de variation : plus il est bas, plus l’essai est régulier

 

La zone de l’essai 25 a reçu d’importantes restitutions organiques sous forme de retournement de jachère et de fumier : il est évident que ce type de parcelle ne convient pas pour un débouché brassicole.  La zone peu fertile de l’essai 24 est compatible avec le débouché mais on ne peut contrebalancer suffisamment ce manque de fertilité par la fumure azotée sans risquer de dépasser rapidement les normes.  Par contre la zone de bonne fertilité de l’essai 22 est bien adaptée au débouché et la fumure azotée permet d’y atteindre des rendements honorables sans trop de précaution pour les variétés peu sensibles telles que Tipple, Béatrix.  Avec les variétés faisant plus facilement de la protéine telles que Chamonix et Sebastian, qu’on retrouve dans l’essai jointif OP23, la fumure par contre ne devait pas dépasser 80 N, à une vingtaine d’unités en deçà de la fumure permettant d’obtenir les meilleurs rendements.

 

figure 2 : Evolution des rendements et des protéines avec la fumure azotée croissante en 2008

 

La variété Pewter, faisant encore plus facilement de la protéine, ne devait pas dépasser 60 N donnant 72 qx, à 4 quintaux de ses rendements maximum. 

 

Pour rappel en 2008, les essais ont été installés tardivement le 21 avril.  Dans ces conditions où l’orge a peu de temps pour réaliser le tallage et la montaison, il faut éviter tout stress azoté et la fumure de base doit être appliquée dès le début du tallage.  Le report de cette fumure dans l’essai 23, du 8 mai (présence des 1er talles) au 20 mai (plein tallage, le redressement étant présent le 28 mai) a pénalisé les rendements de plus de 3 quintaux.

 

2.3.2.2       La fumure azotée moyenne en orge de printemps de 2003 à 2008

La figure 3 représente la réponse moyenne des rendements et des protéines à la fumure azotée à Lonzée (Gembloux) de 2003 à 2008.  Le site expérimental se trouve en Hesbaye froide et reçoit des restitutions organiques jugées faibles à normales. Le reliquat moyen du site en sortie d’hiver est de l’ordre de 80 N sur 1,5m (60 N sur 90 cm).

 

Le rendement maximal de 7746 kg/ha y est atteint avec la fumure de 114 N.  La fumure économiquement optimale (pour un prix de vente de 150 €/t et un prix de l’azote 27% à 250 €/t) est de 98 N donnant un rendement de 7694 kg. 

A cette fumure de 100 N, la teneur en protéines observée en moyenne sur le site expérimental a été de 11.5 %, limite supérieure à ne pas dépasser pour être idéalement dans les normes de réception.  La teneur en protéines moyenne à 0 N a été de 9.6 % (valeurs extrêmes : 8.0 et 10.7 %).  La teneur correspondante pour la fumure de 120 N a été de 12.0 % (valeurs extrêmes : 10.5 et 13.2 %).

 

En moyenne, les teneurs en protéines ont augmenté linéairement de 0.5 % avec une augmentation de 25 unités d’azote.  Cette donnée est essentielle pour l’ajustement de la fumure !

 

Figure 3 : Moyennes des rendements en fonction de la fumure azoté de 2003 à 2007

 

Pour ajuster la fumure azotée, il est conseillé de tenir compte des reliquats variables d’une année à l’autre (voir article fumure azotée), de la fertilité de ses parcelles et de l’importance des restitutions organiques (voir le § choix des parcelles), et enfin des variétés faisant systématiquement plus ou moins de protéines (voir tableau 2), …  Le facteur annuel est important également, raison pour laquelle il n’est pas conseillé d’apporter toute la fumure au départ de végétation pour garder une marge d’adaptation.

 

3       Recommandations pratiques

L’orge de printemps cultivée pour la malterie se caractérise par une utilisation optimale des intrants à un niveau faible et compatible avec la possibilité, sans prendre de risque excessif, d’avoir accès aux primes agri-environnementales (voir points 2.2 & 2.3).  La valorisation de l’orge de printemps en malterie exige des soins à la récolte et une qualité de stockage particuliers (points 3.10 et 3.11). 

 

3.1    Choix des parcelles

Les parcelles riches en humus actif (anciennes prairies, restitutions organiques abondantes ...) sont déconseillées pour une production brassicole

 

D’autre part les parcelles trop filtrantes (séchantes et donc comportant des risques plus élevés d’échaudage) ou présentant des défauts de structure ne conviennent pas (les orges y sont plus sensibles que les froments).  La place normale de l’orge de printemps est en 2ème paille après un froment mais l’orge de printemps peut aussi venir après une tête de rotation.  Dans cette situation, les précédents à forts reliquats azotés (pomme de terre, pois, légumes..) ne sont pas indiqués pour un débouché brassicole.  L’orge de printemps peut revenir sur elle-même.

 

Bien que théoriquement l’orge de printemps s’accommode aussi des « petites terres », il est préférable, pour un débouché brassicole, de lui réserver les bonnes terres à betteraves.  Il ne faut évidemment pas espérer obtenir les meilleurs revenus financiers sur les plus mauvaises terres de la ferme.

 

3.2    Date de semis en orge de printemps

La bonne date moyenne se situe autour du 15 mars.  

 

Semer plus tôt (jamais avant le 10 février) dans de très bonnes conditions de ressuyage et d’ensoleillement devrait théoriquement permettre d’assurer une plus longue période de végétation, un meilleur enracinement et une meilleure résistance à une sécheresse éventuelle.  Le principal avantage avéré des semis de février est d’atteindre le stade 1er nœud avant les premiers vols de pucerons vecteurs de jaunisse nanisante au printemps. 

Par contre, on rate beaucoup plus souvent un semis hâtif qui lève plus lentement et risque plus d'être ravagé par les pigeons et corvidés.  En outre, dans ces semis, les vulpins peuvent être plus envahissants.

 

Ces dernières années, un semis hâtif a finalement rarement été avantageux, et il n’y a aucune raison de se presser avant le 15 mars si les conditions de semis ne sont pas très bonnes.  Par contre, plus le semis est tardif, plus la préparation du sol devra être affinée pour favoriser une levée rapide. 

 

Dans toutes les situations, mais surtout si la préparation du sol ou la levée ne semblent pas satisfaisantes, il ne faut pas hésiter à rouler le semis (le plus tôt est le mieux, mais le roulage peut être fait sans aucun problème jusqu’au stade 1er noeud).

 

En mai, on ne mettra de l’orge de printemps que s’il n’y a pas d’autre choix.

 

3.3    Densité de semis

Il faut semer sans jamais dépasser 250 grains au m2  (lire ci-dessus le point 2.2 décrivant l’expérimentation sur les densités).  Les dégâts de pigeons ou de corvidés ne sont pas moindres avec de fortes densités de semis; par contre les oiseaux font plus difficilement des dégâts quand la parcelle est roulée.

 

3.4    Protection des semences et des jeunes semis

Les semences doivent être désinfectées, en particulier contre le charbon.  Le répulsif contre les oiseaux n’est plus autorisé en orge de printemps.  Pendant la levée, le placement dans la culture de bandelettes colorées de type « travaux routiers » s’est révélé efficace pour effrayer les pigeons mais pas les corbeaux.  Une parcelle roulée est également moins attractive pour les oiseaux.

 

3.5    Insecticide contre les pucerons jusqu’au stade 1er nœud

Les céréales de printemps sont très sensibles aux viroses transmises par les pucerons.  Surtout après un hiver clément pendant lequel les pucerons ont survécu, il faut rester très vigilant jusqu'à la montaison et traiter si nécessaire, selon les avertissements.  Il est rare de devoir traiter les semis réalisés avant le 15 mars.

 

3.6    Fumure azotée

Il ne faut pas mettre la fumure au semis pour les semis de février, il faut attendre la levée qui peut prendre plusieurs semaines.  Par contre, on peut mettre la fumure de base au moment des semis de la mi-mars ou après. 

 

Dans les conditions de référence et si les reliquats azotés moyens en sortie d’hiver sont de l’ordre de 80 N sur 1,5 m (ou 60N sur 90 cm)(voir l’article « azote minéral du sol »), la fumure conseillée est de 60 N dès le début de la végétation renforcée par 20 à 40 N au stade redressement si la culture paraît carencée.  Si le climat est trop sec pendant la levée, il faut mettre la fumure de base le plus vite possible pour favoriser l’installation de la culture.  Dans ces conditions, il ne faut pas hésiter à rouler la parcelle si cela n’a pas été fait au semis.

 

Appliquer la fumure en deux applications permet de bien maîtriser la fumure et de l'adapter en fonction de la végétation. 

 

Le calibre des grains diminue avec l'augmentation de la fumure, surtout les années de sécheresse pendant le remplissage des grains. Dépasser la fumure de référence n’est pas prudent lorsqu’on cultive pour la première fois de l’orge de printemps.  Avec de l’expérience, on pourra éventuellement prendre ce risque en connaissance de cause.

 

Pour plus de détail, lire le point 2.3.2 sur les résultats des expérimentations sur la fumure.

 

3.7    Désherbage : normalement pas de lutte contre le vulpin

Pour rappel, il faut éviter tout stress inutile à l’orge de printemps.  Excepté pour les parcelles que l'on sait envahies par la folle-avoine ou le jouet du vent et qu'il convient de traiter avec le triallate, il n’est généralement pas nécessaire de traiter les orges de printemps contre les graminées. Pour lutter contre les graminées (le problème se pose plus souvent pour les semis de février), de nombreux produits agréés en escourgeon ont été testés sans aucun dommage pendant le tallage quand la céréale est bien vigoureuse et non stressée.  Contre les dicotylées, la gamme des produits est très large (consulter la liste dans les pages jaunes).

 

3.8    Stratégie de lutte contre les maladies en orge de printemps.

2002 est la dernière année où on a subi une forte attaque des maladies : la rhynchosporiose y avait été difficilement contrôlée.  Excepté sur quelques variétés sensibles aux maladies telle que Scarlett, à Lonzée, les dernières années n’ont pas été très favorables à l’emploi des fongicides.  Aucun traitement fongicide n’est nécessairement indispensable en orge de printemps, contrairement aux orges d’hiver et escourgeons où le traitement au stade dernière feuille doit systématiquement être appliqué.

 

Il convient, au moment de décider l’application d’un traitement fongicide, de tenir compte à la fois de la présence et de la pression des maladies sur les nouvelles feuilles formées, du climat annoncé les jours suivants, et des variétés (on fera plus facilement l’impasse sur les variétés résistantes).

 

Les 2 dernières feuilles de l’orge sont pratiquement les seules importantes pour le remplissage des grains.  Le rôle du fongicide de dernière feuille est de maintenir ces feuilles en activité le plus longtemps possible. Le rôle du fongicide de montaison est d’empêcher les maladies présentes sur les nouvelles feuilles développées pendant la montaison d’atteindre les 2 dernières feuilles.  Le problème des mycotoxines n’est pas préoccupant en orge de printemps, à l’inverse des grains fusariés et moisis souvent présents quand les récoltes matures sont retardées par les pluies au mois d’août et qui peuvent provoquer le gushing.

 

Fongicide au stade Dernière feuille : il faut traiter systématiquement les variétés classées sensibles aux maladies  au stade dernière feuille (même en absence de maladie).  Le choix des produits (idéalement à base de strobilurine pour la rémanence) sera fait en fonction de la maladie dominante et des maladies accompagnantes (oïdium par exemple).  Le fongicide doit être appliqué à la dose pleine agréée de matières actives contre les maladies visées ; dans les mélanges, chaque m.a. est diminuée mais leur total doit correspondre à une dose pleine de produit agréé.

 

On peut ne pas traiter systématiquement les variétés très résistantes  (Pewter, Tipple, Quench, Shakira ..) au stade dernière feuille, si les feuilles formées pendant la montaison sont indemnes de maladie et que le climat annoncé pendant les jours suivants n’est pas favorable aux maladies (un traitement réduit à ½ dose est toutefois conseillé dans ces conditions).  Si la situation devait évoluer défavorablement pendant le début de la phase de remplissage des grains, il sera encore possible d’intervenir contre la maladie envahissante.

 

Si on a dû traiter au stade montaison, il faut absolument retraiter au stade Dernière feuille !

 

Fongicide au stade montaison : en montaison, il ne faut jamais traiter préventivement ; la décision de traiter ou non en montaison est à prendre à la parcelle en fonction de la présence des maladies, de leur importance, de la variété, du climat annoncé les jours suivants …  . Le potentiel de développement des maladies matérialisé par la présence d’inoculum sur les vieilles feuilles visibles pendant le tallage n’est pas suffisant pour décider le traitement.  La présence de maladies sur les nouvelles feuilles développées en cours de montaison est seul déterminant : il faut traiter avant que ces maladies n’envahissent ces nouvelles feuilles, ce qui n’arrivera pas si les météorologues annoncent une période sèche prolongée, qui devrait en outre accélérer l’apparition du stade dernière feuille.

Vu que la rémanence du produit n’est pas importante (il faudra retraiter en dernière feuille), et pour éviter les applications répétées de strobilurines (il faut éviter de favoriser l’apparition de souches résistantes), le conseil est de faire le choix, en montaison, parmi les fongicides à base de triazole efficace sur les maladies présentes.

 

3.9    Les régulateurs de croissance

En culture d’orge de printemps brassicole, l’emploi d’un régulateur n’est normalement pas nécessaire.  Le régulateur est aussi interdit si l’on s’est engagé dans le cadre de la mesure agri-environnementale « réduction des intrants en céréales ». 

Si le traitement est jugé nécessaire, les régulateurs utilisés en escourgeon sont agréés en orge de printemps (2/3 de la dose agréée en escourgeon, voir les pages jaunes).

 

3.10   Récolte des orges de brasserie

L'orge va subir en malterie une mise en germination pendant 3 à 5 jours.  L'orge devra donc avoir un pouvoir germinatif intact et une énergie germinative maximale.

La récolte ne peut commencer que lorsque le grain est bien mûr, avec, si possible, une teneur en eau inférieure à 15 %.  Les récoltes sont déclassées d’office si l’humidité est supérieure à 18 %.

La moissonneuse doit être réglée pour éviter de casser les grains, plus gros en orge deux rangs qu’en escourgeon.

 

Problème de montée tardive d’épis et de présence de grains verts.  Il arrive certaines années (comme en 2001 pour les derniers semis d’orge de printemps), que de fortes minéralisations tardives provoquent le développement de tardillons.  Ces épis ne peuvent améliorer les rendements, et ils empêchent de moissonner à bonne maturité et correcte humidité de la récolte.  En saison humide, des moisissures peuvent se développer sur les grains mûrs, avec pour conséquences des risques de développement de mycotoxines et de déclassement.  Il est conseillé dans cette situation d’essayer de sauver la récolte en appliquant du glyphosate en « pré-récolte » quand les bons grains sont en phase terminale de maturation, et de moissonner dix jours après.  Les grains verts des tardillons seront pour la plupart éliminés lors de l’opération de calibrage de la récolte.  Cette pratique n’altère en rien la capacité germinative des bons grains, l’expérience démontrant plutôt l’inverse car les silos sont plus faciles à conserver.

 

3.11    Stockage des orges de brasserie

Vu les volumes des lots à livrer en malterie, le négociant stockeur est pratiquement incontournable, mais les exigences de qualité en malterie sont telles que seuls les stockeurs qui ont misé sur cette politique de qualité sont acceptés en tant que fournisseurs des malteries belges.

Au point de vue infrastructure, le négociant-stockeur doit au minimum être équipé :

·        de trémies de réception séparées permettant de rentrer des variétés en lots purs ;

·        de silos parfaitement équipés en ventilation permettant d’abaisser la température autour de 20 °C  le jour même de la réception ;

·        de nettoyeur pour pouvoir éliminer dès la réception un maximum de poussières, impuretés et grains moisis incompatibles avec une bonne conservation ;

·        de calibreur permettant d’éliminer les orgettes (grains < 2.2 mm) des récoltes ;

·         d’un séchoir performant à utiliser dans les jours suivants la récolte pour sécher toutes les livraisons moissonnées à plus de 16 % (mesure de l’humidité 24 heures après mise en silo, après stabilisation : en début de moisson, l’humidité réelle des grains est très souvent sous-estimée de 1 à 2 %).

Le négociant doit être aux normes HACCP (obligatoire depuis 1997), et le personnel doit être sensibilisé et motivé à une politique de qualité.

Tous les négociants ne sont donc pas également compétents pour pouvoir espérer une bonne valorisation de l’orge de brasserie.

Le stockage de l'orge de brasserie est très délicat et bien plus contraignant que celui des autres céréales, y compris des semences, puisque la garantie d’énergie germinative est de 95 % en 3 jours en orge de brasserie, ce qui est beaucoup plus drastique que le pouvoir germinatif exigé des semences.

A la récolte, l'orge a une dormance plus ou moins forte selon l'année (climat pendant la maturation du grain), le type d’orge, la variété, ...  Ainsi, les orges de printemps originaires de nos régions septentrionales ne sont généralement maltées qu'à partir de la fin de l'automne, et les orges d'hiver à partir du printemps.  Entre-temps, l'orge de brasserie doit être stockée; les livraisons ne se font jamais à la moisson, ce qui n'est pas le cas de l'escourgeon ou du froment.

Une directive européenne a introduit de nouvelles normes sanitaires qui concernent les teneurs maximales autorisées en mycotoxines : les aflatoxines B1, B2, G1, G2 et l’ochratoxine A.  Ces mycotoxines sont produites par les Pénicillium et Aspergillus se développant en cours de stockage pas assez soigné.

Des normes existent aussi pour les DON, mycotoxines dont l’origine provient des fusarium se développant au champ ; mais dans notre climat tempéré d’Europe Occidentale, les DON ne se retrouvent que rarement et en quantités négligeables sur orge, contrairement aux orges nord américaines.  Néanmoins les grains moisis et/ou fusariés sont indésirables en malterie et ils doivent être éliminés de la récolte. 

Pour parvenir à conserver les pouvoir et énergie germinatifs et la qualité sanitaire pendant ces périodes obligatoires de stockage, le stockeur doit ramener le plus rapidement possible la température du grain dans les silos sous 15°C, mais surtout l'humidité du grain autour de 14 %: d'où la nécessité de récolter quand le grain est sec, et de pouvoir, en années humides, sécher les récoltes sans que les températures ne dépassent 38°C dans le grain.  Au-delà de 16 % d’humidité dans le silo, il n’est pas possible de maintenir une qualité parfaite de la récolte par la ventilation seule ; il faut aussi sécher. 

 

[1] Projet APE 2242 (FOREM) et projet CePiCOP (DGA – Ministère de l’Agriculture et de la Ruralité de la RW)

[2] F.U.S.A.Gx – Unité de Phytotechnie des régions tempérées